Question de M. LAURENT Pierre (Paris - Communiste républicain et citoyen) publiée le 16/10/2015

Question posée en séance publique le 15/10/2015

M. Pierre Laurent. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis l'annonce du plan prévoyant la suppression de 2 900 emplois chez Air France, vous prétendez n'avoir qu'un seul cap : le dialogue social.

Mais ce dialogue, où est-il ? Comment pouvez-vous cautionner l'arrestation de salariés chez eux, au petit matin, devant leur famille, en l'absence de tout risque qu'ils se soustraient à la justice ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Vous voulez peut-être les décorer ?

M. Pierre Laurent. L'argument invoqué par le parquet de Bobigny de l'existence d'un risque de concertation entre les intéressés n'est d'ailleurs pas davantage recevable, s'agissant de poursuites que l'on prétend mener sur la base d'images télévisuelles.

M. Roger Karoutchi. C'est incroyable !

M. Pierre Laurent. Pourquoi avoir vous-même condamné par avance ces salariés en appelant à des sanctions pénales, sans que soit établie leur culpabilité ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Êtes-vous prêt aujourd'hui, pour apaiser la tension, à appeler à la levée de poursuites disproportionnées, au risque, sinon, de transformer le procès du 2 décembre et la menace de prison qui plane sur la tête de ces salariés en un outrage ressenti par des milliers de syndicalistes et de salariés inquiets pour leur emploi, comme a pu le constater le Président de la République à Saint-Nazaire ?

Pour rouvrir la discussion en mettant toutes les options sur la table, êtes-vous favorable à la proposition de l'intersyndicale d'organiser une table ronde tripartite réunissant la direction, les syndicats et l'État ?

Que pense, par exemple, l'État actionnaire du triplement du ratio d'endettement de la compagnie entre 2011 et 2013, consécutif au rachat de KLM ? Quels revenus financiers les banques créancières d'Air France – BNP Paribas et la Société générale notamment – ont-elles tiré de cette flambée de la dette ?

Estimez-vous normal de continuer à verser, en 2015 et en 2016, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi à Air France, alors que 2 900 suppressions d'emplois sont programmées et que la compagnie a déjà touché 109 millions d'euros au titre du CICE pour 2013 et 2014 ?

Enfin, pouvez-vous nous expliquer pourquoi votre gouvernement a levé récemment le moratoire qui bloquait la cession de lignes aériennes long courrier aux compagnies du Golfe, qui s'apprêtent à racheter une partie des cinq lignes long courrier dont le plan d'Air France prévoit la fermeture ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Aline Archimbaud applaudissent également.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 16/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 15/10/2015

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, les violences qui ont eu lieu à Air France sont inacceptables. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous sommes là loin du dialogue social, et absolument rien ne peut justifier ces agressions. Les victimes ont déposé plainte et des interpellations ont eu lieu. La justice - vous le rappelez vous-même en d'autres occasions - est indépendante.

M. Alain Fouché. Et voilà !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Elle fait son travail, que le Gouvernement n'a pas à commenter, dans ce cas comme dans tous les autres.

M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous sommes cohérents, monsieur Pierre Laurent, et nous ne changeons pas d'avis sur la justice au gré des dossiers et des affaires. Vous le savez bien, monsieur le sénateur, ce n'est pas le Gouvernement qui ordonne les interpellations et détermine leurs horaires : pas de faux débat !

Il ne peut y avoir d'impunité - cela, c'est mon droit de le dire ! - pour des actes qui méritent une sanction judiciaire et des sanctions à l'échelon de l'entreprise. Le droit doit s'appliquer.

Il faut également songer aux effets produits par ces images dans le monde entier. J'ai rencontré les hommes qui ont subi ces outrages, cette humiliation : deux cadres de l'entreprise, mais aussi d'autres salariés, notamment des vigiles, pour qui vous n'avez pas eu un seul mot. Je le répète, il ne peut pas y avoir d'impunité pour de tels actes !

Je comprends parfaitement le désarroi de certains salariés, car la situation de l'entreprise Air France est bien sûr inquiétante. Ce n'est pas nouveau, et il ne faut pas se le cacher. Mais ce n'est certainement pas avec des actes violents que la situation pourra s'améliorer. C'est, au contraire, par le dialogue, la négociation - parfois difficile - que l'on peut avancer, jamais par la violence.

C'est un message de fermeté que je souhaite renouveler aujourd'hui devant vous, ainsi qu'un appel impérieux à la poursuite du dialogue et à la responsabilité. Des efforts ont été faits ; d'autres doivent encore l'être, en premier lieu par les pilotes, par qui le blocage est arrivé.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Alain Vidalies a rappelé quelle est la situation de la compagnie. Les discussions ont repris la semaine dernière. L'entreprise et les organisations syndicales doivent prendre ensemble des initiatives appropriées : c'est une condition nécessaire pour renouveler la négociation, pour préparer un avenir autre que la réduction des ambitions ou la mort d'Air France. Rappelons que des compagnies nationales ont déjà disparu dans d'autres pays.

C'est au sein de l'entreprise et de ses instances - j'ai rencontré les trois secrétaires des comités représentatifs dans lesquels siègent les représentants des salariés - que ce dialogue doit avoir lieu, dans un esprit de responsabilité. La mise en œuvre du plan de repli prévoyant la suppression de 2 900 postes n'est pas une fatalité. Nous avons déjà eu l'occasion de le dire, il n'y a pas de changement de la part du Gouvernement. C'est parce qu'il n'y a pas eu d'accord des pilotes sur les premières propositions que ce plan de repli a été élaboré. Si toutes les parties reviennent autour de la table, on peut éviter sa mise en œuvre. Tout doit être fait pour cela. Chacun doit assumer ses responsabilités et regarder avec lucidité la situation d'Air France.

Oui, monsieur le sénateur, le dialogue doit se poursuivre, car nous avons besoin d'une grande compagnie aérienne portant fièrement le pavillon français ! Le dialogue social, c'est ne jamais refuser de serrer la main de l'autre, ne jamais refuser de se parler pour avancer ensemble. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) La société, plus que jamais, a besoin de dialogue et d'esprit de responsabilité.

MM. Christian Cambon et Roger Karoutchi. Excellent !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Pierre Laurent, ceux qui aujourd'hui refusent le dialogue social sont en train de préparer la voie à ceux qui ne veulent plus de dialogue social, qui ne veulent plus de syndicats !

M. Jean-Pierre Bosino. En fait de dialogue, c'est plutôt un monologue !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Notre responsabilité à tous, monsieur Laurent, est de dialoguer pour avancer ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.

M. Pierre Laurent. Monsieur le Premier ministre, dans le peu de temps qui m'est imparti, je veux juste vous dire que vous pouvez compter sur nous pour que la mise en œuvre du plan de suppression de 2 900 emplois ne soit pas une fatalité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Catherine Tasca. Très bien !

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