Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 18/04/2013

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur les conséquences de la démoustication expérimentale au bacille de Thuringe.
Dès août 2006, une vaste campagne de démoustication à titre expérimental a été lancée en Camargue, sur une surface cumulée de quelque 6 500 hectares, par épandage de larves du bacille de Thuringe (BTI), une bactérie aux propriétés insecticides reconnues.
Or, si le BTI a prouvé son efficacité, avec une baisse du nombre de moustiques de 37 à 58 %, son coût environnemental est loin d'être neutre. Le bilan de l'année 2012 réalisé par le conseil scientifique et d'éthique du parc naturel régional de Camargue montre ainsi qu'il dérègle la chaîne alimentaire puisqu'il élimine également d'autres insectes comme les chironomes, les araignées ou les libellules, dont se nourrissent les passereaux des roselières, les hirondelles de fenêtre, les chauves-souris et même certains canards.
Non seulement la Camargue compose un patrimoine unique en matière de biodiversité qu'il convient de protéger, mais ces opérations de démoustication massive pourraient paradoxalement augmenter les risques sanitaires liés aux moustiques. En effet, les mécanismes de sélection naturelle font courir le risque de voir survenir des moustiques résistant à la bactérie, ce qui inviterait plutôt, comme pour les antibiotiques, à limiter l'usage du BTI. Par ailleurs, par effet de compétition, la préservation d'un écosystème diversifié constitue le meilleur rempart à l'apparition d'espèces de moustiques exotiques, vecteurs de maladies graves (chikungunya, dengue, virus du Nil).
En conséquence, il lui demande ce qu'il compte mettre en œuvre pour rechercher, comme le préconise le conseil scientifique et d'éthique du parc naturel régional de Camargue, des solutions alternatives (pièges à CO2, meilleure gestion de la mise en eau…).

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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie


Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 06/03/2014

La stratégie de lutte contre les moustiques vecteurs de maladies (dengue, chikungunya) ou nuisants en France repose principalement sur la lutte larvaire et le Bacillus thuringiensis israelensis (Bti) est la substance active biocide la plus utilisée au niveau mondial pour lutter contre les moustiques au stade larvaire. Le Bti présente en effet une forte spécificité d'action sur les larves de moustiques et une toxicité très faible sur l'homme et son environnement. Les études scientifiques ne montrent pour le moment aucun phénomène de résistance dans le milieu naturel, même si, comme pour tout produit, le développement à moyen ou long terme d'une résistance des larves de moustiques ne peut être exclu. Pour raison de santé publique, les populations de moustiques tigres, vecteurs du chikungunya et de la dengue, sont surveillées et traitées dans les zones urbaines du sud de la France et dans les départements ultra-marins. Pour contrôler ces populations, la lutte anti-larvaire (élimination des gîtes de pontes et Bti) est préconisée. Ce n'est qu'en cas d'échec de la lutte anti-larvaire que des traitements contre les moustiques adultes peuvent être mis en œuvre, et les impacts de ces traitements ont une incidence pour l'environnement plus importante que la lutte anti-larvaire. En Camargue, l'emploi expérimental du Bti depuis 2006 relève d'une lutte de « confort » contre les moustiques « nuisants » mais non vecteurs de maladies. La continuation ou l'arrêt de la lutte contre les moustiques (avec du Bti ou une autre méthode de lutte) en Camargue pose la question de l'acceptation sociale d'un inconfort lié aux moustiques par la population. Certaines régions touristiques sont, en effet, riches en moustiques et ne sont pas traitées aux anti-moustiques (Afrique de l'Est, Asie du Sud-Est, Amériques, pays nordiques), les visiteurs faisant alors le choix de se protéger en connaissance de cause. En cas de non acceptation et/ou de crainte de retombées économiques négatives, notamment pour les entreprises liées au tourisme en milieu naturel, l'arrêt de traitement par le Bti pourrait entraîner l'augmentation de l'utilisation d'insecticides chimiques contre les moustiques adultes au sein des habitations, jardins et campings privés, par des personnes non-formées, provoquant ainsi des impacts sur l'environnement supérieurs à ceux du Bti. Cette absence de coordination dans la lutte contre les moustiques pourrait, enfin, favoriser l'apparition de résistance des populations de moustiques adultes aux insecticides. En cas de crise sanitaire, cela pourrait avoir une incidence sur l'efficacité des actions de lutte. La décision d'arrêter ou de continuer la stratégie actuelle ou de mettre en place une nouvelle stratégie de lutte contre les moustiques doit donc être prise en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés notamment le Conseil général, le Parc naturel régional de Camargue, les acteurs économiques et les habitants des zones géographiques en question.

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