Question de M. PATIENT Georges (Guyane - SOC-A) publiée le 28/02/2013

M. Georges Patient attire l'attention de M. le ministre des outre-mer sur la crise du secteur du logement social en Guyane. Une situation critique y résulte de l'insuffisance de l'offre de construction de logements sociaux par rapport à un accroissement de la demande due à une croissance exponentielle de la population et à une proportion très élevée de ménages à faibles revenus. En Guyane, le pourcentage de la population éligible au logement social est de 80 %. Une progression de ces constructions avait été enregistrée en 2011, à la suite de la réorientation de la défiscalisation vers le logement social. Mais l'inquiétude revient chez les opérateurs de logements sociaux en Guyane, incapables désormais de remplir leurs cahiers des charges qui leur imposent notamment d'augmenter de façon conséquente la production de logements sociaux, tant les besoins sont énormes. Ils se heurtent principalement à des difficultés de trésorerie dues à un solde conséquent non versé des demandes 2012, au titre de la ligne budgétaire unique (LBU) alors que des chantiers sont déjà engagés pour 2013 en fonction des crédits de paiement de la ligne budgétaire unique pour cet exercice.

Il souhaiterait, en conséquence, connaître la disponibilité réelle des crédits de paiement de la ligne budgétaire unique pour les exercices 2012 et 2013.

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 30/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/10/2013

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, le logement social en Guyane connaît une crise d'une gravité et d'une acuité particulières.

D'après les derniers chiffres, les demandes de logement non satisfaites s'élèvent à 13 000, auxquelles il convient d'ajouter environ 11 000 habitations insalubres, dans lesquelles vivent près de 35 000 personnes.

Ces chiffres sont à rapporter à ceux de la population, estimée à 220 000 habitants. Autrement dit, un quart de la population souffre du mal-logement !

Cette situation s'explique par le dynamisme de la demande, lié à une forte croissance de la population, laquelle est cinq fois plus élevée qu'en métropole, et la plus forte des outre-mer. Elle est également due à une très forte proportion de ménages à faibles ressources et au pourcentage de la population éligible au logement social, qui s'établit à 80 %.

La construction de 3 600 logements par an serait nécessaire pour faire face à cette croissance de la demande.

Or, l'offre ne suit pas. Une progression des constructions avait été enregistrée en 2011, à la suite de la réorientation de la défiscalisation vers le logement social. Mais cet élan - ou cet allant - est vite retombé en raison, d'une part, des difficultés rencontrées par les opérateurs de logements sociaux pour percevoir les versements de la ligne budgétaire unique, la LBU, et, d'autre part, des délais anormaux de traitement des dossiers de défiscalisation par Bercy. Ainsi, au 30 septembre 2013, 38 millions d'euros seraient dus aux sociétés d'économie mixte de Guyane.

Même si la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Guyane a pu récupérer 8 millions d'euros de crédits de paiement, les besoins pour honorer les demandes des opérateurs restent estimés à 45 millions d'euros à la fin de l'année 2013, pour une dotation initiale de 20 millions d'euros.

L'Association régionale des maîtres d'ouvrage sociaux en Guyane, l'ARMOS Guyane, avait très rapidement tenu à informer du niveau des besoins, lesquels s'élevaient à 68 millions d'euros.

Outre les risques sur l'appareil de production et sur l'emploi, c'est toute la dynamique de rattrapage et de construction de logements sociaux qui est atteinte. Les chantiers sont quasiment gelés et les constructions risquent de tomber à 500 ou 600 logements par an, loin de l'objectif, fixé à 3 000 logements par an.

Si l'on ajoute à cela l'arrêt de la production de logements sociaux en accession, les logements évolutifs sociaux, ou LES - c'est une autre singularité de la Guyane -, les conditions semblent réunies pour une explosion sociale dans ce domaine.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire connaître le montant des crédits de paiement que vous comptez allouer à la Guyane au titre de la LBU et, en cas d'insuffisance, les moyens que vous envisagez de consacrer à l'apurement de cette dette, qui met en défaut de paiement les opérateurs de logements sociaux et, au-delà, met en péril toute la chaire du BTP ?

Un dispositif comparable à celui qui a été mis en place pour la Semsamar, c'est-à-dire un abondement des crédits de paiement, doit être envisagé en 2014 pour les bailleurs et opérateurs de Guyane.

De même, monsieur le ministre, pouvons-nous avoir la certitude que la Guyane sera correctement dotée en autorisations de programme et en crédits de paiement pour l'exercice 2014, eu égard à sa situation de crise ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous soulevez là une difficulté majeure et récurrente.

La politique en faveur du logement social et de la lutte contre l'habitat insalubre est une priorité du Gouvernement, plus particulièrement de mon ministère.

Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, les crédits de la ligne budgétaire unique ont été portés à 244 millions d'euros, soit une augmentation de 18 % par rapport à l'année dernière et de 25 % par rapport à 2011.

La situation du logement en Guyane ne m'a pas échappé.

Dès mon entrée en fonctions, j'ai souhaité, en dépit des contraintes de gestion, renforcer la dotation dont bénéficie ce territoire au titre de la LBU : alors que cette dernière était de 16 millions d'euros en crédits de paiement, je l'ai portée à 20 millions d'euros. En complément, le préfet a redéployé près de 6 millions d'euros vers la LBU, depuis d'autres lignes moins tendues. Au total, en 2012, mon ministère a fait passer la dotation initiale de 16,5 à 26 millions d'euros, soit une augmentation de près de 60 %.

Nous savions que de telles tensions se reproduiraient en 2013, pour une raison simple : l'accélération des constructions de logements sociaux, permise par le couple LBU-défiscalisation.

Pour y faire face, j'ai d'emblée décidé de porter la dotation initiale pour 2013 à 20 millions d'euros, soit 4 millions d'euros de plus que l'année précédente. Cela n'a pas suffi. Aussi, j'ai autorisé un abondement de 3 millions d'euros supplémentaires en juillet dernier. Les 25 septembre et 11 octobre derniers, devant des tensions persistantes sur les moyens de paiement - vous les avez évoquées -, j'ai demandé un nouvel abondement de 5,2 millions d'euros.

Vous voyez donc que nous sommes tout sauf inactifs devant cette réalité. En 2013, la dotation initiale est ainsi passée de 20 à 28 millions d'euros.

Au reste, pour le cas où cet effort ne suffirait pas à résoudre tous les paiements en attente, j'ai engagé des discussions avec le ministre chargé du budget pour majorer les crédits disponibles dans le cadre de la fin de gestion. J'espère que les sommes gelées pourront être débloquées très prochainement.

Je ne souhaite pas que ce phénomène se reproduise perpétuellement. Aussi, monsieur le sénateur, pour répondre précisément à votre question concernant les dotations dont bénéficiera la Guyane, au titre de la LBU, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, je vous indique qu'elles seront de 31,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 32 millions d'euros en crédits de paiement, contre 16 millions d'euros en 2012.

Par ailleurs, j'ai déjà annoncé que, compte tenu du dynamisme démographique du département et conformément au mandat que m'a confié le Premier ministre, 100 000 logements seront construits sur les dix prochaines années, à raison de 10 000 logements par an, contre environ 7 400 ou 7 500 aujourd'hui. Tout le problème sera de trouver les moyens pour financer ces nouvelles constructions.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

J'ai bien entendu l'engagement du Gouvernement en faveur du logement social et je sais qu'il s'agit là de l'une des priorités de sa politique en direction des outre-mer.

Je me permets toutefois d'insister, compte tenu de la gravité sans précédent de la situation en Guyane, dans un contexte très sensible.

Ce que je demande, ce n'est pas un doublement de la dotation au titre de la LBU pour le début de l'année 2014 ; c'est un doublement des crédits de paiement nécessaires à apurer la dette et à poursuivre l'effort annuel, afin d'éviter un effet « boule de neige », qui verrait les crédits de paiement pour 2014 rembourser une partie des dettes de 2013, et ainsi de suite. Sur ce sujet, j'ai bien entendu votre réponse, et je pense donc que votre engagement va se traduire concrètement.

S'agissant du guichet unique, sujet sur lequel nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises, je me permets d'insister sur la nécessité d'en installer un en Guyane car, je le rappelle, c'est le seul département d'outre-mer qui n'en dispose pas actuellement.

Or, les besoins en matière d'accession très sociale sont importants : ils s'élèvent à près de 700 logements évolutifs sociaux par an. Pour pouvoir y répondre, la présence, sur place, d'une interface sociale et financière, dans le cadre du montage des dossiers de logements évolutifs sociaux, est essentielle.

Aussi, je réitère ma demande de réouverture du dossier du fonds de garantie habitat Guyane, en espérant qu'il ne s'agira pas d'un vœu pieux.

Sur tous ces points, je compte sur vous, monsieur le ministre ! Vous savez que vous avez toute ma confiance.

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