Question de M. LENOIR Jean-Claude (Orne - UMP) publiée le 24/10/2014

Question posée en séance publique le 23/10/2014

Concerne le thème : Les accords de libre-échange

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le secrétaire d'État, je m'associe également aux messages de sympathie qui ont été adressés au Canada, un pays que j'aime beaucoup. Je m'y suis d'ailleurs rendu le mois dernier avec une délégation de la commission des affaires économiques. Nous avons rencontré des responsables politiques fédéraux et provinciaux avec lesquels nous avons évoqué ce traité.

Je souhaite vous poser quatre questions à ce sujet.

La première concerne la ratification du traité. Pour l'Union européenne, j'ai bien entendu votre propos s'affermir au fur et à mesure de vos réponses, les premières étant plus floues : vous avez donc précisé que le Parlement français serait associé à la ratification, car il s'agirait bien d'un traité mixte.

Du côté canadien, nous avons observé une certaine distance entre les positions des gouvernements provinciaux et celles du gouvernement fédéral, dépositaire du mandat, je le rappelle. Avez-vous d'ores et déjà des assurances concernant la manière dont le Canada ratifiera ce traité ?


M. Philippe Bas. Très bonne question !


M. Jean-Claude Lenoir. Deuxième question, qu'en est-il des garanties pouvant être accordées à des entreprises, françaises mais aussi européennes, pour ce qui est de l'accès à la commande publique, notamment dans le domaine financier, dans les télécommunications et les transports ?

Troisième question, qu'en est-il des déplacements temporaires des cadres et salariés d'entreprises européennes qui vont au Canada ? Il y a là un vrai problème, qui nous a été exposé à plusieurs reprises.

Enfin, ma quatrième question touche à l'agriculture et aux menaces réelles qui pèsent, notamment, sur l'élevage français, menaces qui valent d'ailleurs aussi pour les États-Unis. L'Orne, que je représente, est un département de Normandie particulièrement concerné à deux titres : l'élevage laitier et la viande.

Pour ce qui concerne le lait, les réticences de certains milieux américains à l'égard de nos produits sont connues. Elles s'expliquent simplement : nos produits sont les meilleurs, je pense notamment au camembert ! (Sourires. – MM. André Gattolin et Roger Karoutchi applaudissent. )


M. Jean-Baptiste Lemoyne. Et le chaource ?


M. Jean-Claude Lenoir. Toutes les normes réglementaires et sanitaires imposées aux produits au lait cru, et d'une façon générale, à l'élevage, font naître des risques de distorsion de concurrence. En effet, l'élevage américain recourt, on le sait, à certains produits qui valorisent la viande et améliorent le goût. Certains éleveurs français s'inquiètent à juste titre de cette distorsion de concurrence et redoutent que ces productions n'inondent le marché européen.

Pour qu'un traité soit signé, monsieur le secrétaire d'État, il doit être « gagnant-gagnant ». Beaucoup aujourd'hui estiment qu'il pourrait être « gagnant-perdant » ! (Applaudissements.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 24/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2014

M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, votre question est très générale,...

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Elle est très précise !

M. Jean-Claude Lenoir. Elle appelle une réponse précise !

M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État. ... au sens où elle part des services financiers pour finir sur le camembert !(Sourires.)

M. Philippe Bas. C'est très français ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État. C'est au reste parfaitement légitime : un élu de terrain, comme vous l'êtes, appréhende la négociation dans sa globalité. Vous mettez ainsi en avant des sujets qui, les uns autant que les autres, méritent d'être pris en considération.

Je vous rappelle d'abord que le dernier mot appartiendra au Parlement français. Ensuite, on ne peut pas assimiler les deux négociations, canadienne et américaine. J'ai montré dans quelle mesure la négociation avec les États-Unis revêtait d'autres enjeux. Je m'étonne d'ailleurs qu'aucun d'entre vous n'ait évoqué les questions géopolitiques.

M. Jean-Claude Lenoir. Nous l'aurions fait si nous en avions eu le temps !

M. André Gattolin. Nous n'avions que deux minutes !

M. Éric Bocquet. Il faudrait organiser un débat !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Géopolitique et commerce vont évidemment ensemble !

M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État. Je ne développerai pas ce point pour ne pas allonger le débat, encore que tout cela soit passionnant, nous aurons l'occasion d'y revenir.

Nous devons donc aborder la question à la fois dans sa globalité et dans ses différents aspects. À cet égard, nous avons le sentiment d'avoir obtenu, dans la discussion avec le Canada, d'une part, un accord globalement équilibré et, d'autre part, des avancées susceptibles de nous servir dans l'hypothèse de la conclusion d'un accord avec les États-Unis. C'est donc une sorte d'accord en deux temps.

Sur l'aspect global, cet accord sera-t-il remis en cause par certaines provinces canadiennes ? Ce n'est pas impossible, ce qui deviendrait un problème non pas pour l'Union européenne, mais pour le Canada. Personne ne peut nier que, dans cette négociation, certains secteurs ont gagné plus que d'autres. Si les deux parties sont, comme je l'espère, l'une et l'autre gagnantes, il est vraisemblable que des inquiétudes se feront jour dans certains secteurs de l'économie canadienne, ou, comme vous en témoignez, européenne. L'essentiel reste de s'assurer que l'intérêt général et l'intérêt national sont sauvegardés, ce dont personne dans cet hémicycle ne se désintéressera. Telle est notre vision.

Les réticences que vous avez constatées au Canada sont peut-être l'expression de ce que, dans cette négociation, l'Union européenne, si critiquée habituellement dans notre pays, a réussi à obtenir quelques avancées satisfaisantes, sinon pour le secteur financier, en tout cas pour des secteurs industriels comme les télécommunications et les grands travaux.

Pour le reste, je crois avoir détaillé les différents secteurs, évoquant la filière bovine ou l'agroalimentaire. Les alcools, vins et spiritueux, par exemple, représentent une part importante de notre commerce extérieur et de notre activité.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais ces producteurs n'ont pas besoin d'un accord pour vendre !

M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État. Ce n'est peut-être pas le cas dans votre département, monsieur le sénateur, mais je vous sais sensible à cette réussite collective.

Je suis certain également que les produits que vous avez mis en avant bénéficieront de la reconnaissance de certaines indications géographiques, qui leur permettra de développer une marque sur le marché international, et plus seulement français. Quoi que l'on en pense, nous nous situons dans un monde désormais globalisé et il est important que des références majeures à l'échelle nationale, comme le camembert, puissent prospérer à l'international. Nous souhaitons que cet accord rende cela possible.

Pour le reste, le contrôle démocratique est assuré par le Parlement, donc par vous, monsieur le sénateur, dans votre activité quotidienne de parlementaire, et vous avez l'engagement du Gouvernement de revenir devant vous pour vous soumettre cet accord, ainsi que celui que nous pourrions conclure avec les États-Unis.

Dans la situation où nous nous trouvons, il est parfaitement légitime de se montrer préoccupé. Cependant, nous pouvons juger cet accord positif pour notre économie, pour la coopération, pour la croissance. Car tout cela n'a de sens que si un tel accord nous apporte de la croissance et de la valeur ajoutée pour les produits français.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour une brève réplique.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, vous me connaissez, je serai bref !(Sourires.)

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez eu tort de dissocier les services financiers du camembert. Les banques ne publient-elles pas leurs résultats à l'aide d'un outil pédagogique reconnu : le camembert ?(Sourires.) Finalement, vous le voyez, le camembert est omniprésent !

Cela étant, je ne partage pas tout à fait votre optimisme enthousiaste. Nous devons garder à l'esprit que l'activité agricole en France est surchargée de taxes, de contraintes de toutes sortes, de normes environnementales, etc.

M. Jean Desessard. Et de pesticides !(Souriressur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lenoir. La question de la concurrence est donc de toute façon posée, mais c'est au ministre de l'agriculture d'y répondre.

Je me suis rendu hier au SIAL, le grand salon français de l'alimentation, en compagnie d'une délégation de la commission des affaires économiques. Sur les 6 000 exposants, 1 000 sont français. Sur les 5 000 restants, un certain nombre de pays sont assez bien représentés, notamment d'Amérique du Nord, des pays avec lesquels il va falloir compter, sans parler de la Chine, qui occupe dans ce salon une place incroyable.

On nous a confirmé à cette occasion, et je pense faire l'unanimité ici en le rappelant, que nos produits étaient les meilleurs du monde. Pouvons-nous pourtant lutter à armes égales avec ceux qui nous envoient de pâles reflets de nos produits locaux ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Éric Bocquet et André Gattolin applaudissent également.)

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