Question de M. ARTHUIS Jean (Mayenne - UDI-UC) publiée le 24/05/2013

Question posée en séance publique le 23/05/2013

M. Jean Arthuis. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur une dérive qui met en péril l'exercice, par les départements, de leurs missions de protection de l'enfance. En effet, nous assistons à un transfert progressif des responsabilités de l'État vers les conseils généraux en matière d'accueil des mineurs délinquants.

En dépit de l'accroissement des crédits, les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, ne permettent plus de faire face aux besoins. Dès lors, au nom de la « graduation de la réponse pénale », les magistrats sont conduits à confier de plus en plus fréquemment des mineurs délinquants, relevant normalement du dispositif de l'ordonnance de 1945, aux services de l'aide sociale à l'enfance, c'est-à-dire aux départements.

La situation en Mayenne met en évidence un dysfonctionnement préoccupant. Le foyer d'hébergement de la PJJ a été fermé et la direction départementale de cette administration a été supprimée, au profit d'un regroupement couvrant trois départements.

Il en résulte que les magistrats confient les jeunes à la PJJ en fonction des places disponibles dans les foyers de cette dernière. En Mayenne, près d'un tiers des entrées en maison d'accueil d'urgence enregistrées entre janvier et avril 2013 concernaient des jeunes faisant l'objet de poursuites judiciaires

Durant la même période, et corrélativement, les agressions envers les éducateurs se sont multipliées, ainsi que les saisies de couteaux, de pistolets à grenaille et autres coups de poing américains. C'est dire si le profil de ces jeunes a changé !

Dans les maisons d'accueil d'urgence, la présence de mineurs délinquants met en danger les autres enfants. Nous sommes ainsi bien loin de la protection des jeunes victimes de leur environnement familial et social ! Du reste, les éducateurs eux-mêmes sont en danger.

Dans une affaire récente, un jeune confié à l'aide sociale à l'enfance s'est livré à une succession d'actes délictueux, conclue par le vol et l'incendie d'un véhicule de service. Interpellé par les gendarmes quelques jours plus tard et présenté au pénal en comparution immédiate, accompagné d'un éducateur de la PJJ, il fait l'objet d'une mesure de liberté surveillée préjudicielle, prise sans jugement, dans le cadre de l'ordonnance de 1945. Ce jeune reste donc placé sous l'assistance éducative et la responsabilité du conseil général, au seul motif que l'on manque de place dans les foyers d'hébergement de la protection judiciaire de la jeunesse.

Madame la ministre, j'aimerais savoir quelles mesures vous entendez prendre pour mettre un terme à cette dérive. Je voudrais vous convaincre que l'aide sociale à l'enfance ne doit pas être la soupape de sécurité de la protection judiciaire de la jeunesse. La prochaine fois, je vous interrogerai sur le placement des mineurs étrangers isolés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Nicolas Alfonsi applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 24/05/2013

Réponse apportée en séance publique le 23/05/2013

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, l'aide sociale à l'enfance n'est absolument pas la soupape de sécurité de la protection judiciaire de la jeunesse !

Les chiffres que vous avancez doivent être vérifiés, car ils ne correspondent pas à ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. Il n'empêche que la situation que vous évoquez est juridiquement possible, l'article 10 de l'ordonnance de 1945 autorisant le juge à placer dans les hébergements de l'aide sociale à l'enfance des jeunes ayant été pris en charge dans le cadre pénal. Toutefois, je l'ai vérifié, de telles situations demeurent absolument exceptionnelles.

Les cas que vous évoquez méritent d'être examinés de plus près, en lien avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Concernant la fermeture de la direction départementale de la Mayenne, je souligne que la protection judiciaire de la jeunesse a perdu, entre 2008 et 2012, près de 600 emplois, soit environ 8 % de ses effectifs. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste. - M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

M. David Assouline. C'est Fillon !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les crédits dévolus aux services associatifs habilités, qui, vous le savez, prennent en charge une part importante des publics concernés, ont baissé de 22 %, c'est-à-dire de 67 millions d'euros.

Le Président de la République a décidé de faire de la jeunesse sa priorité. Le Premier ministre a procédé à des arbitrages en ce sens, de sorte que le budget de la PJJ a augmenté de 2,4 %. Nous avons ainsi pu recruter, dès cette année, 205 éducateurs et psychologues pour assurer une prise en charge, sur l'ensemble du territoire, de ces jeunes dans les cinq jours, et nous avons abondé de 10 millions d'euros la dotation hors crédits courants des associations.

Mme Claire-Lise Campion. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons augmenté la capacité d'accueil de la PJJ, avec soixante-dix nouvelles familles d'accueil. Le nombre de celles-ci est passé de 340 à 410, soit une hausse de 20 % en un an. Par ailleurs, nous avons légèrement relevé la dotation journalière, de 30 à 36 euros.

En outre, nous avons ouvert trois centres éducatifs fermés durant le second semestre de 2012 et nous en ouvrirons quatre autres en 2013. Nous mettons un terme aux fermetures d'établissements éducatifs : ainsi, nous avons maintenu les dix-huit établissements dont la fermeture était programmée pour 2012.

Enfin, nous travaillons, à l'échelon interministériel et en coordination avec les départements, sur la gouvernance de la protection judiciaire de la jeunesse. Monsieur Arthuis, la Chancellerie vous est ouverte ; vous y serez le bienvenu. Je vous informe que j'ai déjà reçu M. Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Claire-Lise Campion. Bravo !

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