Question de M. VAUGRENARD Yannick (Loire-Atlantique - SOC) publiée le 13/06/2013

M. Yannick Vaugrenard attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la diffusion, de plus en plus répandue, des rencontres sportives par les chaînes à péage.

Il rappelle que l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne a, par exemple, estimé le 12 décembre 2012 que les États de l'Union européenne ont le droit d'interdire la diffusion de la Coupe du Monde et de l'Euro de football sur des chaînes payantes et d'exiger leur retransmission sur une télévision en accès libre. Si son avis n'est pas contraignant, il est néanmoins suivi par la Cour, dans la grande majorité des cas. Il pose, en effet, que, lorsque ces compétitions sont considérées par les États membres comme des évènements d'importance majeure pour leur société, ils ont le droit, ce faisant, d'en garantir l'accès à un large public.

Il s'interroge, par conséquent, sur l'opportunité de garder en tête la nécessité de permettre un accès important aux rencontres sportives qui rentrent dans la définition préétablies lors de l'établissement du décret qui donne la liste des événements qui doivent obligatoirement être diffusés sur des chaînes accessibles gratuitement et qui couvrent au moins 85 % du territoire français.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 02/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 01/10/2013

M. Yannick Vaugrenard. La part croissante dans notre pays des chaînes à péage dans la diffusion des rencontres sportives est particulièrement préoccupante. En 2016, pour la première fois en France, la phase finale de football du Championnat d'Europe des nations ne sera pas, dans sa totalité, visible gratuitement. La retransmission de vingt-neuf matchs sera ainsi réservée aux abonnés de beIN SPORT, chaîne payante et détentrice des droits. C'est un précédent navrant !

Le problème concerne le football, mais pas uniquement. La Formule 1 est ainsi passée au « tout-payant » ; en rugby, le Top 14 est désormais retransmis par Canal+ ; les grands tournois de tennis - US Open, Wimbledon, Open d'Australie - sont également diffusés par des chaînes à péage, ainsi que tout le basket-ball de haut niveau et l'essentiel du handball.

Il s'agit malheureusement d'une particularité française. Alors que les chaînes en clair - du service public ou non - sont rebutées par l'inflation des droits sportifs, elles ne l'ont pas été dans d'autres pays européens. Pour la Formule 1, par exemple, en Grande-Bretagne et en Italie, les bouquets payants retransmettent les Grands Prix. Cependant, chacun a passé un accord, respectivement avec la BBC et la RAI, pour que ces deux chaînes publiques diffusent neuf courses en direct et les autres en différé.

Cette tendance française à la raréfaction du sport gratuit à la télévision exclut de fait les téléspectateurs aux moyens financiers réduits. Il n'est pas sûr, par ailleurs, que les sponsors des grandes manifestations sportives s'en arrangent très longtemps s'ils ne peuvent plus toucher un public aussi large que précédemment. Cette tendance contribue également à marginaliser des sports qui ne devraient pas l'être. Ainsi, à ce jour, seulement 7 % des retransmissions sportives concernent le sport féminin et 95 % de celui-ci est diffusé uniquement sur des chaînes payantes. Il est souhaitable que la télévision publique reprenne la main afin d'éviter une telle marginalisation, inacceptable.

Certes, il existe un décret de 2004 dressant la liste des vingt et un événements sportifs d'importance majeure qui doivent être diffusés en clair, mais il est aujourd'hui insuffisant et ses termes demeurent trop imprécis.

Je rappelle par ailleurs que l'avocat général près la Cour de justice de l'Union européenne a, par exemple, estimé le 12 décembre 2012 que les États de l'Union ont le droit d'interdire la diffusion de la Coupe du monde et de l'Euro de football sur des chaînes payantes et d'exiger leur retransmission sur une télévision en accès libre.

Madame la ministre, il existe donc une forme de fracture sociale en matière de retransmissions sportives télévisuelles. Quelles mesures envisagez-vous pour garantir au public le plus large l'accès aux compétitions qui sont des événements d'importance majeure pour notre société ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Tout comme vous, monsieur Vaugrenard, je suis soucieuse de la plus large diffusion possible du sport à la télévision sur les chaînes gratuites.

Comme vous l'avez souligné, le décret du 22 décembre 2004 prévoit une liste de vingt et un événements d'importance majeure pour la société française qui doivent être retransmis par les chaînes de télévision dans des conditions qui garantissent que le plus grand nombre y ait accès. Les jeux Olympiques, la finale de la Coupe du monde de football ainsi que le Tour de France sont sur cette liste. C'est ce dispositif qui a permis tout récemment à France Télévisions de retransmettre la finale du Championnat d'Europe de basket, alors même que Canal+ détenait les droits exclusifs de diffusion.

En l'état actuel des choses, le texte - vous avez raison là encore - ne prend pas suffisamment en compte l'exposition du sport féminin. Aussi, pour répondre à cette problématique, la ministre des sports, la ministre des droits des femmes et moi-même avons engagé la modification du décret du 22 décembre 2004. Il est ainsi proposé d'étendre la liste actuelle des événements sportifs d'importance majeure à des compétitions féminines comme, par exemple, les matchs de l'équipe de France féminine de football. Le projet de texte a été soumis pour avis au Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, et il sera notifié à la Commission européenne, conformément à la procédure instituée par la directive Services de médias audiovisuels.

Votre question exprime en outre le souci de permettre au plus grand nombre de téléspectateurs d'accéder aux événements sportifs majeurs. En effet, l'accroissement de la concurrence sur le marché de la télévision payante conduit les chaînes à acquérir des droits exclusifs de diffusion afin de se démarquer de leurs concurrents, ce qui se fait, malheureusement, au détriment de la diffusion de certains très grands événements populaires sur les chaînes gratuites.

L'exposition du sport à la télévision en général a considérablement augmenté au cours des dix dernières années, mais, malheureusement, elle a diminué sur la télévision gratuite. Pour faire face à ce phénomène nouveau, la ministre des sports et moi-même avons décidé d'engager, en lien avec le CSA, une concertation avant la fin de l'année 2013 sur l'équilibre de la diffusion du sport entre les chaînes gratuites et payantes. Nous devons encore en déterminer la forme exacte, mais je peux d'ores et déjà vous dire que nous souhaitons que cette concertation associe tous les diffuseurs et les organisateurs d'événements sportifs. J'espère que les parlementaires, dont vous-même, monsieur le sénateur, prendront part à cette réflexion.

Pour le Gouvernement, il s'agit d'un sujet de préoccupation majeure. Nous travaillons par conséquent à l'évolution de la réglementation pour permettre l'accès du plus grand nombre de nos concitoyens à la diffusion d'événements sportifs.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie beaucoup, madame la ministre, de votre réponse très complète et argumentée.

Je suis satisfait que nous partagions la même préoccupation. Lorsque des événements d'importance majeure peuvent réunir la communauté nationale - ces événements sont rares, et les compétitions sportives en font partie -, il serait bon de ne pas créer ce que l'on pourrait appeler une fracture sociale télévisuelle en excluant, pour des raisons financières, certaines personnes de ce rassemblement.

J'ai bien noté que le sport féminin serait plus et mieux pris en compte. Le basket est d'ailleurs un bon exemple.

J'ai également noté qu'une concertation allait être mise en place avant la fin de cette année, en liaison avec le CSA, pour trouver un équilibre, qui m'apparaît aujourd'hui absolument indispensable. Il fut un temps où l'Eurovision négociait avec l'ensemble des partenaires au nom de toutes les chaînes européennes, dans un bel esprit mutualiste. À plusieurs, on est plus fort que seul ! Nous savons que les retransmissions de grands événements sportifs sont une préoccupation non seulement pour nous, mais aussi pour tous nos concitoyens européens. Par conséquent, peut-être serait-il intéressant d'ouvrir une réflexion à ce sujet.

J'ai noté enfin que vous estimez qu'il s'agit là d'une véritable mission de service public et qu'il est nécessaire de mieux l'assurer. Je le répète, les événements sportifs créent parfois une véritable communion nationale. Il est donc nécessaire que tout le monde y soit associé et que personne n'en soit exclu pour des raisons financières.

Je vous remercie à nouveau, madame la ministre, de votre réponse, et des engagements que vous avez pris.

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