Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 16/10/2014

Mme Michelle Demessine appelle l'attention de M. le ministre de la défense sur les effets que pourraient avoir sur notre législation le récent arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) concernant l'autorisation de syndicats dans nos forces armées.

Les juges de Strasbourg ont certes reconnu le principe de « restrictions légitimes » dans la liberté d'association des militaires, mais n'ont pas admis la possibilité d'interdire « de manière pure et simple de constituer un syndicat ou d'y adhérer ». C'est la raison pour laquelle la CEDH a estimé que la France, en édictant une telle interdiction, avait violé la liberté d'association des auteurs du recours effectué. Pour éviter de nouveaux recours, il nous faudra certainement procéder à des adaptations législatives ou réglementaires.

Au-delà de cette obligation, la revendication de la liberté d'association dans nos armées est pourtant légitime. Il faudrait donc, comme l'ont fait d'autres pays européens, y répondre de façon adaptée, conformément aux valeurs et aux usages en vigueur dans les armées de la République française.

Elle lui demande en conséquence de lui faire savoir où en est le travail de réflexion engagé depuis un an et demi pour rénover la concertation au sein des forces armées et faire évoluer le système de représentation des militaires. Elle souhaiterait en particulier qu'il lui précise de quelle façon pourrait être modifié l'article du code de la défense interdisant dans nos armées tout « groupement professionnel à caractère syndical ».

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Réponse du Ministère de la défense publiée le 04/12/2014

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a estimé, dans deux arrêts en date du 2 octobre 2014, que si la liberté des militaires peut faire l'objet de restrictions légitimes, ceux-ci ne peuvent se voir refuser, de façon générale, un droit d'association pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Si ces décisions obligent à une adaptation du dialogue social concernant les militaires, la Cour n'a toutefois pas manqué de souligner la qualité du dispositif actuel de concertation, de participation et de représentation au sein des armées, directions et services du ministère de la défense. En effet, outre la publication en 2011 d'une charte de la concertation et le changement de composition en 2012 des conseils de la fonction militaire (CFM) et du conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), ce dispositif s'est doté de modalités nouvelles de fonctionnement, conformément aux conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 qui avaient mis en évidence que « l'organisation de la concertation devait recevoir une nouvelle impulsion dans le contexte de réformes actuel ». Le plan de rénovation de l'organisation de la concertation a notamment donné lieu à la création d'un groupe de liaison du CSFM. Devenu un lien essentiel entre le CSFM et le ministre de la défense, cette instance est désormais l'un des contributeurs majeurs des réflexions entreprises récemment, notamment sur les droits civils et politiques des militaires et la création d'un dispositif réglementaire spécifique aux militaires du rang. En outre, la composition du CFM de la gendarmerie nationale a été modifiée afin de réorganiser la dynamique des échanges autour des acteurs principaux de la représentation des personnels que sont les représentants de catégorie. Parallèlement, une réflexion a été engagée sur la modernisation du format même de la concertation, d'une part, par des travaux menés par les états-majors d'armées, les CFM et le CSFM, dont les conclusions ont fait l'objet d'un rapport de propositions remis en décembre 2013 au Président de la République lors de la 90e session du CSFM, d'autre part, par un mandat d'expertise confié en janvier 2014 à l'inspection générale des armées par le ministre de la défense. À ce jour, après avoir pris acte des deux arrêts de la CEDH, le Président de la République a demandé, le 16 octobre 2014, que soit engagée une réflexion sur leur portée exacte et leurs conséquences. Cette étude, confiée à Monsieur Bernard Pêcheur, Président de la section de l'administration du Conseil d'État, vise à évaluer les options juridiques ouvertes en matière d'association professionnelle, tout en veillant à respecter les missions opérationnelles des armées et de la gendarmerie nationale, les impératifs de la défense et de la sécurité nationale, comme les intérêts fondamentaux de la Nation. Les travaux menés par la commission ad-hoc seront réalisés en concertation avec les hauts responsables civils et militaires, en particulier le chef d'état-major des armées et le directeur général de la gendarmerie nationale, et bénéficieront du concours des représentants et des services du Premier ministre, ainsi que des ministres de la défense et de l'intérieur. Ses conclusions devront être rendues au Président de la République le 15 décembre 2014.

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