Question de M. DESESSARD Jean (Paris - ECOLO) publiée le 12/12/2014

Question posée en séance publique le 11/12/2014

M. Jean Desessard. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer et porte sur le plan de lutte contre le suicide en Guyane.

Madame la ministre, le 16 avril 2014, ma collègue Aline Archimbaud vous a interrogée sur le taux élevé de suicide chez les populations autochtones en Guyane. Ce taux est en effet largement supérieur à celui qui est enregistré en métropole.

Dans l'Hexagone, on compte un décès par suicide par an pour 5 000 habitants, ce qui est déjà un taux très important – l'un des plus élevés à l'échelon européen. Sur les rives du Haut-Maroni, lieu de vie des Amérindiens, on compte un suicide pour 200 habitants, selon l'association ADER – Actions pour le développement, l'éducation et la recherche –, soit vingt-cinq fois plus qu'en métropole.

Madame la ministre, vous aviez alors répondu que le Gouvernement « avançait dans l'intérêt des populations autochtones ». Vous aviez rappelé la poursuite du plan préfectoral de janvier 2011 de lutte contre le suicide, la création d'écoles de proximité et la prise en compte des langues amérindiennes dans l'éducation pour lutter contre l'acculturation, source de mal-être pour ces populations.

Huit mois après cette question, le moment est venu de dresser un premier bilan de l'action du Gouvernement. Disposez-vous de chiffres précis sur les suicides chez les Amérindiens, madame la ministre ?

D'après nos informations, qui ont motivé cette question, au moins trois suicides d'Amérindiens ont été recensés le mois dernier, deux dans la commune de Camopi et un dans le village d'Antecume Pata. Le problème est donc loin d'être résolu.

Pourtant, des solutions existent. En juillet 2013, à la suite d'une mission d'information de la commission des affaires sociales sur l'organisation du système de soins de premier recours et sur la prévention du suicide au Québec, la commission a rédigé un rapport dans lequel elle identifiait plusieurs bonnes pratiques mises en place au Québec.

Il s'agissait, entre autres, d'un travail de suivi sur les causes des suicides en partenariat avec des universitaires en sciences humaines, de la mise en place d'un service d'écoute téléphonique très réactif, d'un suivi personnalisé par des agents de liaison et d'un réseau de sentinelles au sein de la population.


M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.


M. Jean Desessard. Ces mesures ont fait leurs preuves : entre 2000 et 2010, le taux de mortalité par suicide a diminué de 38 % au Québec.

Madame la ministre, mes questions sont les suivantes : le plan de 2011 est-il efficace ? Sinon, pouvez-vous l'améliorer, voire le changer ? Et quand comptez-vous mettre en place ce nouveau plan ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 12/12/2014

Réponse apportée en séance publique le 11/12/2014

Mme George Pau-Langevin,ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, avant de répondre à la question de M. Desessard, d'adresser, au nom du Gouvernement, nos condoléances aux familles de La Réunion qui ont été endeuillées par un grave accident ayant entraîné la mort de cinq jeunes.

Monsieur Desessard, le nombre important de suicides de jeunes et de moins jeunes dans la communauté des Amérindiens nous préoccupe fortement. Il montre les difficultés d'accès à la modernité de ceux qui ont un mode de vie traditionnel, comme c'est le cas de ces populations.

À la suite de la question de Mme Archimbaud, nous avons relancé les procédures en cours à la préfecture de la Guyane, afin d'établir un dialogue plus approfondi avec les populations amérindiennes.

Des équipes de santé - des psychiatres pour adultes et des pédopsychiatres - se déplacent dans les sites isolés, et des groupes de travail et de parole ont été mis en place pour les jeunes. Toutefois, il est vrai que, pour l'instant, la répétition des suicides montre que nous sommes encore loin du compte. Par conséquent, une mission de l'inspection générale sera désignée et se rendra sur place afin de dresser le bilan de ce qui s'y fait aujourd'hui.

Par ailleurs, lors de mon voyage en Guyane, prochainement, je rencontrerai le Conseil consultatif des peuples amérindiens et bushinengué, afin que ces populations soient mieux associées à la politique menée et mieux prises en compte. Les communes de l'intérieur ont un interlocuteur attitré, ce qui permet un suivi régulier des problèmes que rencontrent les populations, notamment les jeunes.

La question de l'accès à l'école avait également été soulevée. Dans ces communes enclavées, les jeunes doivent trop souvent quitter leur famille pour être scolarisés. Ils sont alors admis en internat, à des distances considérables de chez eux. Nous examinons donc avec le recteur de la Guyane la possibilité d'implanter des écoles au plus près de ces jeunes, afin qu'ils ne se sentent pas trop perdus.

Ce sujet est important. Si un groupe de travail devait être constitué sur cette question, je serais heureuse qu'un grand nombre de sénateurs y soit associé.(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

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