Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - Communiste républicain et citoyen) publiée le 10/09/2015

Mme Laurence Cohen attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le numerus clausus en première année commune aux études de santé (PACES). En effet, par rapport à la création du numerus clausus en 1971, ce sont 2 000 étudiants de moins qui sont admis, chaque année, actuellement. Ceci expliquerait en partie le fait que, depuis 2005, la France ait perdu 3 500 généralistes. Pourtant, à mesure des progrès médicaux et de l'apparition de nouvelles questions de santé, notamment liées à la question du vieillissement ou à la manifestation de problèmes de santé publique comme le SIDA, les besoins en matière de santé n'ont cessé d'augmenter. D'autant plus que la population française a augmenté de quinze millions d'habitants dans la même période. Pourtant, ni le pacte territoire-santé, ni le projet de loi n° 406 (Sénat 2014-2015) relatif à la santé n'entrevoient une possible réforme de ce système. Elle l'interroge donc, afin de savoir si elle compte réformer le numerus clausus, en axant son mode de fonctionnement sur un niveau d'exigence, en lien avec les enjeux et les besoins de santé, plutôt que sur un plafond, comme c'est le cas actuellement.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 02/12/2015

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2015

Mme Laurence Cohen. Par un hasard du calendrier, le Gouvernement vient d'annoncer une hausse de 6,4 % du numerus clausus pour les études médicales, avec une augmentation du nombre d'admis dans dix régions. Si cela va évidemment dans la bonne direction, cette hausse paraît encore trop éloignée des réalités et des besoins de la population en matière de santé.

Je rappelle que, depuis 2005, la France a perdu 3 500 généralistes. Au-delà, je regrette que l'Île-de-France ne soit pas comprise dans cette liste de dix régions, alors même qu'un département comme le Val-de-Marne a perdu 20 % de ses généralistes depuis 2007.

Comme je l'ai déjà souligné dans cet hémicycle, le 19 février dernier, il semble nécessaire de mettre en œuvre une réforme structurelle du mode de calcul du numerus clausus. Lors de la rentrée 2015, près de 56 000 étudiants se sont inscrits en première année commune aux études de santé, afin d'accéder à l'un des métiers du secteur de la santé. Du fait du numerus clausus, qui dicte le taux de réussite dans ces filières, seulement 13 % d'entre eux seront admis en deuxième année de médecine.

De 9 000 étudiants reçus en deuxième année de médecine en 1971, date d'instauration de ce système de sélection, nous sommes passés à un peu plus de 7 000 aujourd'hui.

Pourtant, à mesure que la médecine progresse et que de nouvelles problématiques de santé apparaissent, liées notamment au vieillissement de la population ou à l'apparition de problèmes de santé publique comme l'épidémie du virus de l'immunodéficience humaine, le VIH, les besoins ne cessent d'augmenter, d'autant que la population française est passée de 51 millions à 65 millions de personnes durant la même période.

Cette baisse du nombre de médecins et de professionnels paramédicaux est lourde de conséquences pour une partie de la population, puisque les déserts médicaux ne cessent de s'étendre, en territoires tant ruraux qu'urbains. Par exemple, dans certaines villes du Val-de-Marne, le ratio est de un médecin pour 3 600 habitants, la moyenne de la France métropolitaine étant d'un médecin pour 300 habitants.

L'obsolescence du numerus clausus a été soulignée en 2013 par un rapport de l'Inspection générale des finances, qui précise que 56 % des nouveaux masseurs-kinésithérapeutes ont suivi leurs études à l'étranger, principalement en Belgique ou en Espagne, de même que 29 % des nouveaux chirurgiens-dentistes s'inscrivant à l'ordre professionnel. La conclusion que l'on peut tirer de ces statistiques, c'est que les quotas sont contournés de fait.

Le Gouvernement compte-t-il réformer la première année des études de santé en définissant le nombre d'étudiants admis en fonction des enjeux et des besoins de santé plutôt que d'un plafond fixé a priori, comme c'est le cas actuellement, tout en maintenant le niveau d'exigence nécessaire ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser M. Thierry Mandon, retenu par la réunion du Conseil européen des ministres de la recherche.

Vous affirmez la nécessité de réformer le système du numerus clausus applicable à la fin de la première année commune aux études de santé afin de répondre aux enjeux et besoins de santé publique, notamment à la difficulté posée par les zones médicales sous-denses.

La détermination du numerus clausus intervient chaque année dans le cadre d'une concertation entre les ministères chargés de la santé et de l'enseignement supérieur. Il est ensuite arrêté, conformément à l'article L. 631-1 du code de l'éducation, en fonction « des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques et des capacités de formation des établissements concernés ». En 1971, il correspondait seulement aux capacités d'accueil hospitalières.

Si la régulation démographique des professionnels de santé s'exerce essentiellement via la détermination du nombre d'étudiants à former, leur exercice en fin d'études est au contraire fondé sur le principe de la libre installation, ce qui garantit la qualité de l'exercice de la profession.

Pour remédier au problème des déserts médicaux, le Gouvernement a mis en place des mesures d'incitation à l'installation de médecins généralistes dans des zones sous-denses dans le cadre du pacte territoire-santé. En outre, des contrats d'engagement de service public sont proposés aux internes afin de les inciter à s'installer dans ces mêmes zones.

Soucieux d'améliorer le système de formation des étudiants et de répondre aux besoins de santé publique, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche attend de connaître les préconisations de la grande conférence de la santé. Mise en place par le Premier ministre, elle travaille actuellement sur la définition de nouvelles modalités d'accès des étudiants aux filières de santé, et donc sur le numerus clausus. Au regard des recommandations présentées, le ministère pourra adopter, le cas échéant, de nouvelles règles dans ce domaine.

Je vous informe que le pacte territoire-santé prévoit comme première mesure une augmentation significative du numerus clausus, avec une hausse immédiate de 6,4 % ciblée sur dix régions manquant de médecins.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Je vous remercie de ces éléments d'information, madame la secrétaire d'État, qui cependant ne répondent pas réellement à ma question.

Il existe des inégalités sanitaires flagrantes entre territoires, comme en témoigne l'existence de déserts médicaux extrêmement étendus. Or les mesures prises ne répondent pas à ce problème. Il manque des médecins, généralistes et spécialistes, ainsi que des professionnels paramédicaux ; étant moi-même orthophoniste, je constate que les listes d'attente de patients sont de plus en plus longues... Il convient donc de former davantage de personnels de santé.

Par ailleurs, vous avez indiqué tout à l'heure à mon collègue Michel Billout que les hôpitaux de Nemours, de Montereau et de Fontainebleau étaient confrontés à d'importantes difficultés de recrutement, d'où la décision de les fusionner. S'il existe des difficultés pour recruter, il faut former davantage de personnels médicaux.

Enfin, on a besoin de davantage de personnels pour répondre non seulement aux besoins en médecine de ville, mais aussi aux demandes des centres de santé.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d'appuyer très fortement la révision en profondeur du numerus clausus.

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