Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 21/11/2013

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les préoccupations des artisans et entrepreneurs du bâtiment face à la concurrence déloyale d'entreprises du sud et de l'est de l'Europe. Bas salaires, atteintes au droit des salariés et aux règles sociales faussent gravement les règles de la concurrence. L'opportunisme social permis par la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services a été mis en exergue tout comme l'impunité dont bénéficient ces dérives vécues avec une profonde injustice par les entrepreneurs qui respectent les règles. Les professionnels du secteur du bâtiment demandent un durcissement du projet de nouvelle directive européenne sur le détachement des salariés, en cours d'arbitrage entre les États membres et le Parlement européen, ainsi que l'organisation de contrôles ciblés et efficaces sur le temps et les conditions de travail. En 2012 le secteur du bâtiment a perdu 15 000 emplois et risque de perdre 40 000 emplois à la fin d'année notamment sous l'effet du dumping social. En conséquence, il lui demande quelles sont les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre en la matière.

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Transmise au Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social


Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 04/12/2014

Pour la bonne application des règles relatives au détachement dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la directive européenne 2014/67/UE du 15 mai 2014 renforce les moyens dont disposent les États pour lutter contre les pratiques frauduleuses. Elle prévoit notamment différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Le Gouvernement a fait le choix de devancer la transposition de cette directive en soutenant avant même la fin des négociations, l'initiative législative du député M. Savary. La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a donc notamment pour objet de transposer cette directive et de compléter la réglementation en matière de lutte contre les fraudes au détachement. Elle instaure un dispositif de responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et l'un de ses sous-traitants s'il ne respecte pas, ou pas intégralement, l'obligation de verser aux salariés - notamment détachés - une rémunération au moins égale au salaire minimum légal ou conventionnel. Elle transpose ainsi la directive d'application en garantissant à tous les salariés, et notamment aux salariés détachés, la possibilité de faire valoir leur droit au paiement d'un salaire conforme au minimum légal ou conventionnel. Mais elle va aussi plus loin que le dispositif prévu dans la directive. D'une part, la responsabilité solidaire mise en place n'est pas limitée au seul secteur du bâtiment mais s'applique à tous les secteurs professionnels. D'autre part, cette responsabilité pèse sur les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des donneurs d'ordre, quel que soit leur rang dans la chaîne de sous-traitance et n'est pas limitée au seul cocontractant. La loi complète également l'arsenal législatif français en matière de lutte contre les fraudes au détachement, notamment en élargissant les possibilités d'action offertes aux organisations professionnelles d'agir en justice même si l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée et en autorisant les organisations syndicales à agir au nom d'un salarié détaché même en l'absence d'accord exprès de l'intéressé. L'obligation de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant en France est désormais consacrée par la loi. Son non-respect est sanctionné par une amende, qui peut aussi être infligée au donneur d'ordre qui ne s'est pas assuré que son prestataire de service s'est acquitté de ces formalités. Enfin, la loi contient des dispositions qui renforcent les sanctions applicables en cas de travail illégal, qui peut souvent être constaté dans les cas de fraude au régime du détachement. La loi fera l'objet de dispositions réglementaires d'application en vue de sa mise en œuvre complète. Par ailleurs, le Gouvernement reste attentif à la mobilisation des services de contrôle. L'un des principaux objectifs du plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015, clairement réaffirmé lors de la réunion d'étape de la commission nationale de lutte contre le travail illégal réunie le 5 décembre 2013, est de renforcer la lutte contre les fraudes au détachement dans le cadre de prestations de service internationales. Les derniers éléments statistiques en matière de lutte contre le travail illégal ont été présentés à cette occasion : en 2012, près de 18 000 infractions ont été relevées visant près de 10 300 auteurs ou co-auteurs et concernant environ de 23 800 salariés. Concernant plus spécifiquement le recours à la prestation de service internationale, 89 procédures de travail illégal ont été engagées au 1er semestre 2013. Les contrôles effectués par l'inspection du travail dans le cadre de situations déclarées de détachement ont conduit au cours des trois premiers trimestres de l'année 2013 à 64 arrêts de chantier. A également été présentée l'opération d'envergure nationale menée les 25 et 26 juin 2013 par les services de l'inspection du travail et les autres corps de contrôle sur le secteur du bâtiment. Cette action a mobilisé près de 3 500 agents pour le contrôle de 332 chantiers et 2021 entreprises. Les conditions d'emploi de plus de 7 700 salariés ont ainsi pu être vérifiées. Les agents de contrôle se sont attachés à relever les principales infractions relevant d'organisations frauduleuses complexes visées dans le plan. L'opération visait à contrôler au moins un grand chantier dans chaque département. Les contrôles ont porté sur des chantiers dont la taille et l'importance laissaient notamment présager le recours à des sous-traitants et au détachement de salariés d'entreprises étrangères en détachement. Enfin, la réforme du système d'inspection du travail, en cours de mise en œuvre, renforce la capacité d'intervention des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi en matière de lutte contre le travail illégal et les fraudes au détachement en instituant des équipes spécialisées de contrôle au niveau régional et en créant un groupe national de veille, d'appui et de contrôle chargé des fraudes d'envergure nationale.

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