Question de M. GUILLAUME Didier (Drôme - SOC) publiée le 18/07/2014

Question posée en séance publique le 17/07/2014

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Proche-Orient est à nouveau embrasé. Conflit en Syrie, percée extrémiste en Irak et nouvel accès de violence entre Israël et Gaza. La période est à la radicalisation.

Une trêve de cinq heures a été annoncée, mais c'est à un cessez-le-feu total auquel il faut parvenir, à une trêve des combats. Les annonces qui viennent d'être faites par les deux parties vont dans le bon sens.

Cette situation, monsieur le Premier ministre, appelle des réponses diplomatiques, bien sûr, mais aussi des réponses intérieures.

En effet, certains prennent prétexte de ces conflits pour embrigader une jeunesse en déroute, dévoyer l'islam en islamisme et susciter une haine antisémite.

Rien ne pourra jamais justifier l'attaque d'une synagogue en France !

À l'autre bout de la haine, les extrêmes soufflent sur les braises du racisme antimusulman.

Les Français sont viscéralement attachés aux valeurs de la République. Ils sont attachés à la fraternité, à la laïcité. Mais parfois ils doutent. Nous devons les rassurer.

Nous devons remettre la nation au cœur de notre pacte républicain.

Nous devons, inlassablement, remettre la République au cœur de nos orientations politiques. C'est une œuvre perpétuelle.

Nous devons bâtir concrètement cette communauté qui autorise chacun à vivre sa singularité, mais qui lui demande de le faire dans le respect de tous.

Toutes les religions doivent pouvoir être pratiquées dans la sérénité. Toutes les religions sont estimables, mais aucune ne justifie que l'on tue ou que l'on meure.

Le vivre ensemble dans la République doit être plus fort que tout.

Quand des adolescents de quinze ans s'en vont faire le djihad, c'est une menace pour notre pays, mais c'est avant tout une faillite.

C'est à la République d'offrir des horizons plus vastes, plus grands, plus enviables à notre jeunesse. Toute notre jeunesse.

Aujourd'hui, la communauté juive de France craint pour sa sécurité, tandis que les musulmans de France se voient stigmatisés dans des amalgames insupportables.

Il faut trouver les mots et les gestes pour rassembler le peuple de France, par-delà la diversité de ses opinions et de ses sensibilités.

Monsieur le Premier ministre, nous connaissons votre attachement aux valeurs de la République. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation très préoccupante ? Que comptez-vous faire pour faire triompher les valeurs républicaines ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 18/07/2014

Réponse apportée en séance publique le 17/07/2014

M. Manuel Valls,Premier ministre. Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Président, de vous saluer lors de cette dernière séance de questions d'actualité que vous présidez : c'est l'occasion pour le Gouvernement de saluer le travail qui a été le vôtre à la tête du Sénat.(Applaudissements sur l'ensemble des travées. - Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique applaudit également.).

Monsieur Guillaume, nous observons en effet depuis trois semaines un enchaînement fatal de violences en Israël et dans les territoires palestiniens, qui s'accompagne d'images et d'atrocités que chacun a en mémoire. L'urgence est de mettre fin immédiatement à cette spirale.

Parvenir tout de suite à une trêve est un impératif. Le choix est simple : le cessez-le-feu ou l'escalade, laquelle entraînerait des risques incontrôlés et de nombreux morts.

Des initiatives sont en cours, vous l'avez rappelé. Dans l'immédiat, et à la demande des Nations unies, une trêve humanitaire a été acceptée de part et d'autre pour permettre aux organisations humanitaires de soulager- c'est l'urgence - les populations civiles. L'Égypte a par ailleurs proposé un cessez-le-feu durable, auquel il faut, bien sûr, donner toutes ses chances.

Nous avons pris note de la position du gouvernement israélien exprimée ces derniers jours, qui a manifesté sa disposition à examiner une telle trêve. Il faut maintenant que le Hamas accepte sans précondition ce cessez-le-feu, qui est dans l'intérêt de toutes les populations exposées à ce conflit qui n'a que trop duré.

La position de la France est claire, elle n'a jamais varié - c'est d'ailleurs une constante de sa diplomatie - et ne variera jamais. Le seul objectif, le ministre des affaires étrangères le rappelait encore hier, c'est la paix.

La France est mobilisée pour aider Israéliens et Palestiniens à mettre fin à cet enchaînement où la violence répond à la violence. Le Président de la République comme Laurent Fabius ont multiplié les contacts avec les uns et les autres ces derniers jours.

Une nouvelle fois, cette escalade ne fait que confirmer ce que nous ne cessons de clamer depuis des années, la nécessité d'un accord israélo-palestinien dont chacun connaît les paramètres : la coexistence de deux États vivant côte à côte en sécurité, la garantie pour Israël de vivre dans la sécurité et dans des frontières sûres et reconnues, et la possibilité pour les Palestiniens de vivre dans un État viable.

Par ailleurs, vous avez évoqué les violences qui ont eu lieu dimanche aux abords de deux synagogues parisiennes.

Les tensions qui traversent notre société et qui se manifestent par des actes de violence inacceptables sont là. Il faut les regarder en face et ne pas chercher - d'ailleurs, vous l'avez dit très clairement - à les dissimuler.

Comme le Président de la République, le ministre de l'intérieur et, je le sais, chacun d'entre vous, nous avons tous condamné avec force ces actes inadmissibles qui visent des lieux de culte.

Chaque fois qu'un lieu de culte est pris pour cible, c'est la République qu'on attaque.

Chaque fois que des Français sont attaqués en raison de leurs origines ou de leurs croyances, c'est le pacte républicain qui est en cause.

Les attaques contre nos compatriotes juifs sont inacceptables. Le sentiment qu'ils éprouvent actuellement, nous devons évidemment l'entendre.

Je veux condamner avec beaucoup de force ce qui existe dans un certain nombre de secteurs de notre société, ce passage insupportable de la condamnation d'une politique - celle de l'État israélien -, des manifestations- c'est prévu, c'est la liberté, bien sûr - à l'antisionisme, qui est la porte ouverte à l'antisémitisme. Nous devons être très clairs et ne laisser se diffuser aucun mot, aucun slogan comme ceux que nous avons encore entendus au cours de ces derniers jours.

Nous devons également veiller - vous l'avez dit - à ce que nos concitoyens de confession ou de culture musulmanes ne soient pas stigmatisés. Car, au fond, ces attaques, ces offenses ce sont des offenses faites à notre pays, à son unité et à sa cohésion.

Ces violences et ces mots sont d'une extrême gravité. Ils trouveront toujours face à eux une réponse déterminée des pouvoirs publics, et si cela doit passer par des interdictions de manifestation, cela passera par de telles interdictions. Nous considérons en effet que des troubles à l'ordre public sont possibles et si des débordements comme ceux que nous avons connus se produisent nous prendrons ces mesures : les préfets, que j'ai rencontrés avec le ministre de l'intérieur encore ce matin, ont reçu à cet égard des consignes très claires, à Paris et partout en France.

Le Président de la République a été très clair le 14 juillet : la France ne tolérera jamais que l'on essaie, par la violence des mots ou les actes, d'importer sur son sol le conflit israélo-palestinien.

La position de notre pays est claire : tout faire pour la paix. La République est notre bien le plus cher, notre bien commun, et il est la meilleure protection, avec nos valeurs dont la laïcité, contre toutes les formes d'intégrisme et de violence.

J'appelle l'ensemble de la communauté nationale à se rassembler autour de ces valeurs. Car lorsqu'on s'en prend à une synagogue ou à une mosquée, ce n'est pas simplement une communauté qui est attaquée, c'est la communauté nationale dans son ensemble qui est mise en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC,du groupe écologisteet du RDSE. - Mme Nathalie Goulet ainsi que MM. Roger Karoutchi et Gérard Larcher applaudissent également.)

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