Question de M. CHARON Pierre (Paris - UMP) publiée le 29/03/2013

Question posée en séance publique le 28/03/2013

M. Pierre Charon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, dimanche dernier, les opposants au projet de loi dit du « mariage pour tous » se sont de nouveau réunis pour une manifestation familiale et pacifique. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Caffet. Bien sûr…

M. Pierre Charon. Une fois de plus, vos services ont annoncé un chiffre de participation aberrant, encore confirmé hier soir, celui de 300 000 manifestants, ce qui dénote une volonté délibérée de mentir aux Français, afin de minimiser la réalité de cet énorme mouvement de contestation.

Vous avez ainsi « égaré » 700 000 manifestants le 13 janvier dernier, et plus d'un million cette fois-ci !

Je conçois que le Gouvernement soit agacé par la détermination et la mobilisation massive des opposants à ce texte, mais cela ne saurait justifier ni la manipulation grossière des chiffres…

M. David Assouline. C'est de la provocation, c'est bas !

M. Pierre Charon. … ni les instructions données par vous-même, assisté du préfet de police, depuis la salle de commandement de la préfecture.

Comment expliquez-vous l'utilisation de ce que vous appelez des « aérosols »…

M. Jean-Pierre Godefroy. Les salariés connaissent cela depuis des années !

M. Pierre Charon. … sur des enfants, des femmes, des pères de familles ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Jusqu'à présent, ils servaient plus aux asthmatiques qu'aux manifestants ! Pourquoi pas des vaporisateurs, tant que vous y êtes, alors qu'il s'agit de gaz lacrymogènes ? N'ayez pas peur d'employer les mots qui sont les bons !

Hier encore, à l'Assemblée nationale, où mes collègues députés vous ont fortement secoué, vous avez parlé de « groupes extrémistes ». (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. J'ai les photos !

M. Pierre Charon. Monsieur le ministre, je ne sais pas si quelques agités ont pu se faufiler dans la foule, mais toutes les images et les vidéos sont accablantes pour vous et vos services !

Vos « extrémistes » sont des fillettes de huit ans, des personnes âgées, des bonnes sœurs, des familles nombreuses et des élus de la République ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Propos honteux !

M. Pierre Charon. Rendez publiques les nombreuses plaintes de journalistes déposées contre vos services à la préfecture de police ! D'ailleurs, à l'heure où je vous parle, un jeune de quatorze ans est toujours hospitalisé, ne sachant pas s'il récupérera l'usage d'un œil.

M. Jean-Pierre Godefroy. On aurait aimé que vous vous préoccupiez autant des travailleurs !

M. Pierre Charon. Monsieur le ministre, quand le pouvoir s'en prend aux enfants, c'est la République qui saigne ! (Protestations sur les mêmes travées.)

M. David Assouline. C'est honteux de dire cela !

M. Pierre Charon. Comment pouvez-vous expliquer aux Français que, une semaine plus tôt, les CRS étaient restés impassibles devant les syndicalistes de PSA qui faisaient brûler des pneus sur cette même avenue de la Grande-Armée ?

Comment pouvez-vous affirmer que les organisateurs ont été débordés par la manifestation ? Pardon, mais ce sont vos services de renseignement qui, la veille encore, prévoyaient 100 000 personnes, au doigt mouillé !

Mme Catherine Tasca. Provocation !

M. Pierre Charon. Effectivement, si vous attendiez quinze fois moins de manifestants, il n'est pas anormal que vos services aient été débordés et que l'on ait à déplorer des incidents...

Il était tout à fait irresponsable de la part du préfet de police de Paris, M. Boucault, d'avoir figé les manifestants, sans prévoir d'issues au cortège. Vous savez à quoi cela revient ? À peu près à remplir une boîte de nuit sans prévoir de sortie de secours !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Votre temps est écoulé !

M. Pierre Charon. Cela dit, quand on nomme un directeur de l'ENA patron du maintien de l'ordre, et que l'on court des fauteuils du Grand Rex à la salle de commandement de la PP, il ne faut pas s'étonner d'être débordé par la situation !

M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure !

M. Pierre Charon. C'est pourquoi, devant l'absence de réponse, nous avons décidé, avec un certain nombre de collègues, de demander l'ouverture d'une commission d'enquête, afin d'être éclairés sur les conditions dans lesquelles la préfecture de police (Les protestations sur les travées de l'UMP couvrent la voix de l'orateur.)…

M. le président. Concluez maintenant, monsieur Charon !

M. Pierre Charon. … n'a pas anticipé, n'a pas encadré cette manifestation et a menti aux Français sur la participation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 29/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 28/03/2013

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur Charon, que cherchez-vous ? À remettre en cause la parole de l'État, celle du préfet de police ? À contester la légitimité du Parlement, celle des représentants de la nation ?

Dans quelques jours, vous allez être saisi, ainsi que vos collègues, d'un texte, celui du mariage pour tous, qui a été majoritairement adopté par l'Assemblée nationale.

Vous avez gouverné, assumé des responsabilités,...

M. Jean-Pierre Caffet. Pas lui ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Manuel Valls, ministre. Effectivement, pas vous - heureusement d'ailleurs, vu ce que je viens d'entendre ! -, mais vos amis ! Vous avez été confrontés à des mouvements sociaux, à la nécessité de maintenir l'ordre, à la colère des Français, aussi. Et maintenant vous venez donner des leçons ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Vergoz. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Charon, vous qui avez souvent fréquenté la préfecture de police de Paris, vous savez parfaitement que la méthode de comptage est la même pour tous les rassemblements et toutes les manifestations, et qu'elle est utilisée depuis des années.

Le chiffre de 300 000 manifestants est déjà très important. Qui peut penser qu'il y avait dans Paris plus d'un million de manifestants ? Cela n'a aucun sens ! Pourquoi pas deux ou trois millions, tant que vous y êtes ?

M. Alain Gournac. Argument ridicule !

M. Manuel Valls, ministre. Vous essayez de tromper les Français sur ce sujet. (Non ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

Il a été démontré qu'ils étaient bien 300 000. Vous jetez des accusations, mais il y a derrière des professionnels, des fonctionnaires consciencieux : 2 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés dimanche dernier. C'était adapté au nombre de manifestants prévu, parce que nous savions qu'ils seraient à peu près le même nombre que précédemment.

M. Pierre Charon. Et pourquoi pas 100 000 !

M. Manuel Valls, ministre. Non ! Et ne croyez pas tout ce que l'on vous dit dans certaines officines ! Vous avez trop fréquenté les officines de la République, vous voyez bien de quoi je veux parler... (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Mauvaises fréquentations !

M. Manuel Valls, ministre. Je tiens d'ailleurs à votre disposition les preuves : les photographies de la manifestation ; elles ont été publiées hier, vous le savez, sur le site de la préfecture de police, parce que nous n'avons rien à cacher.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bravo !

M. Manuel Valls, ministre. Les manifestants ont annoncé un chiffre, mais quel mode de comptage ont-ils utilisé ? Vous pensez pouvoir en confirmer la fiabilité ? C'était peut-être l'une des rares manifestations auxquelles vous ayez participé, à moins qu'il n'y en ait eu d'autres, voilà quelques années...

Mme Éliane Assassi. Il y a bien longtemps...

M. Pierre Charon. Pas d'insulte !

M. Manuel Valls, ministre. Vous le voyez, cette polémique n'a pas de raison d'être.

Les débordements qui ont eu lieu, alors même que les consignes de la préfecture étaient claires, sont inacceptables. Il est bien étonnant qu'un parlementaire qui se réclame sur d'autres sujets du parti de l'ordre salue précisément ceux qui s'en prennent aux forces de l'ordre ! (Huées sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Il y a eu, sur internet et sur les réseaux sociaux, de nombreux appels à braver une décision préfectorale confirmée, je vous le rappelle, par le tribunal administratif de Paris.

Enfin, les organisateurs ne pouvaient ignorer, pas plus que vous, le rôle joué - les reportages des médias l'ont bien montré ! - par les extrémistes du Bloc identitaire, des Jeunesses nationalistes, du Renouveau français, du GUD, d'Europe-Jeunesse, qui étaient sur place et qui levaient leurs bras devant les forces de l'ordre.

M. Jean-Pierre Caffet. Factieux !

M. Manuel Valls, ministre. Cela aussi, monsieur Charon, vous l'excusez. Et vous trouvez normal - vous, un parlementaire ! - de mettre en cause nos forces de l'ordre ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Les forces de l'ordre sont intervenues, mais, pour ma part, je suis parfaitement cohérent : dans une démocratie, il ne saurait y avoir le moindre débordement. Vous n'avez pas le droit de mettre en cause ici, au Sénat, pas plus d'ailleurs qu'à l'Assemblée nationale, un homme d'État comme le préfet Bernard Boucault. C'est d'une lâcheté inacceptable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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