Question de M. GATTOLIN André (Hauts-de-Seine - ECOLO) publiée le 30/01/2015

Question posée en séance publique le 29/01/2015

M. André Gattolin. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.

L'Histoire semble parfois resservir les mêmes plats. Voilà trois ans, presque jour pour jour, j'interpellais ici même le gouvernement de l'époque sur la situation en Grèce, à l'heure où la Troïka obtenait l'approbation de son deuxième plan d'aide et de rigueur.

Sans surprise, trois ans après, l'économie grecque reste percluse et le peuple se débat toujours dans d'inadmissibles souffrances.

Le contexte social, économique et politique a pourtant beaucoup évolué depuis lors, en Grèce comme au niveau européen.

Au printemps 2012, les pays de l'Union étaient tous accaparés par l'objectif de réduction de la dette et de la dépense publiques. Aujourd'hui, nous nous interrogeons enfin sur les effets d'une croissance en berne, d'un chômage toujours plus élevé et d'une quasi-déflation totalement contreproductive pour nos économies.

En 2012, pour éviter un défaut de paiement qui aurait entraîné l'effondrement de la zone euro, nous avons imposé à la Grèce les éternelles recettes du Fonds monétaire international, le FMI : baisse des salaires, des retraites et des emplois publics, déremboursements en matière de santé…

Toutefois, nous sommes-nous préoccupés des véritables problèmes structurels rencontrés par la Grèce et sur lesquels l'Europe a pudiquement fermé les yeux depuis l'adhésion de ce pays en 1981 ? Je veux bien sûr parler des incroyables privilèges dont bénéficie une petite oligarchie qui regroupe armateurs, Église orthodoxe et grands possesseurs de comptes à l'étranger. Non ! Nous avons surtout pressuré ceux qui étaient les plus faciles à pressurer. Il ne faut donc pas s'étonner du résultat sorti des urnes la semaine passée.

Pourtant, dans les jours qui précédaient la victoire devenue inéluctable de Syriza, nous avons enfin entendu certains se dire prêts à rediscuter le plan d'austérité de la Grèce en échange de mesures comme la nécessaire réforme du cadastre ou la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales…

Monsieur le ministre, à nos yeux, dans le contexte actuel, il revient aujourd'hui à notre pays de prendre l'initiative pour redonner un véritable sens politique aux propositions qui seront formulées par l'Union.

C'est pourquoi nous aimerions savoir quelles propositions concrètes la France entend formuler pour relever un défi qui est non pas seulement économique et financier, mais aussi profondément politique, car il met en jeu les valeurs démocratiques supposées fonder le projet européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Éric Bocquet applaudit également.)

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Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée le 30/01/2015

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2015

M. Michel Sapin,ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la situation en Grèce à la suite du résultat des dernières élections.

Nous respectons la démocratie, en France comme en Grèce. Le peuple s'est librement et clairement exprimé. Il y a une nouvelle majorité, un nouveau gouvernement et de nouveaux responsables- dans tous les sens du terme - en Grèce. C'est avec eux que les gouvernements des États membres et l'Union européenne doivent dialoguer et rechercher des solutions aux difficultés que rencontre aujourd'hui ce pays.

Tout d'abord, le problème de la croissance se pose de manière plus accentuée en Grèce que dans le reste de l'Europe. Un pays dont le PIB a chuté de 25 % par rapport aux années 2009-2010 - je vous laisse imaginer ce que cela représente en termes de rémunérations, de versements des pensions, etc. - est un pays profondément dans la souffrance. Nous devons respecter ce que les Grecs ont exprimé.

Ensuite, les difficultés budgétaires auxquelles le pays est confronté ne pourront pas être abolies du seul fait du résultat des élections. La Grèce a rétabli son équilibre budgétaire primaire. Elle est capable de payer l'ensemble de ses dépenses de fonctionnement et de ses investissements. Il ne faudra pas que cet équilibre se dégrade, faute de quoi il sera extrêmement difficile de trouver des prêteurs.

Enfin, il faut traiter la question de la dette. Aucun pays ne peut vivre durablement avec une dette représentant 175 % du PIB. Le sujet n'est pas nouveau. Il était sur la table avant l'élection ; il l'est encore aujourd'hui. Nous aurions dû évoquer la soutenabilité de la dette grecque, quel que fût le gouvernement issu de ces élections. Nous allons le faire.

Le Président de la République et moi-même souhaitons que la France facilite le dialogue et la recherche d'une solution avec la Grèce - tel est notre état d'esprit -, tout en discutant avec les autorités du pays des réformes nécessaires. Je pense en particulier à la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales ; c'est l'un des points sur lesquels la Grèce devra se réformer !(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. - M. Jacques Mézard applaudit également.)

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