Question de M. BAROIN François (Aube - UMP) publiée le 17/10/2014

Question posée en séance publique le 16/10/2014

M. François Baroin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle porte sur la préparation budgétaire et les enjeux de la loi de finances.

Monsieur le Premier ministre, vous le savez mieux que quiconque, l'économie française est malheureusement en cale sèche. Les causes sont nombreuses ; elles sont identifiées. Ce sont des causes au long cours, agissant depuis de nombreuses années. On peut citer un environnement international très incertain, sur lequel le Gouvernement n'a pas de prise – du moins, pas de prise directe –, la situation en Russie, les problèmes soulevés par Ébola, que Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé a évoqués tout à l'heure, la question syrienne, l'environnement général, l'apparition d'un point d'inflexion dans la situation économique allemande, qui suscite évidemment beaucoup d'interrogations.

Sur cette base, vous avez préparé un projet de budget qui vise, et c'est heureux, à engager un processus – que plus personne de sérieux ne conteste désormais – de réduction des dépenses publiques et des déficits, même si les objectifs ne sont pas ceux qui étaient annoncés il y a deux ans.

Les sources de dépenses sont également connues. Elles sont au nombre de trois : la sécurité sociale, qui dépense environ 600 milliards d'euros, l'État, dont les dépenses, hors dettes et pensions, s'élèvent à quelque 280 milliards d'euros, et les collectivités locales, qui dépensent environ 230 milliards d'euros. Autrement dit, les dépenses des collectivités locales représentent, dans la somme totale des dépenses publiques, la part la plus faible. Or c'est sur ces dépenses que les mesures que vous proposez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 font porter l'effort le plus important.


Mme Fabienne Keller. Absolument !


M. François Baroin. Ce choix nous interpelle. Il nous interroge. C'est pourquoi la majorité sénatoriale essaiera, avec responsabilité et en conscience, de vous formuler des propositions.

Cela dit, je veux vous alerter, monsieur le Premier ministre, sur la réalité de l'effort demandé aux collectivités locales. D'ailleurs, pour avoir été l'un des nôtres, pour avoir été maire, vous savez comme la gestion des budgets locaux est exigeante et à quel point les arbitrages sont difficiles. À cet égard, demander aux collectivités locales, notamment au bloc communal, dans un discours qui, d'ailleurs, flatte une certaine forme de populisme, puisqu'il rend les collectivités locales responsables d'une partie de la gabegie de la dépense publique, ce qui n'est pas acceptable (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.),…


M. Didier Guillaume. C'est beaucoup moins vrai qu'avant !


Mme Nicole Bricq. Expliquez-nous comment vous faites 100 milliards d'euros d'économies !


M. François Baroin. … d'assumer un effort équivalant à 38 milliards d'euros, autrement dit à une suppression de 30 % des dotations d'équipement et de fonctionnement, c'est leur demander un effort absolument intenable.

Ma question est double, monsieur le Premier ministre.

Premièrement, avez-vous à votre disposition des études précises sur l'impact de ce type de mesures en termes de croissance et de disparitions d'emplois dans le bâtiment, les travaux publics et dans toutes les filières artisanales, en amont comme en aval ?

Deuxièmement – j'en appelle là à une certaine ouverture –, êtes-vous vous-même prêt à piloter un groupe de travail qui remettrait en cause le calendrier de participation à l'effort des collectivités locales – 38 milliards d'euros d'économies en trois ans ! –, de manière à revenir sur un terrain qui serait acceptable par tous, par les collectivités, qui porteront la part de l'effort, comme par l'État, qui doit montrer le chemin ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)


M. André Reichardt. Très bien ! Bravo !


Réponse du Premier ministre publiée le 17/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2014

M. Manuel Valls,Premier ministre. Monsieur le sénateur, je constate qu'en prenant ainsi la défense des collectivités territoriales vous investissez pleinement vos fonctions, les actuelles comme, peut-être, les futures. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Vous êtes bien informé !

M. Manuel Valls,Premier ministre. Mon passage au ministère de l'intérieur m'a permis d'avoir quelques éléments d'information. (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Et quelques fiches ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérard Longuet. Ah ! Le général André...

M. Manuel Valls,Premier ministre. Plus sérieusement, oui, il faut faire un effort ! Cet effort - le projet de loi de finances est actuellement présenté à l'Assemblée nationale et le sera prochainement au Sénat par Michel Sapin et Christian Eckert -est connu : 50 milliards d'euros sur trois ans et 21 milliards d'euros dès l'année 2015. C'est un effort important, sans précédent, qui est demandé d'abord à l'État, mais aussi à l'assurance maladie et aux collectivités territoriales.

Aucun d'entre vous ne m'a entendu ou n'a entendu un membre du Gouvernement en charge de ces questions s'en prendre ici aux collectivités territoriales. (Marques appuyées de scepticisme sur de nombreuses travées de l'UMP.)

M. Didier Guillaume. C'était avant !

M. Manuel Valls,Premier ministre. Nous qui connaissons la légitimité des élus, nous ne pouvons que rejeter le populisme dont ils sont parfois victimes. Néanmoins, nous le savons, les Français sont très attentifs à la question de la dépense publique, des dépenses de l'État comme de celles des collectivités territoriales, ce qui est bien normal, vu les efforts qu'ils consentent depuis des années.

Je note d'ailleurs que ceux-là mêmes qui, pour critiquer le Gouvernement, prennent appui sur les conclusions des travaux de la Cour des comptes concernant l'État fustigent le récent rapport de la Cour des comptes relatif à la dépense des collectivités territoriales.

Monsieur le sénateur, vous avez raison, nous devons travailler sérieusement et faire les études d'impact nécessaires. Soyez assuré que je suis à l'écoute des élus. Je serai présent au congrès de l'Association des maires de France, comme à ceux de toutes les autres associations d'élus. Je serai demain au rassemblement des élus de la montagne à Chambéry, où je me rends dès ce soir. Je serai, dans quelques jours, devant l'Assemblée des départements de France, pour entendre, mais aussi pour convaincre. Je suis également à l'écoute de l'ensemble des professionnels du bâtiment et des travaux publics.

Comme je l'ai dit jeudi dernier à Lille, lors la convention nationale de l'intercommunalité, je souhaite que les élus qui innovent, qui investissent et qui développent leur territoire soient encouragés et aidés. Au-delà des économies que nous demandons à la nation, au-delà de l'effort que la nation consent pour soutenir les entreprises et pour les rendre plus compétitives, au-delà des indispensables réformes de structure, l'investissement et la préparation de l'avenir sont nos priorités. Nous devons donc nous appuyer sur les collectivités territoriales.

Les contrats de plan y contribueront. Ils mobiliseront plus de 12 milliards d'euros de crédits de l'État sur six ans, au bénéfice des territoires, et près de 1 milliard d'euros - 990 millions, pour être précis - sera spécifiquement consacré à leur volet territorial. Ces contrats de plan sont entièrement financés, ainsi qu'Alain Vidalies l'a largement démontré tout à l'heure.

Comme je l'ai également indiqué, je souhaite qu'à l'occasion du débat sur le projet de loi de finances nous puissions examiner ensemble les solutions complémentaires pour soutenir l'investissement local.

Des amendements ont été déposés et adoptés en commission à l'Assemblée nationale. Comme je l'avais annoncé, la hausse du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, ne sera pas compensée par une baisse des concours aux collectivités. En 2015, ce sont ainsi 166 millions d'euros qui seront sanctuarisés. Le Gouvernement donnera également son accord à la majoration du taux du FCTVA qui a été proposée par les parlementaires.

Enfin, certains proposent la création d'un fonds de soutien à l'investissement local. Je me tiens à leur disposition pour en discuter.

Monsieur Baroin, je suis donc ouvert à toute proposition qui nous permettra d'avancer ensemble pour préserver l'investissement des collectivités territoriales et le rôle essentiel qu'elles jouent pour préserver le pacte républicain et social. Dans le même temps, vous le comprendrez, je serai attentif à l'équilibre de nos comptes et aux engagements de la France.

Comme je le disais tout à l'heure, je suis prêt à engager le débat le plus ouvert possible sur ces questions, d'autant plus que je constate que, parmi un certain nombre de vos amis politiques, beaucoup proposent une réduction drastique des dépenses de l'État,...

Mme Nicole Bricq. Exact !

M. Manuel Valls,Premier ministre. ... réduction pesant notamment sur les dotations aux collectivités territoriales.

Je souhaite que l'on m'explique comment vous comptez réduire de 100 ou 150 milliards d'euros la dépense publique ! Sur qui cela va-t-il peser ? C'est ce débat qu'il faut avoir !

En tout état de cause, je vous ai entendu et, oui, je propose que nous nous rencontrions vite pour voir dans quelles conditions nous pouvons travailler ensemble pour préserver l'investissement des collectivités territoriales. C'est là l'essentiel ! (Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Excellente réponse !

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