Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - SOC) publiée le 11/04/2013

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la question du déstockage des déchets de l'usine Stocamine de Wittelsheim.

Alors que, depuis l'arrêt de l'activité d'apport de déchets en 2002, la question du devenir de ces déchets se posait, le ministère annonçait, en décembre 2012, après les années d'immobilisme de la précédente majorité, le déblocage de la somme de 100 millions d'euros pour le déstockage partiel du site.

Face aux vives inquiétudes exprimées notamment par les élus et membres d'associations, quant à une vraisemblable pollution de la nappe phréatique, le ministère a affirmé vouloir relancer le processus de concertation locale et débattre, ainsi, des différentes solutions techniques dont celle du déstockage total.

En conséquence, elle souhaiterait savoir quels sont les moyens que le ministère entend mettre en œuvre afin d'assurer un déstockage qui soit maximal et, ainsi, garantir l'intégrité de la nappe phréatique.

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 05/06/2013

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2013

Mme Patricia Schillinger. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la fermeture du site de l'entreprise Stocamine situé à Wittelsheim et, plus précisément, sur le devenir des déchets qui y sont stockés sous terre.

En 1997, la société Stocamine a été autorisée à exploiter un stockage souterrain de déchets industriels. Depuis le fameux incendie du bloc 15, en 2002, elle n'accepte plus de déchets.

Cela fait près de quinze ans que gisent, à 500 mètres sous la surface, 44 000 tonnes de déchets, notamment des déchets cyanurés, arséniés, chromiques, mercuriels, ou encore amiantés présentant un haut degré de toxicité.

Très préoccupée par cette question, j'avais déjà interpellé votre prédécesseur sur ce problème, voilà plus de deux ans, et souligné le risque que représentait, pour la nappe phréatique, l'éventualité d'un confinement définitif des déchets.

À l'époque, rien n'avait été fait. J'ai donc tout naturellement salué la décision, que vous avez prise au mois de décembre dernier, de débloquer la somme non négligeable de 100 millions d'euros pour le déstockage partiel du site.

Si cette décision a le mérite de contraster avec l'immobilisme dont a fait preuve la précédente majorité sur le sujet durant des années, je n'ai pu que constater, sur le terrain, qu'elle n'emportait l'adhésion ni des élus concernés ni des associations.

En effet, tous craignent que l'extraction sélective de seulement 4 700 tonnes de déchets, sur les 44 000 tonnes que compte le site, ne présente pas les garanties nécessaires à la préservation de l'intégrité de la nappe phréatique. Élus et associations mettent en doute l'usage de bentonite pour confiner sous terre 90 % des déchets.

Par ailleurs, alors que l'extraction de ces 4 700 tonnes nécessitera d'en manipuler au moins le double, pourquoi ne pas tout simplement procéder à l'extraction définitive de tous les déchets manipulés ?

Madame la ministre, je vous ai signalé ces différents points, lors d'une réunion avec une délégation d'élus. Vous m'avez alors indiqué souhaiter relancer « un processus de concertation locale qui permettrait de débattre des différentes solutions techniques, y compris le déstockage total ».

Depuis, élus et acteurs associatifs s'inquiètent de voir poursuivre les opérations accréditant l'hypothèse d'un confinement au fond de plus de 30 000 tonnes de déchets et attendent des précisions quant au calendrier que mettra en œuvre le ministère afin de procéder à un déstockage, qui, s'il n'est pas total, doit être maximal.

Par conséquent, je souhaiterais connaître votre position sur cette question et, plus précisément, le calendrier d'intervention que vous entendez fixer afin d'assurer un déstockage maximal du site et de garantir ainsi l'intégrité de la nappe phréatique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Comme vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, en 1997, la société Stocamine a été autorisée à exploiter un stockage souterrain de déchets industriels dans des galeries creusées dans les couches de sel, voisines des mines de potasse d'Alsace, à 500 mètres sous terre.

Environ 44 000 tonnes de déchets dangereux, contenant notamment du cyanure, de l'arsenic, du mercure ou de l'amiante, ainsi que des résidus de traitement de fumées d'incinération, y ont été stockées.

À la suite d'un incendie survenu en 2002, ce site ne reçoit plus de déchets et doit être définitivement fermé.

Depuis dix ans, de nombreuses études ont été réalisées pour préparer cette fermeture, mais il est vrai qu'aucune décision n'a été prise par le précédent gouvernement.

Il existe pourtant d'importants risques de remontée d'eau dans les galeries et, à terme, de pollution de la nappe phréatique d'Alsace, qui constitue une ressource essentielle pour la région.

La majorité des experts a préconisé le retrait de la moitié des déchets mercuriels les plus dangereux et le confinement sur place des autres déchets, scénario qui permettrait de garantir la maîtrise des risques pesant sur la nappe phréatique.

Selon ces mêmes experts, un déstockage total présenterait des risques importants non seulement pour les travailleurs amenés à intervenir sur le site, mais aussi pour les autres installations devant recevoir les déchets retirés.

J'ai demandé à la société Stocamine d'engager sans plus attendre le déstockage partiel recommandé. Je vous remercie, madame la sénatrice, d'avoir relevé que, dans un contexte budgétaire contraint, j'ai fait inscrire les financements nécessaires sur la période 2013-2015 dans la loi de finances pour 2013, faisant ainsi de la mise en sécurité du site de Stocamine une priorité.

Consciente, toutefois, que le retrait partiel des déchets demandé par l'exploitant et validé par les experts fait l'objet d'importants débats locaux et a souffert d'un déficit de concertation - nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'échanger sur ce dossier lors d'une réunion avec une délégation d'élus alsaciens, le 2 avril dernier -, je souhaite relancer une concertation locale, qui permettra d'examiner les différentes solutions techniques, y compris le déstockage total.

Menée rapidement, elle se déroulera parallèlement au commencement du processus de déstockage partiel. Je veux être claire : aucune décision définitive ne sera prise avant le terme de cette concertation locale, au cours de laquelle seront envisagées toutes les solutions.

La consultation des entreprises pour le déstockage partiel est en cours ; celui-ci devrait pouvoir commencer au dernier trimestre de cette année et durer un an.

Pour ce qui est du calendrier, j'ai demandé au président de la Commission nationale du débat public de désigner un garant indépendant chargé de la bonne tenue de la concertation locale. Le dossier de saisine de cette instance est en cours de finalisation afin qu'elle puisse nommer un garant lors de sa prochaine réunion, au début du mois de juillet. La concertation pourra alors commencer selon les modalités fixées par ce garant.

Je vous le confirme, le début du retrait partiel n'empêche pas de poursuivre ensuite le retrait des déchets au-delà de ce qui est déjà prévu, si cette option est retenue lors de l'instruction technique du dossier et de la concertation.

Je veux donc vous rassurer et, à travers vous, tranquilliser l'ensemble des élus locaux alsaciens attachés, comme moi, à la préservation de la nappe phréatique d'Alsace : l'urgence de la situation est bien prise en compte ; la concertation aura bien lieu et les conclusions qui en résulteront pourront être mises en œuvre, le cas échéant, dans le cadre des procédures en cours qui n'ont aucun caractère irréversible.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je suis satisfaite que le Gouvernement s'engage sur cette voie. Je rappelle que, lors de la mise en place du projet Stocamine, le principe d'une réversibilité du processus sur trente ans avait été posé.

Je profite de cette question orale pour attirer votre attention sur l'invitation du collectif Destocamine, qui souhaitait votre présence, le 13 juin, à une réunion-débat sur le thème du déstockage. Il a bien noté et comprend que vous ne puissiez y assister. Toutefois, je me permets d'appuyer sa demande visant à ce que les services de l'État soient représentés afin de prendre bonne note des différents arguments qui militent en faveur d'un déstockage total.

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