Question de M. GATTOLIN André (Hauts-de-Seine - ECOLO) publiée le 06/06/2013

M. André Gattolin interroge M. le ministre des affaires étrangères quant à la décision prise par la France en janvier 2013 d'ajouter la nationalité syrienne sur la liste des nationalités nécessitant l'obtention d'un « visa de transit aéroportuaire » avant toute escale effectuée en France. Une décision unilatérale et que la France a prise seule, qui ne dépend en rien des politiques européennes en vigueur en la matière, ni de son appartenance à l'espace Schengen.

L'imposition, pour ces ressortissants, d'un tel visa - dont seule la détention permet alors l'attente d'une correspondance en zone internationale de nos aéroports - semble, en effet, en contradiction avec l'esprit, sinon la lettre, de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et avec la responsabilité de protéger telle que cette dernière est définie par l'Organisation des Nations unies, ou encore la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées. Surtout, elle ne paraît guère cohérente avec les déclarations résolues de la diplomatie française quant à l'assistance à apporter à l'opposition syrienne et, plus encore, aux populations civiles victimes de ce conflit.

Les dernières estimations officielles évoquent entre 70 000 et 94 000 tués, dont plusieurs centaines sous la torture. L'Organisation des Nations unies et son Haut commissariat aux réfugiés évoquent, à l'heure actuelle, plus d'un million et demi de réfugiés ayant fui le pays et plus de quatre millions de personnes déplacées sur le territoire même de la Syrie. Entraver la fuite de ces populations en rendant plus difficile la procédure de demande d'asile en France, ou en posant des obstacles supplémentaires à leurs éventuels trajets vers d'autres États, alors même que seules quelques centaines de personnes ont cherché à se réfugier dans notre pays en 2012, constitue une mesure aussi disproportionnée quant à la gestion des flux migratoires à l'entrée de nos frontières que contraire aux engagements humanitaires de la France.

Il lui demande en conséquence si le Gouvernement envisage de revenir sur cette décision et, plus généralement, si la France envisage d'œuvrer, au niveau européen, pour que soit activée une stratégie commune d'accueil et de protection des réfugiés syriens sur le territoire de l'Union européenne.

- page 1680

Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/06/2014

Les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur ont décidé de soumettre temporairement à l'obligation de visa de transit aéroportuaire (VTA) les ressortissants syriens à compter du 15 janvier 2013. La Commission européenne en a été informée, conformément aux prescriptions de l'article 3 paragraphe 2 du Règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Cette mesure a seulement pour objectif de permettre d'éviter un afflux massif et incontrôlé de personnes souhaitant détourner leur transit aux seules fins d'entrer en France à l'occasion d'une escale ou d'un changement d'avion dans un aéroport situé sur le territoire français. Elle ne prive donc en aucune manière les intéressés, transitant par les aéroports français munis d'un VTA, de la possibilité de demander l'asile à cette occasion, même si tel n'était pas l'objectif déclaré dans le cadre de la demande de visa. La situation issue de la décision d'exiger un VTA pour les ressortissants syriens ne porte aucune atteinte au droit d'asile, ni par elle-même, ni au regard de la nature du VTA et des conditions dans lesquelles ils ont été, depuis cette décision, délivrés aux ressortissants syriens qui les ont demandés ainsi que l'a jugé le Conseil d'État (CE, 20 mars 2013, ANAFE et GISTI, n° 366308). Consciente de la situation alarmante en Syrie, la France agit afin d'apporter des réponses concrètes aux difficultés des réfugiés syriens. Pour ce faire, elle apporte un soutien financier à l'aide humanitaire d'urgence en Syrie ainsi qu'aux Organisations non gouvernementales œuvrant dans les pays voisins, notamment en Jordanie et au Liban. Au-delà de cette nécessaire aide sur place, la France a indiqué au Haut commissariat aux réfugiés (HCR) en juin 2013 qu'elle se tenait disposée à accueillir 500 syriens en situation de particulière vulnérabilité, dans le cadre de la réinstallation et d'un programme spécifique d'admission humanitaire. Si, pour les opérations de réinstallation qui s'inscrivent dans le cadre de l'accord cadre de 2008 signé avec le HCR, la vulnérabilité sera l'unique critère pris en compte, en revanche, pour l'admission humanitaire, ce critère sera combiné avec d'autres facteurs liés au parcours personnel ou familial, visant à faciliter l'insertion de la personne en France. À la fin 2013, le HCR a soumis de premiers dossiers de réfugiés syriens. D'autres sont en cours d'instruction. Un dispositif spécifique a été mis en place afin de pouvoir accueillir ces personnes dans les meilleures conditions possibles : attribution d'un logement dès l'arrivée en France et accompagnement personnalisé par une assistante sociale. Le premier groupe d'une trentaine de personnes arrivera en France au début de l'année 2014. Par ailleurs, en marge de ce programme et compte-tenu de l'urgence de la situation, les postes diplomatiques français des pays limitrophes étudient avec la plus grande attention les demandes de visas au titre de l'asile. À ce jour, plus de 360 personnes ont fait l'objet d'un accord. À ces visas s'ajoutent les autres visas de long séjour délivrés par les postes consulaires et qui sont en augmentation par rapport à 2012. Ainsi, 978 demandes de visas de long séjour qui permettent une installation durable sur le territoire ont été sollicitées aux guichets français (avec un taux de délivrance de plus de 76 %), contre 572 demandes en 2012. La demande d'asile syrienne en France continue d'augmenter. La France a reçu 1 302 demandeurs d'asile syriens en 2013 : la demande a augmenté de 165 % par rapport à 2012. La France s'est engagée à faciliter et à accélérer le traitement des demandes d'asile déposées par des ressortissants syriens auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le taux d'acceptation par l'OFPRA est exceptionnellement élevé : plus de 95 %. La France a accordé sa protection (réfugié ou protection subsidiaire) à plus de 850 syriens pour la seule année 2013. Enfin, il convient de noter que les autorités françaises délivrent quotidiennement, outre des VTA aux ressortissants syriens qui remplissent les conditions nécessaires, des visas « ordinaires » de court ou de long séjour à ceux qui satisfont aux conditions. Ainsi, la France reste très attentive aux évolutions qui pourraient survenir en Syrie et dans les pays limitrophes, et aux solutions qui doivent y être apportées. Cette réflexion est menée de pair avec l'Allemagne et l'ensemble des partenaires européens. La Commission européenne répond, d'ailleurs, à ces enjeux en mettant en place un programme de développement et de protection régionale au Moyen-Orient pour compléter l'assistance humanitaire déjà en place.

- page 1324

Page mise à jour le