Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 26/06/2014

M. Jacques Mézard attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les dangers de l'attribution d'aides publiques à l'acquisition de dispositifs destinés à protéger les personnes de l'exposition aux ondes électromagnétiques.

Un communiqué de presse de l'Académie nationale de médecine du 5 mai 2014 s'inquiète de l'attribution d'une aide financière par la maison départementale des personnes handicapées de l'Essonne, pilotée par son conseil général, à une personne électrosensible en vue d'acquérir de tels dispositifs à l'efficacité douteuse.

De surcroît, en l'état actuel des données scientifiques, les expertises n'ont pas conclu à l'existence d'un lien entre les symptômes de l'électrosensibilité et l'exposition aux ondes électromagnétiques. Ni l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ni l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), ni la quarantaine d'études scientifiques menées sur ce sujet n'ont abouti à établir ce lien.

Ce type d'actions, qui méconnaissent le sens du principe de précaution, alimentent la peur irrationnelle de nos concitoyens et contribuent à enrichir ceux qui se livrent au commerce des dispositifs prétendument « anti-ondes » en abusant de personnes fragiles.

Il lui demande de faire le point sur les actions que le Gouvernement entend mener pour mettre fin à ces abus et alerter l'opinion publique et les décideurs publics de l'absence de preuve établissant l'efficacité de ces dispositifs.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 23/07/2014

Réponse apportée en séance publique le 22/07/2014

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Jacques Mézard, retenu ce matin par d'autres obligations.

Je me permets donc de poser en son nom cette question, qui a une portée nationale.

Alerté par un communiqué de presse de l'Académie nationale de médecine en date du 5 mai 2014, M. Jacques Mézard s'inquiète de l'attribution d'aides publiques, par la maison départementale des personnes handicapées de l'Essonne, à l'acquisition de dispositifs destinés à protéger les personnes de l'exposition aux ondes électromagnétiques.

Or, comme vous le savez, aucun des 25 000 articles scientifiques publiés au cours des trente dernières années n'a permis d'établir l'existence d'un lien de causalité entre l'exposition aux ondes et des effets sanitaires avérés.

L'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, et, au niveau national, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, confirment ces conclusions. Seule l'utilisation intensive du téléphone portable pourrait éventuellement avoir un effet cancérogène, et c'est pourquoi l'utilisation du kit mains libres est recommandée.

Ainsi, le soutien public à l'acquisition de ces dispositifs contribue à l'enrichissement de ceux qui abusent de la fragilité des personnes souffrant d'électro-hypersensibilité, en détournant à leur avantage le principe de précaution. Il incite nos concitoyens à les acheter ; il suppose et valide ainsi leurs effets prétendument bénéfiques sur la santé, effets qui n'ont pourtant jamais été démontrés. L'ANSES a d'ailleurs souligné dans son dernier rapport Radiofréquences et santé, publié en octobre dernier, que les « dispositifs anti-ondes testés n'ont montré aucune utilité en matière de réduction des expositions ».

Comme l'explique à juste titre l'Académie de médecine, une telle décision de la part des pouvoirs publics légitime ces dispositifs et « revient à conforter une croyance dans la réalité de l'effet de ces ondes sur l'organisme ». Elle alimente ainsi la peur irrationnelle des ondes chez nos concitoyens.

Sans mettre en doute les souffrances des personnes qui se déclarent électro-hypersensibles, il convient d'éclairer nos concitoyens sur l'absence d'effet bénéfique des« dispositifs anti-ondes » et de les orienter vers une prise en charge médicale.

Ainsi, madame la secrétaire d'État, quelle réponse comptez-vous apporter aux dangers d'une prise en charge publique de ces dispositifs, et quelles actions entendez-vous mener pour alerter l'opinion publique, mais aussi les décideurs publics, sur cette tromperie qui prend de l'ampleur dans notre pays ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, les travaux scientifiques réalisés à ce jour n'ont en effet pas permis de mettre en évidence de relations de causalité entre l'exposition aux radiofréquences - antennes relais de téléphonie mobile ou wifi - et des effets sanitaires comme l'hypersensibilité électromagnétique.

Dans son avis d'octobre 2009 sur l'expertise relative aux radiofréquences, l'ANSES indique qu'« aucune preuve scientifique d'une relation de causalité entre l'exposition aux radiofréquences et l'hypersensibilité électromagnétique n'a pu être apportée jusqu'à présent ».

L'Agence rendra public, début 2015, un rapport d'expertise spécifique sur la question de l'hypersensibilité électromagnétique. Toutefois, les souffrances rapportées par les personnes indiquant être hypersensibles aux champs électromagnétiques ne peuvent être ignorées. C'est pourquoi une étude visant à mettre enœuvre une prise en charge adaptée a été lancée en juillet 2012 par le service de pathologie professionnelle de l'hôpital Cochin à Paris. Il s'agit d'une étude pilote, d'une durée de quatre ans, financée dans le cadre d'un programme hospitalier de recherche clinique. Les patients sont reçus dans le centre de consultations des pathologies professionnelles et de l'environnement de leur région. Un suivi des symptômes des patients est effectué durant un an.

S'agissant de la procédure d'attribution d'une prestation de compensation du handicap, ou PCH, la demande d'une personne est examinée par une équipe pluridisciplinaire d'évaluation au sein de la maison départementale des personnes handicapées, puis est soumise à l'avis de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. L'équipe pluridisciplinaire d'évaluation apprécie en particulier les besoins de compensation de la personne à la lumière de son projet de vie et assoit sa proposition sur la base d'un certificat médical joint à la demande, conformément à la procédure en vigueur.

Il semble que la décision prise par le conseil général de l'Essonne d'accorder une prestation de compensation du handicap n'ait pas été reprise dans d'autres départements. Le ministère des affaires sociales et de la santé s'appuiera, en 2015, sur les résultats de l'expertise de l'ANSES et les premiers résultats de l'étude coordonnée par l'hôpital Cochin pour établir, le cas échéant, des instructions concernant la prise en charge des personnes indiquant être hypersensibles aux ondes électromagnétiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Je vous remercie de ces précisions, madame la secrétaire d'État.

Toutefois, l'argent public devient de plus en rare...

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Jean-Claude Requier. ... et nous devons veiller à l'employer à des choses vraiment incontestables, en évitant les dépenses inutiles.

Prenons garde aussi de ne pas attiser certaines peurs ou rumeurs.

N'oublions pas que la Révolution française est aussi née de la Grande Peur, qui a embrasé les campagnes.

Ne mettons pas le feu dans nos territoires pour des choses qui n'en valent pas la peine !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants ; nous les reprendrons à onze heures quinze.

La séance est suspendue.

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