Question de M. CAMBON Christian (Val-de-Marne - UMP) publiée le 04/07/2013

M. Christian Cambon attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de travail des surveillants de prison du centre pénitentiaire de Fresnes.

Au début du mois de juin 2013, ils se sont rassemblés devant l'établissement, pour dénoncer la violence grandissante des détenus à leur égard. Un surveillant venait d'être victime d'une empoignade avec un détenu, ce qui lui a valu une courte perte de connaissance, et un autre de ses collègues a, également, été agressé avec une fourchette, ce qui a provoqué une incapacité temporaire de travail (ITT) de quinze jours.

Ces tristes exemples sont l'illustration de la détérioration des conditions de travail. Les surveillants dénoncent la surpopulation carcérale chronique et leurs sous-effectifs qui deviennent compliqués à gérer. Ils évoquaient déjà, en avril 2012, les difficultés liées au manque de moyens.

Le centre pénitentiaire de Fresnes compte 2 275 détenus pour une capacité de 1 440 places et quelque 750 surveillants.

Face à cette situation, il lui demande de quelle manière elle entend répondre à ces préoccupations et quelles vont être ses priorités en matière de politique pénitentiaire.

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Réponse du Ministère de l'égalité des territoires et du logement publiée le 02/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 01/10/2013

M. Christian Cambon. Ma question s'adressait à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, mais Mme Duflot connaissant bien notre département, elle sera bien évidemment à même d'y répondre.

Soumis au devoir de réserve, interdits de faire grève, les agents pénitentiaires ont pourtant, à de nombreuses reprises, manifesté cette année pour exprimer leur « ras-le-bol » face à ce qu'ils appellent la « déroute » de la politique carcérale.

Au début du mois de juin 2013, ils se sont rassemblés devant l'établissement pénitentiaire de Fresnes pour dénoncer la violence grandissante des détenus à leur égard : un surveillant venait encore d'être pris à partie par un détenu, provoquant son malaise, tandis que l'un de ses collègues était également agressé avec une fourchette, agression qui lui a valu une incapacité temporaire de travail de quinze jours. C'est dire si la fourchette devait être affûtée !

La multiplication de ces agressions est l'illustration de la détérioration des conditions de travail de ces agents en milieu pénitentiaire, alors qu'ils sont eux-mêmes très exposés. Les surveillants dénoncent la surpopulation carcérale chronique et leurs sous-effectifs, situation qui devient compliquée à gérer. Déjà, en avril 2012, ils soulignaient ce manque de moyens. De fait, nous en assumons tous, les uns et les autres, la responsabilité, quel que soit le gouvernement que nous ayons soutenu.

Le centre pénitentiaire de Fresnes compte 2 275 détenus pour une capacité de 1 440 places et quelque 750 surveillants. Or, derrière la surpopulation, les trafics s'organisent, rendant ces personnels de plus en plus exposés et leur travail de plus en plus difficile.

Le 22 mai dernier, une centaine d'agents ont manifesté contre la remise en cause de leurs pratiques professionnelles. En effet, le tribunal administratif de Melun venait de suspendre la fouille corporelle intégrale pour les détenus s'étant rendus au parloir pour rencontrer des visiteurs. Instituée par le directeur de la prison de Fresnes en décembre 2012, cette pratique, il est vrai ingrate y compris pour les surveillants, était pourtant nécessaire pour des raisons de sécurité. Le juge a considéré que cette application systématique constituait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de ces détenus. Néanmoins, le problème reste posé.

Certes, le recrutement de conseillers d'insertion et de probation que Mme la garde des sceaux a annoncé dans le cadre de la réforme pénale va dans le bon sens. Mais, des promesses à leur mise en œuvre, nous sommes très loin du compte. Si le ministère de la justice veut atteindre la moyenne de 40 dossiers par conseiller d'insertion et de probation, les 450 recrutements promis d'ici à 2015 sur tout le territoire ne suffiront évidemment pas. Si l'on fait un rapide calcul, il apparaît que ce sont 1 500 agents qu'il conviendrait de recruter.

Les syndicats demandent donc un plan pluriannuel de quatre à cinq ans avec des objectifs garantis.

Vous le savez, madame la ministre, deux conceptions s'affrontent au sujet des prisons, même si là n'est pas l'objet de ma question : l'une demande une plus grande sévérité et la construction de places nouvelles dans les prisons - conception partagée plutôt par mes collègues siégeant sur les travées qui m'entourent -, l'autre, qui est plutôt celle de Mme la garde des sceaux, vise au contraire à diminuer les effectifs en réservant la prison pour les formes les plus graves de la délinquance. Il s'agit là d'une question d'importance nationale dont la Haute Assemblée sera sans doute prochainement saisie.

Il n'empêche, quelle que soit l'orientation à court terme, le problème de la sécurité du personnel sera toujours présent. Aussi, je vous demande, madame la ministre, de quelle manière votre collègue entend répondre à ces préoccupations et quelles vont être ses priorités en matière de politique pénitentiaire et de sécurité des agents de l'administration pénitentiaire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, Mme la garde des sceaux étant retenue, elle vous prie de bien vouloir l'excuser de son absence et souhaite vous apporter les éléments suivants en réponse à votre question précise. Un débat sur la politique pénale nécessiterait que nous disposions d'un peu plus de temps que celui qui nous est autorisé dans le cadre de la séance des questions orales sans débat...

À la fin du mois de mai et au début du mois de juin, deux agressions graves sur du personnel ont effectivement eu lieu au centre pénitentiaire de Fresnes. Elles sont évidemment intolérables. Le Gouvernement se tient aux côtés de l'ensemble des personnels, qui sont engagés dans un métier difficile et nécessaire à la cohésion de notre société. On peut toutefois heureusement constater que, sur un plan général, l'administration pénitentiaire a relevé soixante-dix agressions contre le personnel en 2012 et que, à ce jour, trente-cinq ont été recensées en 2013, ce qui laisse présager une diminution du nombre de faits pour cette année.

Ces tensions - vous avez évoqué le cas de la prison de Fresnes - sont amplifiées par le contexte de surpopulation carcérale, lié en grande partie aux politiques pénales menées depuis dix ans. Rappelons que, entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2012, le nombre de personnes incarcérées a augmenté de 20 000. Vous l'avez dit, il existe un désaccord entre nous, car nous considérons que la surpopulation carcérale n'est pas gage d'un plus grand bienfait et d'une plus grande sécurité pour la population. Le quartier maison d'arrêt du centre pénitentiaire de Fresnes n'échappe pas à cette problématique, avec un taux d'occupation de 156 %, comme vous l'avez souligné.

Depuis sa nomination, la garde des sceaux a fait de la lutte contre la surpopulation carcérale, qui rend les conditions de détention indignes et les conditions de travail du personnel très difficiles et pénibles, tant humainement que professionnellement, une priorité de son action.

Des mesures ont d'ores et déjà été prises sur plusieurs plans.

Ainsi, le parc immobilier sera rénové et étendu : 6 500 nouvelles places de prison seront livrées, avec une fermeture corrélative d'établissements vétustes, des grands chantiers de rénovation seront menés aux Baumettes, à Fleury-Mérogis et à la maison d'arrêt de la Santé, et les autres établissements ont vu leurs crédits de rénovation augmenter de 20 % cette année pour améliorer les conditions de travail des personnels et les conditions de détention des personnes incarcérées.

En outre, la sécurité des personnels pénitentiaires sera renforcée grâce à la mise en œuvre d'un plan exceptionnel portant sur 33 millions d'euros et qui permettra de mieux équiper les établissements grâce à l'installation de dispositifs antiprojections dans trente-cinq établissements et au déploiement de portiques à ondes millimétriques dans vingt établissements accueillant les détenus au profil le plus sensible et de 282 nouveaux portiques à masse métallique dans toutes les zones sensibles des établissements.

Au-delà de l'aspect matériel, le ministère de la justice travaille aussi à une amélioration des pratiques, avec une circulaire à venir sur la prise en charge des détenus particulièrement signalés et des partenariats avec les autorités judiciaires et les forces de sécurité.

Tout cela se fait avec les personnels, que la ministre de la justice rencontre régulièrement.

La situation de Fresnes est examinée avec la plus grande attention en ce qui concerne les effectifs. Aujourd'hui, près de 97 % des postes de surveillant sont pourvus et une trentaine de surveillants stagiaires ont rejoint cet établissement dès le 30 septembre. Cinq postes de surveillant sont en outre offerts à la prochaine commission administrative paritaire de mobilité, qui aura lieu à la fin du mois de novembre.

Mme la garde des sceaux entend ainsi conduire une politique ambitieuse pour les agents du service public pénitentiaire, ce qui se traduira encore par de nouvelles créations d'emplois dans le projet de loi de finances pour 2014, tout en assurant le respect de la dignité et des droits des personnes privées de liberté, conformément à nos principes.

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Madame la ministre, je vous remercie de la réponse précise que vous m'avez transmise. Je pense que les chiffres que vous avez cités contribueront à apaiser les personnels de l'administration pénitentiaire.

Certes, nous avons des désaccords sur la politique pénitentiaire - nous les assumons, car nous sommes en démocratie -, mais nous pourrons peut-être nous retrouver sur cet objectif, à savoir rassurer l'ensemble de ces agents, qui travaillent dans des conditions très difficiles et très tendues. De fait, les mesures que s'apprête à mettre en œuvre Mme la garde des sceaux vont dans le sens des préoccupations que j'ai évoquées.

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