Question de M. NÉRI Alain (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 07/03/2013

M. Alain Néri attire l'attention de Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative sur la surprenante décision de l'éviction de la lutte du programme olympique 2020. Cette idée apparaît en totale contradiction avec l'esprit olympique et l'histoire des Jeux olympiques. En effet, la lutte était déjà une des disciplines sportives qui figurait dans les Jeux olympiques de l'Antiquité. Certes, cette discipline ne bénéficie pas, malheureusement, de la couverture médiatique qu'elle serait en droit d'attendre mais elle demeure un sport de base d'éducation physique et citoyenne par les qualités qu'elle nécessite et qu'elle développe et c'est un sport qui fonctionne dans le plus pur esprit de l'olympisme et de ses valeurs. Elle n'est pas gangrenée par l'argent qui dénature aujourd'hui, plus que jamais, de trop nombreuses disciplines sportives. On n'ose donc imaginer que ce motif a été retenu pour conclure à son éviction des Jeux olympiques, ce qui provoquerait un véritable séisme dans le sport mondial. Il lui demande donc de bien vouloir intervenir auprès du Comité national olympique et sportif français et de son président pour qu'ils se mobilisent afin que cette décision soit annulée lors de la réunion du Comité international olympique (CIO) au mois de mai prochain.

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Réponse du Ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative publiée le 22/05/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/05/2013

M. Alain Néri. Madame la ministre, je veux d'abord vous dire combien j'ai été non pas seulement surpris, mais choqué par la décision envisagée d'évincer - on pourrait même parler de « radiation » - la lutte du programme olympique pour les jeux d'Istanbul de 2020.

Une telle initiative m'apparaît en totale contradiction avec l'esprit et l'histoire même des jeux Olympiques. En effet, la lutte est une discipline olympique depuis l'Antiquité.

Certes, cette discipline ne bénéficie malheureusement pas de la couverture médiatique qu'elle mérite. Toutefois, elle demeure un sport de base de l'éducation physique et même, par les qualités de respect qu'elle développe, sociale et citoyenne. Ce sport éminemment populaire correspond au plus pur esprit de l'olympisme et de ses valeurs : il n'est pas gangrené par l'argent, qui dénature aujourd'hui plus que jamais de trop nombreuses disciplines sportives - et qui seront, elles, bien présentes aux jeux.

Je n'ose imaginer que c'est au motif que la lutte est un sport pauvre financièrement - alors qu'il est si riche moralement ! - que certains ont imaginé pouvoir l'exclure des jeux Olympiques.

En tout état de cause, son éviction serait un véritable séisme pour le sport mondial.

Plusieurs nations, comme les États-Unis, la Russie, la Turquie, la Roumanie, la Bulgarie et bien d'autres, ont déjà réagi pour protester contre cette injustice et demander la réintégration de la lutte au programme olympique.

Les lutteurs français, qui ont brillé et brillent encore aujourd'hui dans de nombreuses compétitions internationales, ainsi que les nombreux dirigeants et éducateurs bénévoles ne comprennent ni n'acceptent cette stigmatisation de leur sport. La France ne peut être absente de ce combat. Il faut sauver la lutte, madame la ministre !

Je suis intervenu auprès du Comité national olympique et sportif français et de son président, dont j'attends la réponse, pour qu'il se mobilise afin que cette décision soit annulée.

Madame la ministre, envisagez-vous, vous-même, d'intervenir auprès du président du Comité national olympique et sportif français et du Comité international olympique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le rappeler, la commission exécutive du Comité international olympique, le CIO, a arrêté le 12 février dernier la liste des vingt-cinq sports qui figureront au programme officiel des jeux Olympiques de 2020. Cette liste sera ensuite soumise à l'approbation de la 125e session du CIO, qui se réunira en septembre prochain à Buenos Aires.

À la surprise générale, la lutte a été retirée de ce programme.

Comme vous venez de l'indiquer, cette décision a abasourdi les lutteurs du monde entier, notamment les 20 000 licenciés de la Fédération française de lutte, qui a vu le nombre de licenciés augmenter de 8 % au cours de l'année 2012.

Monsieur le sénateur, vous êtes depuis des années, je le sais, un défenseur sincère de cette discipline qui occupait une place éminente dans les jeux Olympiques de l'époque antique, comme elle fut une épreuve phare des premiers jeux de l'ère moderne, voulus par Pierre de Coubertin.

Nous gardons, vous et moi, comme nombre de nos compatriotes, le souvenir de la médaille de bronze de Steeve Guénot aux jeux Olympiques de Londres, de sa médaille d'or à Pékin - la première médaille d'or obtenue par la France à ces jeux Olympiques ! -, ainsi que de la médaille de bronze de son frère. Nous nous souvenons également des médailles obtenues par Daniel Robin aux jeux Olympiques de Mexico et de Ghani Yalouz aux jeux d'Atlanta, sans oublier nos deux médaillées Anna Gomis et Lise Legrand lorsque, pour la première fois, la lutte féminine a fait son apparition, en 2004, à Athènes.

Il ne s'agit cependant pas d'une décision définitive de retrait, puisque la lutte peut encore être réintégrée au programme des jeux Olympiques de 2020.

En effet, l'accession d'un vingt-sixième sport au programme olympique sera décidée lors du prochain congrès du Comité international olympique, qui se déroulera du 7 au 10 septembre 2013 et qui attribuera également les jeux Olympiques de 2020 : les villes en lice sont Madrid, Istanbul et Tokyo. Je serai d'ailleurs à Buenos Aires pour assister à la réunion du comité exécutif de l'Agence mondiale antidopage, qui se déroulera en même temps. Le sport retenu sera choisi parmi une liste de huit sports, dont fait partie la lutte.

La surprise initiale a laissé la place à la détermination des défenseurs de la lutte, qui ont décidé de se battre pour que leur discipline, qui a su traverser les siècles et conquérir tous les continents, demeure dans le programme olympique en 2020.

Samedi dernier, à Moscou, la Fédération internationale de lutte a réuni son congrès extraordinaire : le Serbe Nenad Lalovic en est devenu le nouveau président. Permettez-moi de vous lire ses premiers propos : « Le CIO nous a envoyé un message fort. Nous devons désormais convaincre que nous avons entendu ce message. »

Dès dimanche, dans le monde entier, de nouvelles règles ont été édictées, pour rendre celles-ci plus facilement compréhensibles par le grand public, pour mieux récompenser les prises les plus risquées et aussi pour laisser plus de place à la lutte féminine, ce qu'il convient de saluer.

Monsieur le sénateur, vous savez que j'ai fait du respect de l'autonomie du mouvement sportif ma marque de fabrique. Tel a été le sens de la décision que j'ai prise le 5 décembre dernier de transférer la responsabilité des relations internationales sportives au Comité national olympique, en confiant cette mission à Bernard Lapasset.

Le mouvement sportif, au niveau international comme au niveau national, est autonome. Il appartient à la Fédération internationale de lutte et aux fédérations nationales, avec le soutien des clubs et des licenciés, des dirigeants, des pôles appuyés par le ministère des sports, de convaincre le CIO de conserver cette discipline au sein du programme olympique. Je connais leur détermination et leur combativité, et je leur adresse mes vœux de pleine réussite dans ce challenge, comme je souhaite bonne chance aux sept autres disciplines qui aspirent à intégrer le programme officiel des jeux Olympiques.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Madame la ministre, je n'ai pas douté un seul instant de votre détermination à défendre la lutte. Je suis convaincu que vous pensez comme moi que la lutte est un sport d'éducation. De fait, elle permet à de nombreux jeunes de s'initier à une discipline sportive qui exige un entraînement soutenu, de l'abnégation, du courage, de la discipline et un grand respect des règles, bien sûr, mais aussi d'autrui.

Pour toutes ces raisons, la lutte mérite de conserver son statut olympique.

Je suis très satisfait, comme vous, de constater que la lutte n'est plus réservée aux hommes. Désormais, des femmes s'engagent de plus en plus nombreuses dans ce sport de base, et cela dès le plus jeune âge.

Madame la ministre, je connais votre souhait de laisser son indépendance au monde sportif et je considère que vous avez entièrement raison. Toutefois, il est de notre devoir de responsables politiques d'apporter notre soutien indéfectible à cette discipline sportive, car nous sommes les héritiers du baron de Coubertin : nous avons du sport une conception qui n'est pas marchande.

Il est bien loin le temps où Jules Ladoumègue, le grand coureur à pied français, fut radié à vie de toute compétition sportive pour avoir reçu comme récompense à une victoire une paire de chaussures à pointes ! Il n'en demeure pas moins que ceux qui pratiquent aujourd'hui le sport avec de faibles moyens méritent la reconnaissance de l'ensemble du mouvement sportif.

Dans le cadre d'une mission sur le dopage, nous avons récemment rencontré, aux États-Unis, les responsables de la fédération américaine de lutte, qui s'engagent fortement à soutenir cette discipline sportive. Comme vous l'avez souligné, madame la ministre, le mouvement devient international. Dans nos petites communes, de nombreuses pétitions circulent. M. Lapasset, à qui nous transmettrons ces éléments d'information, devra s'appuyer sur ces interventions pour défendre la lutte.

Sans vouloir être grandiloquent, je dirai, madame la ministre, que nous sommes aujourd'hui tous des lutteurs !

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