Question de M. RIES Roland (Bas-Rhin - SOC) publiée le 26/12/2013

M. Roland Ries attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la question des votes en conseil d'administration des sociétés d'économie mixte (SEM) et, plus particulièrement, sur la notion d'administrateur intéressé.

L'article L. 225-38 du code de commerce dispose qu'un « administrateur intéressé » à une convention réglementée ne peut participer au vote de cette dernière par le conseil d'administration. La doctrine considère, en général, que l'administrateur exclu ne peut être compté ni dans le calcul du quorum ni dans celui de la majorité lors du vote de l'autorisation le concernant. La loi ne prévoyant pas de nombre minimum de votants en cas de retrait du droit de vote des administrateurs intéressés, la jurisprudence et la doctrine considèrent qu'un seul administrateur pourra valablement donner l'autorisation si tous les autres administrateurs sont frappés d'exclusion en vertu de l'article L. 225-40 du code de commerce. La méconnaissance de cette interdiction entraîne la nullité de l'autorisation donnée par le conseil d'administration.

Cependant, l'application de cette règle, dans le cas des SEM, aboutit à des situations parfois ubuesques. En effet, les SEM sont, initialement, créées pour répondre aux besoins des personnes publiques qui en sont membres. Or, il arrive que, seuls, le partenaire privé et le représentant de la Caisse des dépôts et consignations puissent voter sur certaines conventions, les représentants des collectivités étant considérés comme « intéressés » par ladite convention.

En conséquence, il lui demande quelle est la justification de l'application d'une telle règle ; si la définition d' « administrateur intéressé » doit s'appliquer au sens strict et si les règles de vote au sein des conseils d'administration des SEM ne devraient pas être différentes des règles applicables à tous les conseils d'administration.

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Réponse du Ministère chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation publiée le 19/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2014

M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la question des votes au sein des conseils d'administration des sociétés d'économie mixte, les SEM, et plus particulièrement sur la notion d'administrateur intéressé.

L'article L. 225-38 du code de commerce dispose qu'un « administrateur intéressé » à une convention réglementée ne peut pas participer au vote de cette dernière par le conseil d'administration. La doctrine considère, en général, que l'administrateur exclu ne peut être pris en compte ni pour le calcul du quorum ni pour celui de la majorité lors du vote de l'autorisation à laquelle il est intéressé.

La loi ne prévoyant pas de nombre minimal de votants en cas de retrait du droit de vote aux administrateurs intéressés, la jurisprudence et la doctrine considèrent que, si tous les administrateurs sauf un sont frappés d'exclusion en vertu de l'article L. 225-40 du code de commerce, celui-là seul peut valablement donner l'autorisation.

Je rappelle que la méconnaissance de l'interdiction faite à un administrateur intéressé de prendre part au vote entraîne la nullité de l'autorisation donnée par le conseil d'administration.

Monsieur le ministre, l'application de cette règle dans le cas des SEM conduit parfois à des situations que l'on peut qualifier d'ubuesques. De fait, les SEM sont créées pour répondre aux besoins des personnes publiques qui en sont membres ; or il arrive que seuls le partenaire privé et le représentant de la Caisse des dépôts et consignations - voire uniquement l'un des deux - puissent prendre part au vote de certaines conventions, les représentants des collectivités territoriales étant tous considérés comme intéressés à ladite convention.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelle est la justification d'une telle règle dans le cas des SEM ? La notion d'administrateur intéressé doit-elle s'y appliquer au sens strict, ou bien les règles de vote au sein de leurs conseils d'administration ne devraient-elles pas être différentes de celles qui sont applicables aux conseils d'administration des autres sociétés ?

Je me permets de rappeler, monsieur le ministre, que j'ai déjà posé cette question sous forme écrite le 24 janvier 2013, sans obtenir de réponse ; je n'ai pas davantage obtenu de réponse à ma relance, adressée au Gouvernement le 20 septembre 2013. C'est pourquoi j'ai été contraint de vous interroger directement, sous forme de question orale ; c'est aussi pourquoi j'attends votre réponse avec beaucoup d'intérêt.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur Roland Ries, vous avez souhaité attirer l'attention du ministre de l'économie et des finances sur la question des votes au sein des conseils d'administration des sociétés d'économie mixte, plus particulièrement sur la notion d'administrateur intéressé.

M. Pierre Moscovici, retenu à Bruxelles, vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin au Sénat et m'a chargé de vous répondre.

Les sociétés d'économie mixte locales, les SEML, sont soumises au droit commun des sociétés anonymes, notamment aux dispositions relatives aux conventions réglementées. C'est ainsi que, lors de la signature d'une convention entre une SEML et une collectivité territoriale qui en est actionnaire à plus de 10 %, les dispositions des articles L. 225-38 et suivants du code de commerce relatives aux conventions réglementées sont applicables.

Il en résulte, à défaut de disposition dérogatoire, que les administrateurs intéressés représentant la collectivité territoriale ne peuvent pas prendre part au vote autorisant la signature de la convention. En effet, aux termes de l'article L. 225-20 du code de commerce, les représentants permanents des personnes morales administrateurs sont soumis au même régime que les administrateurs. Dans cette hypothèse, la collectivité territoriale concernée ne peut donc pas participer à la prise de décision.

Il semble toutefois que ce cas de figure ne se présente que dans des cas limités, lorsqu'une seule collectivité territoriale est actionnaire de la SEML au côté d'un actionnaire privé minoritaire.

En outre, toutes les conventions n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 225-38 du code de commerce. En effet, l'article L. 225-39 de ce code précise que « les dispositions de l'article L. 225-38 ne sont pas applicables aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ».

Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que M. le ministre de l'économie et des finances m'a chargé de vous communiquer ; j'espère que les informations qu'elle comporte répondront à vos légitimes interrogations.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. J'ai peur, monsieur le ministre, que votre réponse ne change pas beaucoup la donne.

Au sein du conseil d'administration de la Compagnie des transports strasbourgeois, nous connaîtrons donc encore les situations ubuesques qui se sont déjà produites : les représentants de la communauté urbaine de Strasbourg et ceux du département du Bas-Rhin étant tous frappés d'exclusion, puisque les deux collectivités sont actionnaires, un seul administrateur - en général celui qui représente le partenaire privé ou la Caisse des dépôts et consignations - peut prendre part au vote.

Je trouve une telle situation un peu étonnante dans la mesure où les sociétés d'économie mixte sont des outils des collectivités territoriales. Sans entrer dans des détails techniques, je tiens à souligner que l'intéressement des administrateurs représentant ces collectivités n'est pas, à mes yeux, de la même nature que celui des administrateurs d'une société privée.

Sans doute, monsieur le ministre, les sociétés d'économie mixte ont-elles un statut privé ; elles sont pourtant non pas des sociétés privées, mais des outils des collectivités territoriales, permettant à ces dernières de faire face à des enjeux dans les domaines, par exemple, du stationnement et du transport public.

Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre, mais je crains qu'elle ne fasse pas avancer les choses, et je regrette que des situations bizarres puissent perdurer.

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