Question de M. DANESI René (Haut-Rhin - UMP) publiée le 19/03/2015

M. René Danesi appelle l'attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur le changement, introduit par l'article 134 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, changement qui va avoir des conséquences non négligeables, non seulement, pour les collectivités territoriales mais aussi pour l'État.

Il apparaît que ni le Gouvernement, ni le législateur n'en ont pris la véritable mesure et que des questions urgentes se posent.

En effet, dès le 1er juillet 2015, les communes qui font partie d'un établissement public de coopération intercommunale regroupant plus de 10 000 habitants et qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale, ne disposeront plus du service que l'État leur rendait, par le biais des directions départementales des territoires (DDT), en matière d'instruction des autorisations du droit du sol.

A priori, l'abandon d'une compétence de l'État au profit des collectivités territoriales devrait être considéré comme une évolution positive mais les conditions dans lesquelles ce transfert s'effectue laissent en suspens d'importantes questions qu'il importe de souligner.

Tout d'abord, la mission d'instruction des autorisations du droit du sol n'est pas considérée comme une compétence mais simplement comme un service, et, dès lors, son abandon par l'État ne se trouve pas accompagné, comme dans tout transfert de compétence, d'une compensation des charges.

Il lui demande donc comment, pratiquement et financièrement, les collectivités vont pouvoir assurer elles-mêmes les instructions. Se posent aussi, la question du recrutement de personnel spécialisé ainsi que celle de l'achat de logiciels spécifiques qui, outre l'inconvénient de leur prix, ne seront peut-être pas compatibles avec le logiciel unique utilisé par les DTT et ne permettront donc pas la consultation des archives. Il semble, malheureusement, que toutes les DDT n'adoptent pas la même attitude quant à la mise à disposition de l'application « ADS 2007 », solution qui aurait l'avantage de la simplicité.

Enfin, ce changement aura des conséquences non négligeables pour les finances de l'État. En effet, pour prendre le seul exemple du département du Haut-Rhin, la DTT y emploie 75 fonctionnaires, spécialisés dans l'instruction des autorisations du sol. À l'échelle du territoire, on peut estimer le nombre total de ces spécialistes à 10 000.

Il apparaît, pourtant, que la loi n'a pas correctement organisé le détachement de ces fonctionnaires, ni leur mise à disposition des collectivités territoriales ou encore leur transfert vers la fonction publique territoriale. Dès lors, le problème apparaît clairement : alors que les collectivités territoriales vont devoir recruter un personnel qu'il leur faudra former, la compétence de ces 10 000 agents de l'État sera perdue et ces derniers se trouveront, de surcroît, en sureffectif dans la fonction publique.

À l'heure de la simplification et des économies, on constate que ce manque de prévision aboutit à un véritable gâchis matériel, financier et humain, sans compter les complications induites.

Au regard du délai très court, il lui demande s'il serait possible d'harmoniser la position des DDT, conformément aux instructions du Gouvernement transmises le 3 septembre 2014, quant à la mise à disposition de l'application « ADS 2007 », et, il lui demande, également, de l'éclairer sur le devenir des 10 000 fonctionnaires des DDT en sureffectif qui ne rejoindraient pas une collectivité territoriale.

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Transmise au Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 27/05/2015

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2015

M. René Danesi. Madame la secrétaire d'État, la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, plus couramment appelée« loi ALUR », a introduit, par son article 134, un changement dont ni le Gouvernement ni le législateur ne semblent avoir pris la véritable mesure.

En effet, dès le 1er juillet 2015, c'est-à-dire dans six semaines, les communes qui font partie d'une intercommunalité de plus de 10 000 habitants et qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne disposeront plus du service que l'État leur rend gratuitement pour l'instruction des autorisations du droit des sols, ou ADS. Il en ira de même, à compter du 1er juillet 2017, pour les communes membres d'une communauté de communes de moins de 10 000 habitants.

En tant que représentant des collectivités territoriales, j'ai naturellement tendance à me réjouir de l'abandon d'une compétence de l'État au profit de ces dernières. Toutefois, la manière dont ce transfert est opéré soulève de graves questions, sur lesquelles je me devais de vous alerter.

En premier lieu, la mission de l'instruction des ADS est considérée non comme une compétence mais comme un simple service. En conséquence, son transfert par l'État n'est pas accompagné, comme pour les transferts de compétences au sens strict, d'une compensation financière des charges.

Dès lors, un premier problème apparaît clairement : les collectivités devront recruter et payer un personnel spécialisé. Quant aux logiciels spécifiques, outre l'inconvénient de leur prix, ils ne seront peut-être pas compatibles avec le logiciel unique utilisé par les directions départementales des territoires. Surtout, ils ne permettront pas la consultation des archives de ces DDT.

Au surplus, il semble que toutes les DDT n'adoptent pas la même attitude au sujet de la mise à disposition de l'application ADS 2007. Or cette solution aurait eu l'avantage de la simplicité et du moindre coût.

En second lieu, ce changement aura des conséquences non négligeables sur le budget de l'État. L'exemple du Haut-Rhin suffit à l'illustrer. La DDT de ce département emploie 75 fonctionnaires spécialisés dans l'instruction des ADS. À l'échelle du pays, on peut estimer à près de 10 000 le nombre total de ces spécialistes.

Or la loi ALUR n'a organisé ni le détachement de ces fonctionnaires ni leur mise à disposition des collectivités territoriales, et encore moins leur transfert vers la fonction publique territoriale. Alors que les collectivités territoriales vont devoir recruter un personnel qu'il leur faudra former, l'État conservera des agents dont la compétence lui sera devenue inutile et qui seront en sureffectifs dans la fonction publique de l'État.

À l'heure de la simplification et des économies à tous les étages, admettez que ce manque d'anticipation aboutit à un gâchis matériel, financier et humain- et je passe sur les complications induites !

Bien que les délais soient très courts, pouvez-vous encore harmoniser la position des directeurs départementaux des territoires en leur demandant de se mettre en conformité avec les instructions ministérielles transmises, le 3 septembre 2014, quant à la mise à disposition de l'application ADS 2007 ?

Surtout, pouvez-vous nous éclairer sur le devenir des fonctionnaires des DDT en sureffectifs qui ne rejoindraient pas volontairement une collectivité territoriale ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur Danesi, retenue par d'autres engagements, Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité m'a chargée de vous présenter ses excuses et de vous transmettre les éléments de réponse suivants.

L'instruction des actes d'urbanisme est une compétence des collectivités territoriales. Si des services de l'État étaient jusqu'à présent mis à disposition de certaines collectivités pour les aider dans cette tâche, le maire, ou le représentant de l'intercommunalité, demeurait le signataire de l'acte. Nous ne sommes donc pas face à l'abandon d'une compétence de l'État.

C'est l'échéance de la généralisation des intercommunalités qui a légitimement conduit l'État à interroger, de nouveau, le bien-fondé d'un maintien à l'identique des prestations qu'il assurait, sous certaines conditions et dans un cadre conventionnel, pour les collectivités.

La mise à disposition des services de l'État pour l'instruction des actes d'urbanisme sera ainsi réservée, à compter du 1er juillet 2015, aux seules communes compétentes appartenant à des établissements publics de coopération intercommunale de moins de 10 000 habitants, ou, si c'est l'EPCI qui a la compétence en matière d'urbanisme, aux seuls EPCI de moins de 10 000 habitants.

En effet, l'État souhaite concentrer son aide et son expertise en faveur des collectivités territoriales disposant de moyens financiers limités. La Haute Assemblée ne saurait qu'approuver de tels choix : il s'agit d'assurer aux petites collectivités rurales le maintien de ces services.

Des conventions de transition peuvent être conclues avec les collectivités conduites à reprendre l'instruction des actes d'urbanisme, pour les accompagner et les préparer à cette prise en charge. Au regard du contexte budgétaire actuel, la mutualisation de l'instruction des autorisations d'urbanisme au niveau intercommunal est probablement la solution la plus adaptée pour prendre en compte les préoccupations locales et l'impératif de capitaliser expérience et savoir-faire, avec un service d'instruction dédié au niveau intercommunal.

Quant à l'application ADS 2007, une interface avec les logiciels des collectivités territoriales autonomes est prévue, pour permettre la reprise des données issues de l'instruction pour la liquidation des taxes d'urbanisme.

Pour les personnels des services de l'État, la réforme tient compte des évolutions par son volet« ressources humaines », destiné, notamment, à assurer le redéploiement des agents.

S'agissant en particulier du recrutement des agents de l'État par les collectivités territoriales, lorsque l'agent et la collectivité le souhaitent, un tel recrutement par la collectivité doit être favorisé à l'occasion de la prise en charge de l'instruction des autorisations d'urbanisme.

Afin de faciliter ce recrutement, deux mesures spécifiques sont en vigueur.

Premièrement, pour les collectivités qui recrutent par la voie du détachement des agents de l'État de catégories B ou C issus de la filière ADS, un dispositif a été créé permettant de compenser, pendant deux années, le surcoût engendré par l'écart de taux de cotisation pour pension entre la fonction publique de l'État et la fonction publique territoriale.

Deuxièmement, un complément indemnitaire d'accompagnement a été mis en place à destination des agents, afin de garantir un maintien de leur niveau de rémunération, à l'occasion de leur recrutement par une collectivité territoriale ou d'une mobilité vers un autre ministère.

Pour votre information, d'après le projet de service réalisé par la DDT du Haut-Rhin et daté du 6 mai 2015, conformément à l'instruction du 3 septembre 2014, six des quarante agents instructeurs de la filière ADS rejoignent une collectivité territoriale.

Tels sont les éléments que Mme Pinel tenait à porter à votre connaissance, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. René Danesi.

M. René Danesi. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions très intéressantes et des informations que vous me communiquez, au sujet de l'application ADS 2007 comme des conditions de transfert volontaire des personnels de l'État vers les collectivités territoriales.

Cela étant, permettez-moi une remarque générale. Ce transfert met une fois de plus en lumière un problème qui me paraît essentiel : l'État prendra-t-il un jour son courage à deux mains pour se donner les moyens juridiques d'inciter fortement, voire, tout simplement, de transférer d'office ses fonctionnaires vers les collectivités territoriales, dès lors que les compétences ou les missions qu'ils exercent sont reprises par les collectivités ?

À mon sens, cela vaudrait mieux, pour l'État, que de conserver ces personnels à son service, au prix de sureffectifs plus ou moins marqués.

J'ajoute enfin que ces fonctionnaires sont parfois tentés de justifier leur existence et leur présence en compliquant le travail des fonctionnaires territoriaux et celui des élus locaux par des contrôles tatillons !

Mme Anne-Catherine Loisier. Très bien !

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