Question de Mme KHIARI Bariza (Paris - Socialiste et républicain) publiée le 17/07/2015

Question posée en séance publique le 16/07/2015

Mme Bariza Khiari. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Monsieur le ministre, depuis presque douze ans, la crise du nucléaire iranien remet en cause le traité de non-prolifération nucléaire, élément essentiel de l'ordre international et de notre sécurité collective.

En dix ans, les sanctions n'ont permis ni d'enrayer le programme nucléaire ni de fragiliser le régime. En revanche, elles ont pesé lourd dans le quotidien de près de 80 millions d'Iraniens.

L'accord signé à Vienne éloigne la menace de la prolifération, et vous avez œuvré pour cela.

Je dois avouer, monsieur le ministre, que j'avais du mal à comprendre votre intransigeance lors des négociations de Genève, mais, mea culpa, force est de constater que cette inflexibilité a été constructive, puisque vous êtes finalement parvenu à un accord solide.

L'option militaire contre l'Iran avait été envisagée voilà quelques années, et c'est finalement la voie diplomatique qui a prévalu. Ce succès ne consacre pas un camp contre un autre, mais garantit la non-prolifération, qui est un bien commun de l'humanité. Je salue, monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste et républicain, cette magnifique victoire diplomatique.

Vous n'avez jamais dévié de votre ligne puisque les points centraux de cet accord, très technique, portent essentiellement sur la transparence et les vérifications, y compris sur les sites militaires, la limitation durable d'enrichissement d'uranium et de production de plutonium, le maintien de l'embargo sur les armes conventionnelles et les missiles balistiques, la levée progressive des sanctions, ainsi que le rétablissement automatique des celles-ci en cas de non-respect de l'accord par l'Iran.

Bien sûr, se sont élevées des voix dissonantes : le parti républicain américain, la droite dure de Benyamin Netanyahou, l'aile ultraconservatrice des mollahs et quelques autres, bref, une « internationale des faucons » qui avait intérêt à maintenir l'état de crise.

En Iran, la perspective de renouer des échanges économiques et commerciaux avec le monde s'est exprimée dans la joie.

Monsieur le ministre, les conditions sont maintenant réunies pour répondre à l'invitation de votre homologue iranien. Comment peuvent évoluer nos relations bilatérales ? Par ailleurs, quelles pourraient être les retombées de cet accord sur les équilibres régionaux et sur le cours des conflits qui ravagent le Moyen-Orient ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe CRC.)

- page 7776


Réponse du Ministère des affaires étrangères et du développement international publiée le 17/07/2015

Réponse apportée en séance publique le 16/07/2015

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la sénatrice, un mot sur cet accord et un mot sur le futur.

Vous avez parlé d'intransigeance ; je n'aurais pas choisi ce terme. Avec le Président de la République, nous avons défini quelle devait être l'attitude de la France : nous avons parlé de fermeté constructive. Pourquoi ? Parce qu'il s'agissait de savoir si oui ou non, l'Iran, qui a parfaitement le droit de disposer du nucléaire civil, pouvait ou non se doter de la bombe atomique. Nous avons répondu « non ».

C'est une affaire extrêmement sérieuse, technique, précise. Il fallait donc que, sur les points en discussion - vous en avez cité quelques-uns -, nous soyons fermes, qu'il s'agisse de la limitation à la fois du stock d'uranium et du niveau d'enrichissement - nous sommes passés de plusieurs tonnes d'uranium à 300 kilogrammes et leur taux maximum d'enrichissement est passé de 20 % à 3,67 % - ou du nombre de centrifugeuses, dont le nombre est passé de 20 000 à 5 060.

Il fallait faire en sorte également que le réacteur d'Arak ne puisse plus dégager de plutonium de quantité et de qualité militaires. C'était une condition - parmi d'autres - que posait la France, et elle a été satisfaite.

Telle était la raison de notre fermeté constructive. Mais il en existait une autre : si l'accord avait été signé - on pouvait tous signer - mais qu'il n'avait pas été robuste, quelle aurait été la réaction des pays voisins ? Je pense à l'Arabie Saoudite, je pense à l'Égypte, je pense à la Turquie ou à d'autres pays. Ils nous auraient dit ceci : « Vous avez signé, mais nous ne croyons pas à l'efficacité de votre signature, et nous-mêmes, nous allons nous doter de l'arme nucléaire. » À ce moment-là, le Moyen-Orient, qui est déjà éruptif, serait devenu entièrement nucléarisé. C'est la raison pour laquelle la fermeté constructive de la France, avec d'autres, a permis cet accord.

S'agissant du futur, pour ce qui est des relations entre l'Iran et la France, nous espérons qu'elles ne vont pas cesser de s'améliorer. Je me rendrai moi-même bientôt dans ce pays pour examiner l'ensemble de nos relations. Cependant, gardons-nous de tout pronostic, car, comme le disent certains, l'Histoire n'en sait jamais rien.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Nous verrons et jugerons la politique extérieure de l'Iran sur pièces. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC. - Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)

- page 7776

Page mise à jour le