Question de M. TUHEIAVA Richard (Polynésie française - SOC-A) publiée le 01/11/2013

Question posée en séance publique le 31/10/2013

M. Richard Tuheiava. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

La loi de finances pour 2009 du 27 décembre 2008 a institué, en son article 67, le contrat de redynamisation des sites de défense, ou CRSD, afin d'ouvrir le droit pour l'État de céder, à l'euro symbolique, certains terrains militaires reconnus comme étant inutiles par le ministère de la défense au profit des communes dans lesquelles ces domaines fonciers sont situés.

Le décret d'application du 3 juillet 2009 a fixé la liste des communes éligibles au dispositif. Pour la Polynésie française, il s'agit des communes de Arue, de Faa'a, de Mahina, de Papeete, de Pirae, de Punaauia, de Taiarapu-Est et de Teva-i-Uta pour l'île de Tahiti, celles de Hao et de Tureia aux îles Tuamotu, et celle de Nuku-Hiva aux îles Marquises.

Ce dispositif a été approuvé à l'unanimité des représentants élus de l'assemblée de la Polynésie française en décembre 2011, puis par les différents gouvernements locaux successifs. Depuis lors, la plupart des communes éligibles ont adopté, lors de leurs conseils municipaux, des délibérations pour approuver les projets de reconversion qu'elles souhaitaient engager.

Or, depuis 2009, les communes polynésiennes semblent être les seules à n'avoir pas encore bénéficié de ce dispositif jusqu'à ce jour. Devant une telle situation, un certain nombre de maires polynésiens ont récemment annoncé vouloir passer à la phase contentieuse, ce qui me désole. À cet égard, il serait légitime qu'un dialogue direct puisse être envisagé à Paris avec les maires concernés, dès lors qu'ils vous en feraient la demande.

Les maires polynésiens manifestent ensuite une incompréhension de fond sur le retard accumulé.

L'acquisition des terrains militaires dont il s'agit remonte aux années soixante et obéissait à une décision politique. Le dispositif CRSD de 2008 trouve encore sa source dans une décision politique. C'est bien une décision politique qu'attendent aujourd'hui ces onze communes de Polynésie française éligibles au dispositif CRSD, en vue du dénouement de cette affaire.

En votant l'amendement du rapporteur de la commission des finances visant à ajouter un nouvel article 29 bis au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, adopté lors de sa séance du 21 octobre dernier, le Sénat a rouvert la voie à cette solution politique, et je l'en félicite. Ainsi, le délai d'expiration du dispositif CRSD est repoussé au 31 décembre 2019.

Les discussions récentes entre le Gouvernement et mes collègues députés polynésiens laisseraient à penser que le CRSD sera encadré à travers l'outil du syndicat mixte. Mais une telle solution technique n'offre pas à ce dispositif, monsieur le ministre, un cadre de gouvernance qui garantisse le respect du principe de libre administration des collectivités locales. Les tensions politiques locales, à des degrés variables, risqueraient de s'envenimer.

Toutefois, d'autres solutions pourraient être trouvées à travers l'extension à ce dispositif d'outils contractuels ayant déjà fait leurs preuves en Polynésie française. Je veux parler du contrat de ville, mais aussi du contrat urbain de cohésion sociale.

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

M. Richard Tuheiava. Je termine, monsieur le président.

Ma question est donc la suivante : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aboutir à un dénouement rapide et concret du dispositif CRSD en faveur des communes éligibles de Polynésie française ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

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Réponse du Ministère chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation publiée le 01/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 31/10/2013

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous présenter les excuses de M. le ministre de l'économie et des finances, car j'ai omis de le faire tout à l'heure.

Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur la situation des communes de Polynésie française qui, quoique étant éligibles au dispositif de cession à l'euro symbolique, n'ont pu acquérir les emprises libérées par le ministère de la défense dans le cadre de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Cette impossibilité résulte, vous le savez et vous l'avez évoqué, du contexte institutionnel propre à la Polynésie française. En application du statut d'autonomie, les communes ne peuvent mobiliser leurs compétences aux fins de mettre en œuvre les projets d'aménagement devant être réalisés sur les sites concernés, sauf dans le cadre d'une loi de pays et de réglementation polynésienne, et sous réserve du transfert des moyens nécessaires.

À l'inverse, la collectivité de Polynésie française, qui dispose des compétences, n'est pas éligible au dispositif de cession à l'euro symbolique.

La commission pour la transparence et la qualité des opérations immobilières de l'État, organe garant du respect des procédures en matière de cession domaniale, a été saisie du dossier par deux fois. Cette commission, composée de membres des corps d'inspection et de contrôle, ainsi que des magistrats du Conseil d'État, a invariablement rendu un avis négatif, motivé principalement par la difficulté juridique que j'ai rappelée.

La situation actuelle résulte donc non pas d'un blocage du Gouvernement, mais plutôt d'un défaut du dispositif mis en place par nos prédécesseurs, qui ont omis de prendre en compte les spécificités du contexte institutionnel polynésien et les difficultés d'application qui en résulteraient.

Le Gouvernement partage, je vous le confirme, votre volonté de trouver une issue rapide à une situation dommageable à la Polynésie française et à ses habitants. Il va de soi que les engagements pris par l'État au titre de l'accompagnement des restructurations de défense doivent être tenus en métropole comme dans les outre-mer. L'État soutient et soutiendra les projets de redynamisation économique des sites concernés et de construction de logements sociaux. C'est d'ailleurs l'intérêt de l'État, qui est propriétaire de ces terrains.

La loi de programmation militaire actuellement en discussion au Parlement prévoit explicitement la prorogation du dispositif de cession de l'euro symbolique jusqu'en 2019, vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le sénateur.

Je vous confirme enfin que notre souhait est de faire émerger avant l'expiration du dispositif actuel une solution juridiquement incontestable et qui recueillerait l'assentiment des collectivités.

Je conclus en vous disant que les députés de Polynésie ont à cet égard évoqué la possibilité de constituer des syndicats mixtes. Le Gouvernement est à l'écoute de cette proposition, et le haut-commissaire assure un dialogue constant avec les collectivités. Si d'autres schémas sont proposés par les acteurs locaux et qu'ils permettent de surmonter la difficulté juridique à laquelle nous faisons face collectivement, le Gouvernement est tout naturellement prêt à les examiner avec vous et l'ensemble des acteurs concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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