Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 30/10/2014

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la situation de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de Saint-Avé, dans le Morbihan. Cet établissement de santé traverse, actuellement, des difficultés financières importantes, puisqu'un déficit prévisionnel de 940 000 euros, pour l'exercice 2014, serait annoncé. Afin de remédier à ce manque budgétaire, la direction a émis des propositions se résumant en deux points. Le premier s'articule autour d'une réduction des effectifs de l'ordre de 53 postes. Le second développe, pour les patients, une offre de soins réduite et des facturations en hausse. Ces mesures surprennent l'ensemble du personnel et des patients qui s'inquiètent, légitimement, pour la pérennité de leurs conditions de travail ou d'accueil. Aucune concertation n'aurait été menée afin d'exposer aux équipes les enjeux de la situation de l'établissement et les perspectives proposées. Par ailleurs, des postes d'infirmiers de nuit auraient été remplacés par des aides médico-psychologiques (AMP) dont les missions et les compétences ne sont pas les mêmes. Cette possibilité de recrutement doit être considérée comme occasionnelle ou complémentaire mais pas comme un choix par défaut ou permanent. Ces restrictions budgétaires vont à l'inverse de la volonté de la direction qui demande, dans le cadre de l'appel à candidature pour accompagner l'évolution de l'offre en santé mentale en Bretagne, un supplément de personnel. Pourtant, la santé, et encore plus la santé mentale, ne peuvent être considérées comme des marchandises ou des produits à rentabiliser. Les membres du personnel sont toujours dans l'attente de connaître le nombre de postes par catégorie professionnelle qui seront supprimés. Les patients, pour qui la régularité de l'encadrement est primordiale, ne devraient pas être défavorisés par une offre de soins de qualité moindre en raison d'un budget en baisse. C'est pourquoi, en lui rappelant que l'accès à la santé est un droit fondamental, il lui demande les mesures envisagées pour accorder à cette structure publique le budget nécessaire à son bon fonctionnement, à la hauteur des besoins des usagers d'un établissement psychiatrique.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 19/11/2014

Réponse apportée en séance publique le 18/11/2014

M. Michel Le Scouarnec. Un établissement public de santé mentale, ou EPSM, est un centre de soins où l'on soigne non pas des blessures physiques, mais des blessures de l'âme. Si la douleur est parfois moins discernable, elle n'en est pas moins puissante et requiert des moyens adaptés, qui soient à la hauteur des nombreux besoins des patients.

L'établissement public de santé mentale situé à Saint-Avé, près de Vannes, dans le Morbihan, a pour mission principale les soins en psychiatrie pour enfants, adultes et personnes âgées. Il regroupe un ensemble de structures sanitaires et médico-sociales de consultation, de soins et d'hébergement.

Il traverse actuellement des difficultés financières importantes, puisque le déficit prévisionnel s'élèverait à 940 000 euros pour l'exercice 2014. Afin de remédier à ce manque de moyens budgétaire, la direction a émis des propositions se résumant en quatre mots :« la baisse des dépenses » !

Dans ce pêle-mêle de diminutions, on peut noter au niveau du personnel la possible perte de cinquante-trois postes, la renégociation à la baisse de l'accord sur la réduction du temps de travail - passage de dix-sept à quinze jours - ou la révision des octrois de temps partiel. En ce qui concerne les patients, outre une facturation à la hausse avec l'augmentation du tarif journalier ou le paiement des chambres individuelles, il est proposé une accélération du projet médical avec, dès l'année prochaine, la fermeture d'une partie de l'unité des Rosiers Peupliers avant sa fermeture définitive en 2016. Une question s'impose alors : où iront les patients actuellement suivis dans cette unité ?

Ces mesures peuvent étonner, d'autant que des postes d'infirmiers de nuit auraient été remplacés par des aides médico-psychologiques, ou AMP, dont les missions et les compétences ne sont pas du tout les mêmes. Même si ce recrutement a été occasionnel, il ne doit pas devenir un choix permanent qui porterait gravement atteinte à l'encadrement de nuit des patients.

Dans le cadre de la mise en œuvre de son projet d'établissement pour la période 2013-2017, l'EPSM Morbihan a mis en place une nouvelle organisation de son offre de soins qui s'appuie sur une nouvelle organisation territoriale.

Hélas ! force est de constater que cette nouveauté est à l'image de la réforme territoriale actuellement en cours. Elle porte en elle les germes de l'inégalité et de la précarisation de l'accès aux soins.

Tous les établissements de santé mentale en Bretagne sont concernés par cette situation ; il en est ainsi, par exemple, de celui de Caudan, également situé dans le Morbihan. La proximité annoncée tarde à se révéler puisque l'on déplore déjà la fermeture d'un CPEA, un centre psychothérapique pour enfant et adolescent. Où se situent la logique et la simplification dans ce cas ? Lorsque l'on ferme un établissement, on éloigne les plus démunis de l'accès aux soins.

Les membres du personnel sont toujours dans l'attente de connaître, par catégorie professionnelle, le nombre de postes qui seront supprimés. Et les patients, pour qui la régularité de l'encadrement est primordiale, ne devraient pas être défavorisés par une offre de soins de qualité moindre en raison d'un budget en baisse.

Il est regrettable qu'aucune concertation n'ait été menée afin d'exposer aux équipes les enjeux de la situation de l'établissement et les perspectives proposées.

Madame la secrétaire d'État, afin de répondre aux inquiétudes des personnels et des patients, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour accorder à cette structure publique le budget nécessaire à son bon fonctionnement ? Quel espoir pouvez-vous apporter à ces agents qui exercent leurs missions difficiles et délicates avec des moyens déjà en deçà de ce qu'ils devraient être ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, la situation bretonne concernant les soins psychiatriques présente de fortes spécificités. Ainsi, les taux d'équipements hospitaliers et de recours aux soins hospitaliers psychiatriques, en particulier pour la psychiatrie générale, sont parmi les plus élevés de France. Par ailleurs, le fort taux d'équipement en lits et places n'a pas pour corollaire une meilleure fluidité des parcours. On observe en effet une saturation importante de l'offre de soins psychiatriques hospitaliers, qui participe elle-même à un engorgement plus global de l'offre sanitaire, sociale et médico-sociale en santé mentale : taux d'occupation des lits élevé, patients retenus à l'hôpital par manque de places médico-sociales disponibles, listes d'attentes pour l'entrée en structures médico-sociales...

Sur la base de ce constat, l'Agence régionale de santé de Bretagne a engagé un plan ambitieux de réorganisation de l'offre en santé mentale privilégiant l'autonomie des personnes, le maintien de leur insertion sociale et professionnelle, ainsi que des parcours plus cohérents et plus fluides. Un appel à projets a notamment été lancé à ce propos.

En réponse à l'appel à candidatures de l'Agence régionale de santé de Bretagne portant sur cette évolution de l'offre de soins, l'établissement a effectivement sollicité des moyens nouveaux et non pérennes pour accompagner la recomposition en cours de son offre de soins.

La reconfiguration qui en découle répond aux exigences d'un rééquilibrage de l'offre au profit des activités ambulatoires et doit permettre à l'établissement public de santé mentale du Morbihan de s'inscrire dans une trajectoire financière équilibrée.

Le redéploiement - et non la réduction - de cinquante-trois postes programmé sur les trois prochains exercices vise à transférer une partie des activités et des moyens du secteur de l'hospitalisation complète vers les dispositifs extrahospitaliers ambulatoires afin d'apporter une meilleure réponse aux besoins des patients.

Le déficit prévisionnel de l'établissement devrait s'établir en 2014 à 500 000 euros, soit 0,7 % des recettes d'exploitation. Le plan d'économies visant au retour à l'équilibre fin 2016 porte aussi sur les dépenses de fonctionnement dans le cadre d'une démarche d'amélioration générale de l'efficience, tout en garantissant le niveau et la qualité des prestations hôtelières. Dans un contexte financier contraint, l'EPSM a mis en œuvre des mesures d'ajustement sans aucune suppression de poste de personnel titulaire en 2014.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Madame la secrétaire d'État, j'ai bien entendu votre réponse, qui montre les difficultés auxquelles sont confrontés les établissements de santé mentale en Bretagne, en général, et en particulier dans le Morbihan, s'agissant de l'établissement de Saint-Avé à propos duquel j'ai été interpellé.

Cet établissement est unanimement reconnu pour la qualité de son suivi des patients dans le cadre de l'exercice de ses missions avec, par exemple, une pratique formidable en matière d'addictologie. Dès lors, la baisse des moyens et le plan d'économies ne constituent pas une réponse extrêmement positive, propre à garantir l'avenir aux yeux des personnels, qui s'interrogent... Je ne suis pas sûr que l'ambulatoire et le redéploiement permettent de venir à bout de toutes les difficultés rencontrées ces dernières années. L'établissement rencontre déjà des problèmes financiers qui risquent plutôt, si l'on diminue les moyens, de se renforcer.

Il se pourrait donc bien que cette réponse ne soit pas à la hauteur de besoins qui, hélas ! vont en s'accroissant. Vous le savez, l'ouest de la France est confronté à un nombre de tentatives de suicide plus élevé qu'ailleurs. C'est extrêmement grave, et il serait dommage que cette donnée ne soit pas prise en considération.

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