Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 05/02/2015

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le projet élaboré par le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) de Picardie qui inquiète à la fois le monde agricole mais aussi les maires.

Volet régional de la « trame verte et bleue » (TVB), ces schémas sont chargés de mettre en œuvre la protection de la biodiversité.

Présenté à la fois à la chambre d'agriculture et aux maires, et précédant une enquête publique qui doit se dérouler dans quelques mois, le schéma prend, tout d'abord, la forme d'une carte, au 1/10 000ème, sur laquelle apparaissent des taches représentant la biodiversité, reliées entre elles par des traits correspondant aux corridors écologiques de déplacement de la faune.

Ces corridors traversent des parcelles, des communes, et soulèvent beaucoup de questions pour les agriculteurs et les édiles quant aux contraintes, additionnelles au plan « Natura 2000 » qui étaient déjà fort conséquentes.

Les contraintes en matière d'urbanisme, de cultures et d'aménagement de projet vont se rajouter au « mille-feuilles » des réglementations déjà important imposé aux communes, agriculteurs et habitants des territoires.

Réclamé par les maires, l'envoi d'un fascicule dit d'explication du SRCE, de mille pages - et donc illisible pour ceux des petites et toutes petites communes - est révélateur du peu d'information et du manque évident de concertation.

À l'heure où l'on déplore la réduction des terres agricoles et l'inflation des normes environnementales d'une part, la désertification économique et la baisse des dotations aux communes d'autre part, l'élaboration de ce schéma apparaît hermétique et source de contraintes et donc de dépenses supplémentaires.

Il demande donc à ce que la protection de la biodiversité ne se traduise pas par un coup d'arrêt aux initiatives locales de développement, et ne soit pas source de stagnation, voire de déclin économique d'un territoire rural déjà fortement impacté.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 25/03/2015

Réponse apportée en séance publique le 24/03/2015

M. Antoine Lefèvre. Ma question porte sur le projet élaboré dans le schéma régional de cohérence écologique de Picardie, lequel inquiète à la fois le monde agricole et les maires.

Alors que la délégation sénatoriale aux collectivités locales vient tout juste de publier le résultat de la consultation en ligne sur la simplification des normes, lancée à l'occasion du dernier Congrès des maires de France, les élus ont désigné massivement l'urbanisme et le droit des sols comme l'un des secteurs prioritaires. Le sujet qui nous occupe ce matin pourrait en être une illustration.

Volet régional de la trame verte et bleue, les SRCE sont chargés de mettre en œuvre la protection de la biodiversité. Issus des tables rondes menées à l'automne 2007 dans le cadre du Grenelle de l'environnement, ils constituaient alors un engagement phare et consensuel.

Ma question est d'autant plus d'actualité que, la semaine dernière, l'Assemblée nationale a débattu du projet de loi relatif à la biodiversité, qui semble télescoper ces SRCE toujours en cours d'élaboration dans certaines régions, notamment la Picardie, dont je me fais la voix ici. Quidalors du principe inscrit dans ce texte, à savoir « le principe de complémentarité entre l'environnement et l'agriculture, reconnaissant les surfaces agricoles comme porteuses d'une biodiversité spécifique et variée » ?

Qui aura le supra sur quoi ? Le SRCE sera-t-il toujours d'actualité ? Quelles en seront encore les conséquences sur les documents et les marges d'urbanisme ? Encore une nouvelle contrainte normative !

J'en reviens au SRCE picard.

Présenté à la fois à la chambre d'agriculture et aux maires, et précédant une enquête publique qui doit se dérouler dans quelques mois, le schéma prend tout d'abord la forme d'une carte au 1/100 000e, carte sur laquelle apparaissent des « taches »représentant la biodiversité, reliées entre elles par des traits correspondant aux corridors écologiques de déplacement de la faune. Sur ces cartes, déjà peu précises, ne figure aucune signalisation des territoires des communes.

Les réservoirs de biodiversité figurant d'ores et déjà dans les documents d'urbanisme, seule serait utile sur ce document la mention des corridors environnementaux !

Ces corridors, qui traversent des parcelles et des communes, suscitent chez les agriculteurs et les élus nombre de questions relatives aux contraintes additionnelles à celles du plan Natura 2000, lesquelles étaient déjà d'importance.

Toutes ces contraintes en matière d'urbanisme, de cultures et d'aménagement de projet vont s'ajouter au millefeuille, déjà épais, des réglementations imposées aux communes, aux agriculteurs et aux habitants des territoires.

Je rappelle que la révision des plans locaux d'urbanisme, les PLU, est obligatoire dans un délai maximum de trois ans après l'adoption du SRCE. Cela représente, encore et toujours, de nouveaux frais à engager par nos collectivités.

À la suite de la réclamation formulée par les maires désireux d'une plus ample information, un fascicule dit« d'explication du SRCE » leur a été envoyé. Ce document étant épais de 1 000 pages, il est aussi illisible qu'indigeste...

La gestion du projet est à la libre appréciation des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, les DREAL, et des régions. Or, si certaines s'acquittent bien de cette mission, ce n'est pas le cas pour d'autres.

Par ailleurs, les agriculteurs sont déjà fortement engagés dans la protection des corridors écologiques par le biais des mesures agroenvironnementales, les « MAE corridors »,prévues dans les contrats agroenvironnementaux. À l'heure où l'on déplore la réduction des terres agricoles et l'inflation des normes environnementales, d'une part, la désertification économique et la baisse des dotations aux communes, d'autre part, l'élaboration de ce schéma apparait hermétique et source de contraintes, donc de dépenses supplémentaires.

Or, lors de sa venue à Laon, dans l'Aisne, voilà une dizaine de jours à peine, à l'occasion du fameux comité interministériel consacré à la ruralité- vous y avez vous-même participé, madame la ministre -, le Premier ministre, suivi de votre collègue ministre de l'agriculture, n'a-t-il pas dit explicitement que l'agriculture était « le pilier du développement rural » ?

N'a-t-il pas dit, au cours d'un entretien accordé au journal local que « la complexité, les tracasseries administratives sont un handicap pour toutes les exploitations agricoles et d'abord pour les plus petites » ?

Je demande donc, madame la ministre, que la protection de la biodiversité ne se traduise pas par un coup d'arrêt aux initiatives locales de développement et qu'elle ne soit pas source de stagnation, voire de déclin économique, d'un territoire rural déjà fortement impacté.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin,ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer que Mme ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie porte une grande attention à l'élaboration du schéma régional de cohérence écologique de Picardie, et aux inquiétudes que cette politique récente soulève dans le milieu agricole et parmi les élus.

La mise en œuvre de la trame verte et bleue dans les régions constitue un engagement fort du ministère de l'écologie, lequel a ainsi l'ambition de permettre un aménagement durable du territoire en conciliant la préservation de la biodiversité et le développement des activités humaines.

L'identification des principales composantes de la trame- les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques - est encadrée par des orientations nationales pour la préservation et la remise en état des continuités écologiques. Celles-ci précisent les enjeux nationaux et transfrontaliers à prendre en compte pour garantir la cohérence écologique de la trame à l'échelle nationale.

Comme vous le rappeliez, la mise en œuvre de la trame verte et bleue est ensuite régionale, dans le cadre des SRCE coélaborés par l'État et la région. Ce travail s'appuie sur une concertation qui doit être conduite au sein des comités régionaux de trame verte et bleue, les CRTVB, dans lesquels la profession agricole est représentée, notamment, par les chambres régionales d'agriculture et les principales organisations professionnelles. Les intérêts économiques peuvent donc être pris en compte dès le commencement de l'élaboration du schéma.

En tant que document de planification territoriale, le SRCE doit afficher des objectifs lisibles en matière de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques, et guider l'action publique sans pour autant définir des règles précises d'usage du sol, puisque telle n'est pas sa vocation. C'est pourquoi l'échelle retenue dans ces schémas est le 1/100 000e.

La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est très attentive à ce que la trame verte et bleue ne constitue ni un obstacle ni un frein au développement des territoires ruraux, mais qu'elle soit un cadre pour la cohérence écologique de ces territoires. Sa mise enœuvre en région ne crée pas de nouvelles réglementations, mais les réglementations existantes relatives aux activités humaines sur les espaces protégés intégrés à la trame continuent de s'appliquer.

Le cadre fourni par le SRCE doit permettre de rendre plus lisibles les protections existantes et leur complémentarité. Il doit constituer un guide utile pour la détermination de l'usage des sols par les différents outils de planification, notamment les documents d'urbanisme.

La ministre de l'écologie s'est assurée de ce que ces principes seraient bien déclinés dans votre région, pour que tous les acteurs puissent comprendre le sens et la portée de cette politique. C'est pourquoi le projet de SRCE qui est soumis à la consultation publique contient un diagnostic spécifique et détaillé des interactions possibles entre activités socio-économiques et continuités écologiques.

De plus, un travail approfondi a été réalisé avec les chambres consulaires régionales et l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, l'UNICEM, qui a permis de formuler des réponses précises aux interrogations des professionnels : intégration d'une carte de l'occupation des sols adossée à chaque planche de l'atlas des composantes de la trame, ajout d'un encart spécifique sur les carrières, ajout d'une note synthétique sur le « mode d'emploi » du schéma.

Par ailleurs, trois réunions d'information des élus ont été organisées en janvier 2015, réunissant de très nombreux participants dans les départements de l'Oise et de l'Aisne. La DREAL et le conseil régional se sont ainsi totalement mobilisés pour répondre aux sollicitations et demandes d'information des maires dans les semaines qui viennent.

La ministre de l'écologie souhaite que ce travail pédagogique permette de lever les questionnements et de faire partager cette politique de restauration des continuités écologiques en tant que chance de mettre en œuvre une croissance verte et durable de l'économie de votre région.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, madame la ministre, de m'avoir fait part de la réponse de Mme la ministre de l'écologie, même si elle me déçoit quelque peu. Elle contient en effet peu d'éléments éclairants et rassurants concernant les questions locales qui font le quotidien de nos concitoyens et des élus.

Aujourd'hui même, l'Assemblée nationale va voter solennellement le projet de loi relatif à la biodiversité, texte qui comporte une ultime pirouette sur les produits pesticides : ceux-ci seraient désormais interdits dès 2016, et non plus en 2020, comme le principe en avait été initialement prévu et voté dans un autre texte. Cette nouvelle contrainte s'ajoute aux autres, à rebours des attentes de nos concitoyens.

Nous ne devons pas nous étonner, dans ces conditions, que les derniers résultats électoraux traduisent un sentiment de révolte, notamment dans les territoires ruraux !

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