Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRC) publiée le 23/04/2015

Mme Laurence Cohen interroge M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur l'avenir des trains d'équilibre du territoire (TET) dits « intercités ».

Ces trains transportent quotidiennement environ 100 000 voyageurs, partout en France. Quelque 335 villes sont desservies, assurant des liaisons essentielles aux déplacements des Français. La vocation de ces trains est de relier entre elles les grandes villes de notre pays, à une vitesse se situant entre le train à grande vitesse (TGV) et le train express régional (TER).

Pourtant, d'après les informations parues dans la presse provenant de documents internes à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), la suppression de plusieurs de ces lignes et l'abandon de plusieurs arrêts en gares seraient envisagés. Plus de la moitié des 300 lignes serait concernée : les liaisons Reims-Dijon, Caen-Le Mans-Tours, ou encore la ligne Bordeaux-Clermont-Ferrand-Tours seraient supprimées. D'autres lignes verraient leur nombre d'allers/retours très fortement réduits, telles que Paris-Rouen-Le Havre, Paris-Limoges-Toulouse, Bordeaux-Marseille-Nice. Des trains de nuit seraient également supprimés.

Or, ces lignes sont essentielles pour nombre d'habitants, notamment pour des trajets domicile-travail. Elles participent à une certaine égalité territoriale et au droit à la mobilité. Les supprimer, c'est abandonner ces populations. Les régions se sont, elles, particulièrement investies sur ces questions, avec les TER, et ont déployé de gros efforts financiers pour toujours mieux desservir leurs populations. À l'heure où le Gouvernement multiplie les discours sur sa volonté de réduire les inégalités territoriales, où les résultats des élections départementales ont révélé, notamment, un sentiment profond d'abandon des habitants des zones rurales, il serait incompréhensible de laisser ce projet se réaliser. En effet, si ces intentions étaient confirmées, on assisterait à la formation de véritables déserts ferroviaires : le quart nord-est de la France ou la Creuse ne seraient, notamment, alors plus desservis par des transports nationaux.

À ceci s'ajouteraient des fermetures de gares, de boutiques SNCF, des suppressions massives d'emplois. Les conclusions des travaux de la commission sur l'avenir de ces TET, présidée par le député Philippe Duron, doivent être connues d'ici à quelques semaines.

Elle souhaite, d'ores et déjà, interroger le Gouvernement sur cette volonté de la SNCF et savoir comment celui-ci entend continuer à réaffirmer le rôle de l'État, en tant qu'autorité politique responsable de ces trains depuis 2011. Un renouvellement du matériel roulant a, d'ailleurs, été engagé par le Gouvernement à la fin de 2013, mais, seule une première tranche a été confirmée. L'avenir de ces TET passe également par une modernisation du matériel et par un investissement de la part de l'État. Elle s'inquiète, par ailleurs, de ces suppressions, notamment au regard des dispositions présentes dans le projet de loi n° 300 (Sénat 2014-2015) pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Elle lui demande enfin comment le Gouvernement entend renforcer le service public ferroviaire et l'ensemble des lignes concernées, alors qu'il entend, parallèlement, libéraliser les transports, par la création de dessertes par cars privés. Le risque est, en effet, fort de sacrifier le rail au profit de la route, ce qui constitue, selon elle, un contresens écologique. Elle réaffirme le besoin d'un grand service public ferroviaire répondant aux besoins des territoires et des populations.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 10/06/2015

Réponse apportée en séance publique le 09/06/2015

Mme Laurence Cohen. Ma question porte sur l'avenir des trains d'équilibre du territoire, les TET, dits« intercités » à la suite du rapport remis, il y a quelques jours, par le député Philippe Duron. Si certains jugent que les recommandations figurant dans ce rapport sont moins dramatiques que ce qui avait circulé dans la presse, je pense pour ma part que le fond du problème reste entier et qu'on prend la difficulté à l'envers - si vous me permettez l'expression.

Les trente-quatre lignes de trains intercités transportent quotidiennement environ 100 000 voyageurs, partout en France, et desservent 335 villes, assurant des liaisons essentielles aux déplacements des Françaises et des Français. Leur vocation est de relier entre elles les grandes villes de notre pays, à une vitesse se situant entre le TGV et le train express régional, le TER.

Le rapport fait le constat, que nous partageons, de vieillissement du réseau et du matériel roulant, de durées de parcours parfois très longues en ces temps modernes et, en conséquence, d'une offre au final peu attractive. Autant de défauts qui font que ces lignes sont aujourd'hui qualifiées de« parents pauvres » de la SNCF.

Face à ce manque d'investissements, qui perdure depuis des années, la réponse apportée est la suppression de ces lignes jugées non rentables et des trains de nuit... Toujours la même logique : on laisse les choses se dégrader pour les juger uniquement sous l'angle de la compétitivité au lieu de prendre en compte le principe d'accessibilité et le droit à la mobilité pour toutes et tous, autant de préceptes qui devraient prévaloir quand on parle de service public !

Ces lignes dans le collimateur - j'en cite quelques-unes : Quimper-Nantes, Bordeaux-Toulouse, Marseille-Nice - sont pourtant essentielles pour nombre d'habitantes et d'habitants, notamment pour des trajets domicile-travail. Elles participent du désenclavement territorial. Les supprimer, c'est abandonner les populations qui en ont besoin.

Si le Gouvernement choisissait de suivre les préconisations du rapport Duron, on assisterait à des déserts ferroviaires. À cela s'ajouteraient des fermetures de gares, de boutiques SNCF, des suppressions d'emplois. Sans vouloir être alarmiste, même si ce sont uniquement cinq tronçons et des trains de nuit qui sont concernés dans ce rapport, on sait qu'une fois la tendance engagée dans cette direction, d'autres suppressions seront certainement programmées à l'avenir.

Mon inquiétude est, hélas ! confortée et renforcée par des dispositions présentes dans le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dit « projet de loi Macron ». C'est pourquoi je souhaiterais savoir comment le Gouvernement entend renforcer le service public ferroviaire alors qu'il souhaite parallèlement libéraliser les transports par la création de dessertes par cars privés. Nous sommes là face à une véritable contradiction. Le risque est fort de sacrifier le rail au profit de la route. Mettre des carslow cost sur la route plutôt que de moderniser les trains me paraît être une aberration écologique, notamment quelques mois avant la COP 21.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais vous entendre sur la nécessité pour la France d'avoir un grand service public ferroviaire renforcé et modernisé répondant aux besoins des territoires et des populations.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, vous appelez mon attention sur l'avenir des trains d'équilibre du territoire. Ces trains constituent un élément essentiel de la politique de l'État en matière de transport et d'aménagement du territoire. Trop longtemps délaissés par nos prédécesseurs, le Gouvernement souhaite leur redonner des perspectives, car ils répondent à un service qui est essentiel.

Or le constat que nous faisons aujourd'hui est que ces trains n'atteignent pas l'ensemble de leurs objectifs pour plusieurs raisons : la grande hétérogénéité des dessertes prive l'offre de TET d'une véritable cohérence et ne garantit pas au voyageur la meilleure qualité de service ; la forte imbrication existant entre certains services de TET et des dessertes de TER constitue également une source d'inefficacité ; le modèle économique des TET est aujourd'hui fortement fragilisé par la baisse de fréquentation que connaissent certaines lignes du fait de l'essor de nouveaux modes de mobilité.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai confié en novembre dernier à une commission composée de parlementaires, d'élus régionaux et de personnalités qualifiées et présidée par Philippe Duron le soin de mener une réflexion d'ensemble sur les TET. J'ai demandé à cette commission de réinterroger le modèle actuel des TET et de réfléchir à des améliorations aux dispositions existantes pour moderniser le service et mieux l'adapter aux besoins des Français.

Le rapport de la commission Duron m'a été remis le 26 mai dernier, et j'ai souhaité que le débat sur ses conclusions ait lieu en toute transparence avant toute décision du Gouvernement. Les propositions de ce rapport, qui, je le rappelle, n'engagent pas le Gouvernement, ont donc été présentées aux commissions compétentes du Parlement- le 28 mai dernier pour ce qui concerne la commission du développement durable du Sénat. Un débat sur ce sujet aura également lieu cet après-midi, dans cet hémicycle, à la demande de votre groupe parlementaire. Je souhaite en outre que, avant toute décision relative à l'évolution de l'offre, une concertation avec les acteurs locaux soit menée.

Le Gouvernement présentera à la fin du mois de juin une feuille de route, en plusieurs étapes, comprenant notamment une concertation que j'estime incontournable avec les régions sur la clarification entre les TET et les TER. Je m'attacherai à ce que cette feuille de route prenne en compte les objectifs de financement des TET, de maintien du droit à la mobilité et d'aménagement du territoire.

Faire évoluer l'offre des TET permettra de redonner de l'attractivité à ces trains afin de moderniser et de pérenniser cette offre indispensable à de nombreux territoires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d'État, vous m'avez répondu qu'une concertation était en cours et que, pour l'instant, le Gouvernement n'avait pas encore pris de décision. C'est effectivement sage. Je me réjouis que nous puissions pousser plus loin la discussion cet après-midi puisque, à la demande du groupe CRC, aura lieu un débat sur l'avenir des trains intercités. À cette occasion, ma collègue Évelyne Didier défendra notre position.

Les élus communistes, il y a un peu plus d'un mois, ont tenu une conférence de presse sur les menaces pesant sur les TET. Nous sommes en effet très inquiets. Certes, nous avons besoin de modernisation, mais celle-ci ne se fera pas en supprimant des lignes correspondant aux besoins de la population.

Par ailleurs, le Gouvernement ne peut ignorer l'écologie, qui est à l'heure actuelle un élément clé. Je suis notamment inquiète des mesures votées lors de l'examen du projet de loi Macron, qui prévoient de remplacer le transport par rail par des lignes d'autocar. À mes yeux, ce n'est pas la meilleure solution pour l'avenir de la planète. On ne peut organiser la COP 21 et voter des mesures allant à l'encontre de ce que l'on défend !

J'ai cru comprendre aujourd'hui, mais je suis d'un naturel optimiste, que les décisions n'en étaient pas à un stade si avancé et que vous prendrez le temps de la discussion. Nous nous inscrirons dans ce temps du débat et de la concertation.

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