Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 21/10/2015

Question posée en séance publique le 20/10/2015

M. Jacques Mézard. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame le garde des sceaux, l'immense majorité des barreaux sont, aujourd'hui, en grève. Les avocats de ce pays plaident non seulement pour eux, mais aussi pour les justiciables, notamment pour ceux d'entre eux qui ont le plus de difficultés.

Ma question est simple : quelle réponse entendez-vous apporter à la position adoptée par la quasi-totalité des barreaux et par le Conseil national des barreaux ? Comptez-vous maintenir les dispositions concernant l'aide juridictionnelle que vous avez cru devoir insérer dans le prochain projet de loi de finances ou allez-vous les modifier ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier. Bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Mézard, je présume que vous avez conservé du temps de parole pour la réplique, car vous n'avez pas donné suffisamment de précisions pour éclairer ceux de vos collègues qui ne seraient pas au fait de ces questions, s'il en existe… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je rappelle que, depuis une quinzaine d'années, des rapports successifs, dont un du Sénat de 2006, soulignent que le système de l'aide juridictionnelle est à bout de souffle et qu'il va imploser.

Deux possibilités s'offraient à nous : ne rien faire – ce qui fut le cas pendant de nombreuses années – ou engager une réforme courageuse de progrès et de justice. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

L'aide juridictionnelle vise à permettre l'accès au droit et à la justice pour des justiciables disposant de revenus faibles. Alors que le plafond de ressources pour accéder à ce dispositif était inférieur au seuil de pauvreté, nous avons décidé de le relever, ce qui permettra à 100 000 personnes supplémentaires de bénéficier de l'aide juridictionnelle à 100 %.

Nous avons également décidé de relever les unités de valeur, qui n'avaient pas évolué depuis 2007. Par ailleurs, nous avons proposé que ces unités de valeur, qui servent de bases à la fixation des tarifs de toutes les prestations juridiques, soient encore augmentées pour tenir compte des particularités de certains territoires.

Nous avons engagé cette réforme avec l'ensemble de la profession : depuis trois ans, nous discutons avec ses représentants nationaux, à savoir le Conseil national des barreaux, le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers.

M. Alain Gournac. Ce sont pourtant eux qui sont en grève !

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 20/10/2015

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons pris en compte les propositions qu'ils ont formulées.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

M. François Grosdidier. Elle n'a encore rien dit !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C'est l'une de ces propositions qui a été introduite dans le projet de loi de finances que le Sénat examinera bientôt. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.

M. Jacques Mézard. Madame le garde des sceaux, vous dites avoir entériné les propositions émises par la profession, mais je constate que celle-ci est quasiment unanime - ce qui est rare - pour exprimer son désaccord avec votre réforme. (Bien sûr ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

J'ai cru comprendre que vous n'alliez pas changer de position. Je vous rappelle que notre collègue Sophie Joissains et moi-même avons commis un rapport sur l'aide juridictionnelle il y a quelques mois. Le Gouvernement n'en a tenu aucun compte : chacun est responsable de ses choix !

Madame la ministre, vous avez décidé de ponctionner plusieurs millions d'euros sur les caisses de règlement pécuniaire des avocats, c'est-à-dire de faire payer une partie du fonctionnement de l'aide juridictionnelle à la profession !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !

M. Dominique Bailly. Mais ce n'est pas leur argent !

M. Jacques Mézard. Certes, vous avez raison de relever les plafonds : il s'agit d'une mesure sociale. Vous avez également raison de relever le montant des unités de valeur.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Mézard. En revanche, maintenir votre position aura des conséquences néfastes pour les justiciables, ainsi que pour les avocats ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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