Question de M. BUFFET François-Noël (Rhône - UMP) publiée le 01/11/2013

Question posée en séance publique le 31/10/2013

M. François-Noël Buffet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

M. Alain Gournac. Enfin ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. François-Noël Buffet. Dans le département du Rhône, le préfet vient de prendre une décision de réquisition d'un terrain situé sur la commune d'Oullins, afin d'y installer 300 demandeurs d'asile, expulsés de la ville de Lyon, à la suite d'une procédure d'expulsion engagée par le maire de cette ville, président du Grand Lyon.

Le terrain choisi se situe sur une petite commune de 26 000 habitants, un petit territoire dans le cadre de la politique de la ville et qui, de surcroît, accueille déjà 225 demandeurs d'asile depuis longtemps.

L'émotion est extrêmement grande, d'abord parce que la pression migratoire sur le département du Rhône est très importante, ensuite parce que les habitants se sont mobilisés fortement contre la manière dont cette décision a été prise : avec plus de 6 000 pétitionnaires dans une commune de 26 000 habitants, vous conviendrez, monsieur le ministre, que l'opposition est importante.

Au plan national, nous le savons, les demandes d'asile sont en très forte augmentation. Le rapport du sénateur Roger Karoutchi (Exclamations sur les travées de l'UMP.)…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un excellent rapport !

M. François-Noël Buffet. … indique même que, pour 2013, nous enregistrerons plus de 70 000 demandes. Par ailleurs, aujourd'hui, l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et la Cour nationale du droit d'asile ne rendent pas leurs décisions dans un délai inférieur à dix-neuf mois, ce qui est considérable. Je tiens à souligner que, sous le précédent gouvernement, ce délai avait été réduit, passant à dix mois.

Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fait que le problème tient à plusieurs facteurs.

Le premier tient à la difficulté de définir ce qu'est un pays d'origine sûr, et en particulier de trouver une position commune sur ce point à l'échelle européenne.

Le deuxième facteur est lié aux délais d'instruction, très longs, qui favorisent bien évidemment les filières d'immigration clandestine. Ces dernières profitent de la situation pour maintenir sur le territoire des gens qui ne relèvent pas du droit d'asile, auquel nous sommes tous attachés.

Enfin, je rappelle que, les années précédentes, sur les 53 000 décisions d'expulsion du territoire, seules 20 000 ont été exécutées. Les étrangers non expulsés sont donc restés sur le territoire national. De fait, comme l'ont fait remarquer nos collègues Christophe-André Frassa et Roger Karoutchi, nous produisons nos propres situations irrégulières.

Monsieur le ministre, je vous pose trois questions.

Tout d'abord, pouvez-vous intervenir auprès du préfet du Rhône pour qu'il revienne sur sa décision et reconsidère la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui ?

Ensuite, sur le plan national, ne serait-il pas opportun d'envoyer des représentants de l'OFPRA en Albanie, notamment, pour instruire sur place, immédiatement, les demandes d'asile qui pourraient être déposées ?

Enfin, quelles initiatives allez-vous prendre pour que l'Europe adopte une définition unique des pays d'origine sûrs et quels moyens allez-vous engager pour que soient exécutées les décisions de retour ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jean-Vincent Placé s'exclame.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 01/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 31/10/2013

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous l'avez rappelé, la situation est très tendue en Rhône-Alpes et dans le département du Rhône. La région a connu une hausse de plus de 50 % du nombre des demandeurs d'asile et dans votre département ce nombre a doublé. Tant la ville de Lyon que le Grand Lyon sont touchés.

Le Rhône n'est pas le seul département à vivre une telle situation critique, à connaître une saturation des capacités d'hébergement. Ce sont 5 700 personnes qui y sont hébergées chaque jour par l'État et le préfet - c'est son devoir - veille à leur répartition sur l'ensemble du département. Toutefois, malgré ces efforts importants, il n'est pas possible de trouver des solutions d'hébergement pour tous. À la veille de l'hiver, nous vivons des situations particulièrement difficiles.

Dans le Rhône, la capacité d'accueil sera augmentée de 900 places durant la période hivernale. C'est pourquoi le préfet a décidé - j'y reviendrai - d'héberger sur un terrain de votre commune 290 demandeurs d'asile, dont près de 110 enfants, qui occupaient depuis le début de juillet 2013 une zone située à côté de la gare de Lyon-Perrache, sous un autopont, dans des conditions terribles que j'ai pu moi-même constater de visu voilà quelques jours.

Depuis 2011, d'autres communes de l'agglomération lyonnaise, dont la vôtre, ont participé à cet effort collectif d'hébergement, mais il est évident que nous ne tiendrons pas très longtemps avec des solutions de ce type.

S'agissant du terrain d'Oullins, je vais demander au préfet d'organiser autrement la répartition des demandeurs d'asile. Je vous connais bien, monsieur le sénateur, et je ne doute pas que vous participerez à cet effort. Je prends l'engagement auprès de vous de faire en sorte que l'accueil de ces populations soit organisé autrement.

Concernant la réforme du droit d'asile, elle est en cours. Depuis plusieurs mois, une concertation est menée par Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, notamment pour réduire les délais. Ceux-ci étaient d'environ vingt mois sous le gouvernement précédent ; nous essayons de les réduire à seize mois, avec un objectif final de neuf mois. C'est difficile et c'est pourquoi nous avons donné des moyens à l'OFPRA. C'est toute la procédure qui doit être revue pour réduire les délais au niveau national, et la concertation doit s'engager au niveau européen. L'accueil sur notre territoire doit faire l'objet d'une organisation beaucoup plus directive.

Monsieur le sénateur, j'espère que nous parviendrons à une proposition consensuelle ; en tout cas, c'est mon souhait. En effet, nous avons besoin, au plan national comme à l'échelon local, de trouver les voies d'un consensus pour régler le problème de l'asile et le sort des déboutés de ce droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

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