Question de M. CHEVÈNEMENT Jean-Pierre (Territoire de Belfort - RDSE) publiée le 22/03/2013

Question posée en séance publique le 21/03/2013

Concerne le thème : L'Europe de la défense

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement à la défense, non seulement à l'outil militaire, mais aussi à la condition des hommes. Vous avez su montrer votre proximité avec nos soldats en vous préoccupant directement des questions les plus matérielles. Je pense au retard de paiement des soldes ou encore à vos visites sur le terrain, notamment dans l'Adrar des Ifhogas.

Nombreux, sur ces travées, sont ceux qui connaissent la situation budgétaire très préoccupante de la défense face à l'ampleur des coupes envisagées par le ministère du budget. Quasi unanimement, le Sénat vous soutient, estimant qu'il n'est pas possible de relâcher l'effort de défense, au point de le faire descendre en dessous de 1,5 % du PIB, soit environ 31 milliards d'euros par an, sans compromettre définitivement l'indépendance et la qualité de notre outil de défense.

Nos soldats, avec peu, font merveille au Mali. Je salue leur professionnalisme, leur courage, leur esprit de sacrifice. En raison de leur action, ils ont évité que le Mali ne devienne un sanctuaire d'Aqmi. L'intervention décidée par le Président de la République, François Hollande, correspond à l'intérêt non seulement de la France, mais aussi de l'Europe.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Or celle-ci n'apporte qu'un soutien modeste à l'armée française engagée sur le terrain, de même qu'à la mission de formation EUTM, dont 40 % à 50 % des missions et des charges sont supportés par la France.

Monsieur le ministre, au mois d'octobre dernier, devant l'Assemblée nationale, vous avez indiqué : « Les contraintes budgétaires représentent peut-être une chance pour l'Europe de la défense, car il faut éviter que l'Europe ne connaisse un déclassement stratégique. »

Nous serions prêts à vous suivre sur ce terrain si, toutefois, un effort accru de coopération et de mutualisation était entrepris, sans préjudice, bien entendu, pour notre autonomie de décision.

Or quelles sont les coopérations industrielles et technologiques nouvelles qui, depuis l'automne dernier, sont venues s'ajouter – je dis bien : « s'ajouter » – à celles qui sont déjà engagées et qui ne couvrent qu'un champ très limité ? Je veux citer : le programme MRTT, relatif aux avions multirôle de ravitaillement en vol et de transport, dont les premières commandes sont inscrites au budget de 2013 ; l'avion de transport militaire A400M, déjà commandé à cinquante exemplaires et dont la première livraison devrait intervenir à la fin de cette année ; les drones, dont le Watchkeeper – à quel horizon sera-t-il effectif ? – ; les missiles PAAMS pour les frégates anti-aériennes et les missiles air-air de longue portée METEOR, déjà commandés à deux cents exemplaires ; le projet franco-britannique de missile antinavire léger, dont nous aimerions savoir s'il est maintenu et financé ; le programme MUSIS ; les radios logicielles militaires.

M. le président. Je vous rappelle, mon cher collègue, que nous avons des contraintes de temps !

M. Jean-Pierre Chevènement. Ma question est simple, monsieur le ministre : à ces coopérations déjà engagées, quelles autres sont venues s'ajouter ? Les crédits nécessaires à la mise en œuvre de ces programmes seront-ils sauvegardés, sanctuarisés, dans notre pays comme chez nos partenaires ? Les démarches ont-elles été entreprises en ce sens ?

Il y a un moment où les mots doivent recouvrir une réalité, sauf à dire que la constitution d'une défense européenne ne peut être qu'une perspective à très long terme, insusceptible de résoudre les problèmes de l'immédiat. Alors, nous devons compter sur nous-mêmes !

Telles sont, monsieur le ministre, les questions auxquelles nous aimerions obtenir des réponses précises.

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Réponse du Ministère de la défense publiée le 22/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/03/2013

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le sénateur, je m'associe à l'hommage que vous avez rendu aux soldats français qui mènent à l'heure actuelle, et encore cette nuit à Tombouctou, une action exemplaire au Mali. Ils témoignent de leur courage et de leur savoir-faire tactique et militaire. Le soutien de l'ensemble de la nation à cette intervention est important tant pour leur moral que pour leur dynamisme.

Je voudrais vous remercier plus généralement, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'extrême vigilance dont font preuve les groupes politiques du Sénat au moment de la préparation des conclusions du livre blanc et du futur projet de loi de programmation militaire. Vous êtes très vivement attachés à ce que les crédits consacrés à la défense militaire française restent autour de 1,5 % du produit intérieur brut, et croyez bien que j'apprécie cette position.

J'en viens, monsieur Chevènement, à la question que vous m'avez posée sur les futures coopérations à l'échelon européen, après avoir dressé une liste des coopérations en cours. Il est vrai que la mutualisation et la coopération sont tout à fait essentielles. Certes, depuis le début de l'année, aucun nouveau projet n'a été concrètement conclu. Cependant, des avancées notables doivent être relevées dans deux ou trois domaines, en particulier dans ceux des drones et des chasseurs de mines, qui nous donnent à penser que nous pourrons déboucher sur des conclusions assez rapidement.

Par ailleurs, le champ des coopérations engagées n'est pas limité. Vous avez dressé une liste d'équipements, qui, ajoutés les uns aux autres, correspondent à peu près à 30 % des investissements réalisés en France, hors dissuasion. C'est un signal important, qui montre que l'Europe de l'industrie de la défense est en route, même si elle est avance d'un pas trop lent à nos yeux.

Lors de la préparation du prochain budget et de l'élaboration du projet de loi de programmation militaire, nous ferons tout pour préserver les contractualisations que nous avons passées avec nos voisins européens, tant pour notre propre sécurité que pour la leur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique, bien que le temps censé être consacré à celle-ci soit d'ores et déjà épuisé. Je présente d'ailleurs mes excuses à Mme Aïchi, qui a, elle, renoncé à sa réplique.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, il y a un seuil en dessous duquel nous ne pouvons pas descendre : 1,5 % du PIB. Je suggère que le surcroît de l'effort de défense opéré par la France par rapport à la moyenne européenne - soit 0,5 % de PIB - vienne en déduction du plafond de déficit autorisé depuis Maastricht, soit 3 % du PIB.

En dessous de 1,5 %, il y aurait rupture de l'équilibre entre la France et l'Allemagne. Le président Hollande en est certainement conscient. Nous disposons là d'un avantage comparatif dont nous ne pouvons pas nous défaire !

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