Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 19/09/2013

M. Jean-Pierre Godefroy attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget sur la chute des emplois de services déclarés qui a pu être constatée cette année.
Dans un souci d'équité sociale et d'égalité de traitement des salariés, à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, il a été décidé de supprimer la possibilité qui était ouverte aux particuliers employeurs d'opter pour une déclaration au forfait.
L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a constaté, entre le premier trimestre de 2012 et le premier trimestre de 2013, une chute de 7,9 % du volume horaire déclaré et il est à craindre que cela ne soit encore qu'un début. Il rappelle que les dispositifs fiscaux et sociaux de soutien aux emplois de services ont des répercussions directes et notables sur la masse représentée par ces emplois dans notre pays.
Ainsi, il souhaite attirer son attention sur ce point et lui demander si, à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, le Gouvernement entend prendre des mesures pour protéger le secteur des emplois de services qui se trouve actuellement en difficulté.

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Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 30/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/10/2013

M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question concerne la situation du secteur des services à la personne.

Le secteur des services à la personne représente, en France, environ 1,7 million de salariés et 3,6 millions de particuliers employeurs. Dans la Manche, département dont je suis l'élu, il occupe environ 17 000 salariés pour 32 000 particuliers employeurs. C'est dire si ce secteur et les fluctuations de son activité doivent être surveillés avec attention. Le rôle social de ces emplois ne doit pas, non plus, être négligé, car ces salariés assurent souvent des services indispensables, particulièrement auprès des personnes dépendantes.

Bien que les facteurs susceptibles d'influer sur le secteur des services à la personne soient multiples, on constate que les variations des dispositifs fiscaux et sociaux se répercutent directement et rapidement sur le travail déclaré.

En 2011, l'abattement de 15 points sur les cotisations sociales des ménages qui déclaraient leurs employés à domicile sur la base du salaire réel a été supprimé.

L'année dernière, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, il a été décidé de supprimer la possibilité qui était ouverte aux particuliers employeurs d'opter pour une déclaration au forfait. Cette suppression a été en partie compensée par un allégement de charges de 0,75 centime d'euro par heure travaillée.

L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, a constaté une baisse de 7,9 % du nombre d'heures déclarées, de 3,2 % du nombre d'employeurs et de 6,6 % de la masse salariale entre le premier trimestre de 2012 et le premier trimestre de 2013.

Si les chiffres du deuxième trimestre de 2013 montrent un léger rebondissement de l'emploi à domicile - stabilisation des heures déclarées, par exemple - on constate malgré tout un net recul des emplois de services en un an.

Ces données sont inquiétantes, car, durant cette période, les besoins n'ont pas disparu. Elles témoignent des conséquences de l'augmentation du coût pour les particuliers employeurs de leurs salariés à domicile, qui ont été importantes : les heures déclarées ont été réduites et certains particuliers se sont séparés de leurs salariés.

Il est donc à craindre que la suppression du forfait, l'année passée, pensée pour renforcer l'égalité des droits sociaux des salariés du secteur, ait eu, à certains égards, des effets contraires à ceux qui étaient recherchés. C'est ce sur quoi j'avais attiré l'attention du Gouvernement il y a un an.

Par la diminution du nombre d'heures déclarées, ces salariés voient justement le niveau de leur protection sociale abaissé, d'autant qu'il s'agit d'un secteur souvent confronté à la précarité : temps partiel subi, réduit parfois à quelques heures, déplacements répétés, perspectives limitées d'évolution de carrière ou de reconversion, rémunérations globalement faibles.

Surtout, on peut s'interroger, madame la ministre, sur l'ampleur du volume de la sous-déclaration, tout à fait contraire à l'esprit qui animait le dispositif du chèque emploi-service universel, le CESU.

Aussi, madame la ministre, je souhaiterais savoir si le Gouvernement envisage de prendre des mesures de soutien à ce secteur- non délocalisable -, dont le poids économique n'est pas négligeable. J'indique, par ailleurs, qu'il concerne des personnes n'ayant pas nécessairement la possibilité d'occuper d'autres postes, dont nous devons assurer la protection sociale et l'emploi.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Bernard Cazeneuve, que je supplée ce matin.

Vous m'interrogez sur la chute du nombre d'emplois de services déclarés constatée cette année et, plus particulièrement, sur les conséquences de la suppression de la possibilité qui était ouverte aux particuliers employeurs de payer les cotisations sociales non pas sur le salaire réel mais sur un forfait égal au SMIC.

Après avoir fortement progressé, l'emploi dans le secteur des services à la personne a connu un net ralentissement après 2008 et une diminution en 2011. Cette inflexion est largement imputable au contexte économique. Il s'agit là, en effet, de dépenses qui sont parmi les premières à être réduites par les ménages en cas de baisse du pouvoir d'achat.

Les données sur l'emploi des particuliers employeurs au premier trimestre montrent une baisse importante du volume horaire. Toutefois, cette diminution doit être rattachée à une tendance constatée depuis 2009, elle-même liée à la conjoncture et au report vers l'emploi via des prestataires.

Ces données ne portent que sur les particuliers employeurs ; elles ne permettent pas de tirer de conclusions sur l'évolution globale de l'emploi dans le secteur des services à la personne.

Enfin, cette baisse ne doit pas être reliée à l'évolution de la réglementation, notamment à la suppression de l'assiette forfaitaire, puisqu'elle frappe dans des proportions proches les emplois de services pour lesquels les cotisations sociales étaient assises sur le salaire réel ou sur un forfait au SMIC.

Je veux vous rassurer, monsieur le sénateur, l'impact de la suppression du forfait est marginal. La preuve en est que les données publiées sur le deuxième trimestre montrent une stabilisation du nombre d'heures par rapport au premier trimestre de 2013, après cinq trimestres consécutifs de baisse.

La suppression de l'assiette forfaitaire est une réforme juste qui a permis de garantir aux salariés à domicile des droits sociaux renforcés, en rapport avec leur salaire réel. Elle a été accompagnée de la création d'un abattement forfaitaire afin de continuer à soutenir l'emploi dans le secteur des services à la personne.

Le Gouvernement est désormais attaché à la stabilité du cadre législatif des services à la personne afin d'offrir à ce secteur une visibilité lui permettant d'assurer les conditions de sa croissance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, je ne partage pas votre optimisme. Je rappelle que les personnes qui déclaraient au réel se sont vu supprimer l'abattement de 15 %, ce qui a eu un impact très important.

Je crains que, après réception des feuilles d'impôt, le premier trimestre 2014 ne soit assez difficile dans ce secteur, puisque les employeurs pourront constater le coût supplémentaire exact de ces mesures.

Certes, déclarer au forfait n'était pas très équitable. Voilà pourquoi l'an dernier j'avais préconisé, plutôt que de supprimer la possibilité ouverte aux particuliers employeurs d'opter pour une déclaration au forfait, de valoriser le forfait de 15 % au-dessus du SMIC. Ainsi, tout en augmentant un peu les salaires, les droits sociaux auraient été maintenus.

Le maintien du dispositif actuel, à mon avis, n'est pas la bonne réponse au problème posé. Je suis même convaincu que c'est contraire à l'objectif qui est le nôtre, à savoir éviter les sous-déclarations. Manifestement, ce phénomène que nous avions cru éradiquer grâce au dispositif CESU reprend de l'ampleur. De plus en plus de personnes travailleront sans la couverture sociale à laquelle elles auraient droit, en raison de la déclaration partielle des heures exécutées. Il faut donc impérativement se pencher de nouveau sur la question des emplois de services. J'espère que le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale nous en offrira l'occasion.

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