Question de Mme LÉTARD Valérie (Nord - UDI-UC) publiée le 09/05/2013

Mme Valérie Létard attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l'inquiétude de plus en plus grande qui a saisi les associations d'usagers représentant les personnes autistes et leurs familles devant le retard pris dans l'annonce définitive du troisième plan autisme pour la période 2013-2015.

Le 2 avril 2013, date de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, la ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, membre de votre pôle ministériel, annonçait à l'Assemblée nationale que « le troisième plan autisme était prêt ». Elle ajoutait qu'il serait présenté devant le Conseil national de l'autisme, le groupe d'études consacré à l'autisme de l'Assemblée et la commission des affaires sociales. Et l'on pouvait penser qu'il en serait de même devant la commission des affaires sociales du Sénat. Or, près d'un mois plus tard, il semble que les arbitrages budgétaires ne soient toujours pas définitivement arrêtés et que les contours exacts du plan ne soient pas encore connus.

Dans le même temps, le manque de lisibilité sur les mesures-phares du plan, hormis quelques grandes orientations très générales, ne permet pas aux familles de savoir si le volontarisme porté par la ministre déléguée se traduira par un plan ambitieux ou si, contraintes budgétaires obligeant, le plan sera d'un format beaucoup plus modeste. Cette incertitude est difficile à supporter par des familles qui ont longtemps attendu et surtout beaucoup espéré une nouvelle impulsion pour conforter les avancées du deuxième plan.

Elle lui demande si son ministère continue à faire de l'autisme une priorité et si cela se traduira dans les moyens qui seront affectés au troisième plan et dans une gouvernance volontariste, qui sache associer usagers et professionnels.

- page 1467


Réponse du Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 20/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 19/11/2013

Mme Valérie Létard. Madame la ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, permettez-moi de recentrer ma question initiale sur la place des centres de ressources autisme, les CRA, dans le troisième plan Autisme.

Créés en 2005 par le premier plan Autisme, les CRA constituent un dispositif déterminant de la politique de prise en charge de l'autisme. Lors du travail d'évaluation que j'avais mené en 2011, j'avais constaté une « grande inégalité dans leurs résultats et leur capacité à assurer toutes leurs missions ». Ces difficultés résultaient notamment de leur statut, leur rattachement à des établissements hospitaliers ne leur assurant pas toujours les moyens de leur autonomie. Selon des données communiquées par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, la CNSA, pour l'année 2009, les CRA relevaient de six formes différentes d'organisation, et dix-huit CRA sur vingt-cinq étaient placés sous gestion d'une structure hospitalière. Afin de conforter leur action, les recommandations nos 9, 10 et 11 de mon rapport préconisaient de « favoriser les accords de coopération entre CRA proches géographiquement sur une ou plusieurs de leurs missions », d'évaluer leur fonctionnement par un audit externe et, suivant une grille d'évaluation à construire, de leur assurer le « choix du statut juridique le plus approprié » en garantissant leur « indépendance par rapport à l'hôpital de support » et leur « ouverture à l'ensemble des partenaires régionaux ». Ce travail d'évaluation devait permettre de déboucher sur une réorganisation des CRA, visant à mieux mutualiser leurs moyens et leurs compétences.

Le troisième plan Autisme que vous avez lancé, madame la ministre, s'inscrit bien dans cette logique d'harmonisation des pratiques, grâce à la création d'un groupement de coopération et au renforcement du pilotage national, par l'intermédiaire de l'Association nationale des centres de ressources autisme, l'ANCRA. Toutefois, votre démarche suscite quelques interrogations, ainsi que l'inquiétude du monde associatif. Permettez-moi de m'en faire la porte-parole.

L'absence d'évaluation a priori des CRA fait craindre aux associations que l'hétérogénéité des pratiques qui les a caractérisés jusqu'à présent ne perdure. Ayant moi-même insisté sur la nécessité d'y remédier, je m'interroge également sur la manière de conforter les CRA sans avoir établi un état des lieux préalable. Comment comptez-vous apaiser ces craintes, très légitimes au regard du fonctionnement passé de certains CRA ?

Les travaux préparatoires à la publication du décret simple définissant les missions des CRA peuvent donner le sentiment que les choix sont faits sans que les associations de familles aient été consultées en amont. Envisagez-vous de le faire avant la rédaction définitive du décret ?

Les CRA eux-mêmes, s'ils sont satisfaits de voir réaffirmée leur expertise pour les diagnostics complexes, s'interrogent sur la possibilité de mettre en place un diagnostic primaire de qualité, en particulier à travers le renforcement annoncé des centres d'action médico-sociale précoce, les CAMSP. Quelles garanties pouvez-vous leur apporter que les moyens budgétaires supplémentaires seront bien fléchés vers le diagnostic de l'autisme ? Vous le savez mieux que personne, madame la ministre, plus le diagnostic est précoce, plus la prise en charge des enfants autistes sera de qualité et plus les progrès seront importants. Le diagnostic est donc vraiment au cœur du dispositif.

Rappelant le statut d'établissement médico-social de ces structures, vous avez annoncé votre intention d'adjoindre à chaque CRA un comité consultatif d'usagers. Pourriez-vous me préciser quels seront sa composition et son rôle ?

Enfin, le plan prévoit que les CRA soient la cheville ouvrière du programme d'actions en matière de formation, pour les professionnels mais aussi pour les aidants familiaux. Pour ces derniers, un cahier des charges a été établi et des appels à projets lancés. Comment envisagez-vous la montée en puissance de ce dispositif ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui témoigne de votre profonde connaissance de la problématique du handicap, et particulièrement de l'autisme.

Vous le savez, les centres de ressources autisme sont placés au cœur du troisième plan Autisme : j'y tenais particulièrement.

Ainsi, le repérage et l'intervention précoces, qui constituent le premier axe du plan, s'appuieront à l'échelon régional sur les CRA, associés à au moins une équipe hospitalière experte en centre hospitalier universitaire.

Pour la mise en œuvre des deuxième et troisième axes du plan, à savoir l'accompagnement tout au long de la vie et le soutien aux familles, les CRA se verront renforcés dans leur fonction d'accueil et de conseil. Pour ce faire, les familles seront associées au fonctionnement des CRA au sein d'un comité des usagers. Cela ne va pas de soi : il est compliqué de faire évoluer les choses en la matière, mais nous allons y parvenir !

Les CRA sont en outre parties prenantes, via l'ANCRA, à la formation des aidants familiaux, qui débutera prochainement, en lien étroit avec les associations de familles. L'ANCRA sera renforcée afin de permettre l'harmonisation des pratiques entre les différents CRA sur l'ensemble du territoire, ainsi qu'une meilleure diffusion des recommandations de la Haute Autorité de santé, la HAS, et de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l'ANESM.

Prochainement, les CRA vont connaître deux grandes évolutions.

En premier lieu, un décret permettra d'inscrire dans la réglementation les missions des centres, à ce jour fixées uniquement par voie de circulaire. Cela doit permettre d'asseoir leur légitimité et de rendre leurs missions opposables à leurs gestionnaires - le plus souvent des centres hospitaliers -, notamment le diagnostic des adultes autistes, que je compte développer au plus vite. Ce décret va également consacrer l'entrée des usagers, et donc des familles, dans la gouvernance des CRA.

Il s'agit donc de renforcer la visibilité des missions des CRA, d'homogénéiser leurs pratiques et de rendre un meilleur service aux familles et aux professionnels. Le décret sera publié en début d'année 2014, après les phases indispensables de concertation avec les associations et les familles.

En second lieu, un groupement de coopération national des CRA sera constitué, pour leur permettre de mettre en œuvre certaines actions d'envergure nationale : la création d'un site web grand public sur l'autisme, la centralisation des travaux de recherche appuyés par les CRA en région, la mutualisation des ressources documentaires, la démarche qualité visant, là encore, à homogénéiser les pratiques des CRA, enfin la formation, avec notamment la coordination des formations au bénéfice des aidants familiaux.

Ce groupement doit voir le jour au premier semestre de 2014. Les crédits nécessaires sont déjà pris en compte dans l'ONDAM médico-social pour 2014.

Madame la sénatrice, je reste à votre entière disposition pour examiner avec vous la mise en œuvre du processus d'homogénéisation et de l'implication des personnes, des familles et des associations dans l'évolution des CRA.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Je remercie Mme la ministre de sa réponse. Les CRA sont la pierre angulaire du dispositif ; leur bon fonctionnement conditionne la mise en place des nouvelles pratiques et l'évolution de la prise en charge de l'autisme. Il est nécessaire d'instituer une structure juridique qui permette d'assurer, au sein des CRA, un équilibre entre les différents acteurs.

Surtout, madame la ministre, il importe de sanctuariser et de flécher les financements, afin de garantir que nous pourrons disposer de moyens suffisants, sur le terrain, pour réaliser les diagnostics au sein des CAMSP. Il est indispensable de répondre sans délai aux attentes des familles concernées.

- page 11571

Page mise à jour le