Question de Mme ÉMERY-DUMAS Anne (Nièvre - SOC) publiée le 25/04/2013

Mme Anne Emery-Dumas attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la nécessité de recréer les outils destinés à mettre en œuvre une politique forestière moderne et ambitieuse.

Le fonds forestier national (FFN), fonds d'État, supprimé par la loi d'orientation forestière n° 2001-602 du 9 juillet 2001, destiné à permettre une gestion plus dynamique des forêts françaises et à aider la filière bois à se développer visait, principalement, à encourager le reboisement et à désenclaver les forêts en favorisant l'accès aux engins de débardage.

Il était alimenté par une taxe fiscale et échappait à l'annualité budgétaire, comme compte spécial du trésor. La taxe était versée par les exploitants forestiers et le commerce de première transformation du bois. Le fonds, outil essentiel d'une politique stratégique forestière nationale, a, durant cinquante ans, parfaitement répondu à plusieurs objectifs qui lui étaient assignés : extension forestière (plus de deux millions d'hectares ont été plantés dont 1,5 million appartiennent à des propriétaires privés) et développement de pépinières forestières, développement de routes, pistes et cloisonnement permettant une exploitation plus rapide et rentable des forêts, mise en place de systèmes de défense contre les incendies de forêts (DFCI), développement des métiers de la forêt.

Toutefois, quelques effets pervers ont, également, vu le jour. La recherche d'une rentabilité maximum, couplée à un système d'aides spécifiques a fortement privilégié résineux et peupliers dans beaucoup de régions françaises, créant un déséquilibre feuillu/résineux au détriment d'une biodiversité naturelle et indispensable. Le Morvan en est un exemple. Les coupes rases, l'artificialisation des forêts, leur fragmentation écologique cumulées à un exode rural non négligeable sont également à déplorer et menacent les forêts françaises actuelles.

Aujourd'hui, alors que ces plantations, aidées par le FFN, arrivent à maturité, ces « forêts de rendement » font l'objet d'une exploitation massive dans un contexte d'absence préjudiciable de moyens de contrôle et de réglementation. La question du repeuplement, du renouvellement de la ressource, des conditions de replantation, de l'équilibre des essences, reste, par ailleurs, posée.

Depuis 2001, aucune politique forestière n'a réellement été engagée, ni même pensée. Or, l'engagement de l'État en faveur de la forêt française ne s'est jamais démenti, s'appuyant, entre autres, sur des outils fiscaux et des subventions spécifiques. Des outils, comme le FFN en son temps, constituent des leviers efficaces permettant de développer une politique forestière durable.

Elle lui demande donc s'il est envisageable de travailler à la mise en place de nouveaux outils de gestion et de promotion de la filière bois et de la forêt française, (comme le « fonds forestier stratégique carbone », proposé par les acteurs du secteur), basés sur des financements alternatifs appuyés sur les nouveaux enjeux économiques et environnementaux liés à la forêt française. Elle lui demande également si de telles orientations seront inscrites dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt en préparation.

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Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 10/07/2013

Réponse apportée en séance publique le 09/07/2013

Mme Anne Emery-Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Nièvre dispose d'une ressource forestière abondante sur plus de 225 000 hectares. Le taux de boisement global du département est de 33 %. Les forêts nivernaises sont composées de 180 000 hectares de feuillus dont l'essence majoritaire est le chêne - plus de 66 % - et de 45 000 hectares de résineux, en majorité des douglas plantés dans la seconde moitié du XXe siècle.

Élue d'un département pour lequel la forêt est un bien précieux et la transformation du bois un axe majeur de développement économique, je souhaite aujourd'hui vous interpeller, madame la ministre, sur la nécessité de recréer les outils destinés à mettre en œuvre une politique forestière moderne et ambitieuse. Deux rapports viennent d'être présentés au Gouvernement ; ils sont destinés à alimenter la partie du futur projet de loi d'avenir sur l'agriculture consacrée à la forêt.

Je salue ici le travail de M. Jean-Yves Caullet, qui propose un certain nombre de pistes destinées à sortir la forêt française de l'« immobilisme » dans lequel elle stagnait ces dernières années, ainsi que le travail de la mission interministérielle menée par Christophe Attali, dont le rapport intitulé Vers une filière intégrée de la forêt et du bois prévoit l'élaboration d'un plan national de la forêt et du bois, qui serait la clef de voûte des instruments d'orientation et de conduite de la politique nationale forestière.

Madame la ministre, le Fonds forestier national, ou FFN, fonds d'État, a été supprimé par la loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet 2001. Il était destiné à permettre une gestion plus dynamique des forêts françaises et à aider la filière bois à se développer en encourageant le reboisement et en désenclavant les forêts grâce à un meilleur accès des engins de débardage. Il était alimenté par une taxe fiscale et, en tant que compte spécial du trésor, il échappait à l'annualité budgétaire. Cette taxe était versée par les exploitants forestiers et le commerce de première transformation du bois.

Durant cinquante ans, ce fonds, outil essentiel d'une politique forestière nationale stratégique, a parfaitement répondu aux objectifs qui lui étaient assignés : extension forestière - plus de 2 millions d'hectares ont été plantés dont 1,5 million appartient à des propriétaires privés -, développement de pépinières forestières, de routes, de pistes et de cloisonnements permettant une exploitation plus rapide et rentable des forêts, mise en place de système de défense contre les incendies, développement des métiers de la forêt.

Toutefois, des effets pervers se sont également fait sentir : la recherche d'une rentabilité maximale, couplée à un système d'aides spécifiques, a fortement privilégié résineux et peupliers dans beaucoup de régions françaises, créant un déséquilibre entre feuillus et résineux au détriment d'une biodiversité naturelle et indispensable. Le Morvan en est un exemple : il a connu un fort enrésinement dans la seconde moitié du XXe siècle ; sa ressource arrive à maturité et la disponibilité en résineux dans cette région reste supérieure à un volume de 1,1 million de mètres cubes jusqu'en 2040.

L'exploitation actuelle de cette ressource ne s'effectue pas dans des conditions acceptables : les coupes rases, l'artificialisation des forêts et leur fragmentation écologique, aggravées par un exode rural non négligeable, sont à déplorer et menacent nos forêts actuelles. Aujourd'hui, alors que des plantations arrivent à maturité, ces « forêts de rendement » font l'objet d'une exploitation massive dans un contexte caractérisé par l'absence préjudiciable de moyens de contrôle et de réglementation. La question du repeuplement, du renouvellement de la ressource, des conditions de replantation et de l'équilibre des essences reste par ailleurs posée. Depuis 2001, aucune politique forestière n'a réellement été engagée, ni même pensée.

L'engagement de l'État en faveur de la forêt française est indispensable ; il ne s'était jamais démenti, s'appuyant, entre autres, sur des outils fiscaux et des subventions spécifiques. Ces outils, comme le FFN en son temps, constituaient des leviers efficaces permettant de développer une politique forestière durable.

Madame la ministre, est-il envisageable de travailler à la mise en place de nouveaux outils de gestion et de promotion de la filière bois et de la forêt française - comme le « fonds forestier stratégique carbone », proposé par les acteurs du secteur -, basés sur des financements alternatifs appuyés sur les nouveaux enjeux économiques et environnementaux liés à la forêt française ?

Je souhaiterais également savoir si de telles orientations seront inscrites dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt, en préparation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Stéphane Le Foll, retenu ce matin au conseil d'administration de FranceAgriMer.

Le Fonds forestier national a été un formidable outil de rénovation de la forêt française entre 1946 et 2000, qui a permis le boisement de plus de deux millions d'hectares de terres abandonnées par l'agriculture et l'amélioration de la desserte. L'accent mis sur les résineux a certes modifié le paysage, mais la France reste un pays de feuillus avec 71 % de sa surface couverte par ces essences.

Les boisements réalisés grâce au FFN alimentent aujourd'hui une filière industrielle très dynamique, répondant à la demande de l'aval qui porte essentiellement sur des sciages résineux. Les actions d'animation territoriale - chartes forestières de territoire et plans de développement de massif - qui touchent un quart de la forêt privée portent sur le renouvellement de ces boisements qui arrivent à maturité et sont exploités, de façon à les remplacer par des peuplements mieux adaptés aux nouvelles conditions climatiques et plus riches du point de vue environnemental.

Les nombreux défis auxquels la forêt française doit faire face sont liés à des demandes économiques, écologiques et sociales de plus en plus appuyées, notamment du fait de la prise de conscience de la place de la forêt et du bois dans la lutte contre l'effet de serre : multifonctionnalité et gestion durable des forêts, intégration des forêts et du bois dans l'économie du carbone, préservation de la biodiversité, défense de l'emploi et aménagement du territoire sont autant de fonctions à développer.

Atteindre ces objectifs suppose, en premier lieu, d'assurer la pérennité de la forêt française par le renouvellement et l'amélioration des peuplements, en prenant en compte les conséquences du changement climatique. La constitution d'un outil financier capable de porter cette politique d'adaptation de la forêt française est donc un préalable.

Lors de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, le Président de la République a annoncé, dans la feuille de route pour la transition écologique, le lancement immédiat d'une mission conjointe du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et du ministère du redressement productif, pour la création d'un fonds « bois-carbone » et d'un « comité national filière bois ». Il s'agissait notamment d'étudier la possibilité de mettre en place des financements alternatifs appuyés sur l'économie du carbone.

Le rapport de cette mission, remis récemment, se prononce pour la constitution d'un plan national de la forêt et du bois et la création d'un « fonds stratégique forêt-bois ». La mission confiée par le Premier ministre à M. Jean-Yves Caullet, député de l'Yonne, sur la forêt française et la filière bois conclut dans les mêmes termes.

Cet enjeu est donc bien identifié et fait l'objet de travaux pour sa mise en œuvre dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt, actuellement en préparation. Parmi les six axes d'action du volet forestier de ce projet annoncés par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, lors du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois du 6 mai dernier, figure la mise en place d'un fonds stratégique forêt-bois et de son comité de gestion.

Les discussions en cours visent à mettre en place les conditions d'alimentation de ce fonds par diverses sources budgétaires, fiscales et de fonds de concours, de façon à redonner à la politique forestière des moyens en adéquation avec les défis qu'elle doit et souhaite relever.

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.

Mme Anne Emery-Dumas. Je tiens à remercier Mme le ministre de ces informations, espérant que nous obtiendrons satisfaction lors de la présentation de la loi d'orientation.

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