Question de Mme BENBASSA Esther (Val-de-Marne - ECOLO) publiée le 19/06/2015

Question posée en séance publique le 18/06/2015

Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Depuis la semaine dernière, j'accompagne avec mes collègues écologistes les expulsés de la rue Pajol. On n'y a pas vu beaucoup d'élus, mais des centaines de gendarmes mobiles. Curieux, n'est-ce pas ? Surtout face à ces êtres démunis, au regard vide, épuisés à force de dormir dehors. Ils ne parlent pas, on les dirait atteints d'un mutisme dénotant la souffrance. Par pudeur, je n'en dirai pas plus.

Des voisins, des jeunes gens et des moins jeunes apportent qui une couverture, qui un peu à manger ou à boire. Une modeste association de bienfaisance leur sert un plat chaud avec un peu de pain.

Monsieur le ministre, vous avez certes annoncé hier la création de quelques milliers de places pour les demandeurs d'asile entre la fin de l'année et la fin de 2016 et 5 000 places de plus d'ici à 2017 pour ceux qui ont déjà obtenu le statut de réfugié. Si nous saluons vos promesses d'hébergement, une question demeure : l'« humanité » affichée prévaudra-t-elle sur une « fermeté » parfois brutale ?

En 2014, notre pays a octroyé l'asile à 17 % des demandeurs, alors que, d'une manière générale, dans l'Union européenne, ce taux s'élève à 45 % !

Avant l'ouverture de vos hypothétiques grands chantiers, que ferez-vous dans l'immédiat des expulsés des campements que vous qualifiez d'illicites, des demandeurs d'asile sans logement ou en centre de rétention ? Ils ne vont quand même pas dormir dans la rue ou rester dans ces centres jusqu'à la fin de 2015 ! Des places d'hébergement doivent être ouvertes en urgence et accessibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Quid des mesures privatives de liberté à la frontière pour les mineurs isolés demandeurs d'asile auxquelles le candidat Hollande avait promis de mettre fin ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Des actes, monsieur le ministre, nous voulons des actes, et pas des mots ni des promesses non tenues ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 19/06/2015

Réponse apportée en séance publique le 18/06/2015

M. Bernard Cazeneuve,ministre de l'intérieur. Madame Benbassa, je vous remercie pour votre question.

Vous aurez constaté avec moi que ceux qui commentent ces situations compliquées sur les plateaux de télévision ne sont pas au banc du Gouvernement en train d'agir pour trouver des solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve,ministre.D'une manière générale, ceux qui sont sur les plateaux de télévision, je ne les ai pas beaucoup vus auprès des migrants faisant acte de solidarité.

Mme Éliane Assassi. Si !

M. Bernard Cazeneuve,ministre.Je conviens que ce n'est pas votre cas, madame Benbassa. On ne peut pas en effet être à la fois discrètement auprès des migrants avec les qualités du cœur et dans un exercice narcissique de pur commentaire à la télévision. Je tenais à préciser les choses, car j'ai vu un cynisme total et assez peu d'humanité.

Vendredi, lorsque nous avons décidé avec des membres de l'OFII, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, de mettre à la disposition des migrants qui ont été évacués du camp de La Chapelle des solutions d'hébergement, il n'y avait pas un policier. Les migrants sont montés dans le bus tout à fait librement, car ils savaient que nous avions prévu des dispositifs d'urgence. Qui les en a fait descendre ? Ce sont des groupuscules, ces mêmes acteurs que l'on retrouve sur les plateaux de télévision, qui avec le plus pur cynisme ont conduit ces migrants dans une caserne qui menace de tomber en ruines.

Madame Benbassa, nous n'avons pas proposé hier quelques milliers de places d'hébergement, mais 11 000 places, qui permettront de créer 4 200 places d'hébergement en plus des 8 000 que nous avons déjà créées en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Nous voulons conduire une politique de l'asile qui permette à ceux qui ont le statut de réfugié d'être accueillis dignement.

Nous ouvrons aussi 1 500 places de plus en hébergement d'urgence afin qu'il n'y ait plus une personne vulnérable qui dorme dans la rue. La création de ces places d'hébergement supplémentaires nécessitera, non pas des commentaires, mais un travail qui sera difficile.

Enfin, nous offrons 5 000 places pour ceux qui dorment dans la rue, qui sont dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile ou les centres d'hébergement d'urgence et qui ont depuis longtemps le statut de réfugié, car ils ont le droit d'entrer dans un parcours d'insertion.

M. le président. Il faut conclure !

M. Bernard Cazeneuve,ministre.Vous appelez cela des mesurettes. Or c'est un travail extrêmement difficile que nous faisons avec un certain nombre d'associations et la ville de Paris, et que nous continuerons à faire.

J'aimerais sur ce sujet un peu moins de commentaires, de posture et de cynisme et plus de sobriété et de dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)

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