Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE-R) publiée le 08/10/2015

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le nombre préoccupant d'agressions à caractère homophobe.
Le rapport sur l'homophobie 2015 publié par l'association SOS homophobie fait état de 162 cas recensés d'agressions physiques ou sexuelles pour la seule année 2014 (8 % des témoignages reçus). Certaines de ces agressions sont d'une particulière violence, à l'instar de celle qu'ont subie au sortir d'un club gay de Marseille le 6 septembre 2015 deux jeunes gens, qui ont été insultés et roués de coups par cinq assaillants.
Comme il est intolérable d'être agressé pour ce qu'on est, il lui demande s'il ne serait pas judicieux de renforcer la pédagogie au moyen d'un plan national de lutte contre les discriminations en raison de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre, déclinable à l'échelle locale.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/10/2016

La lutte contre les infractions commises en raison du sexe, de l'orientation sexuelle de la victime constitue une priorité de politique pénale. La législation française a évolué dans le sens d'une répression accrue. La pénalisation du mobile lié à l'orientation sexuelle de la victime s'est traduite par des réformes législatives dans trois directions : en matière de discriminations, en droit de la presse et par le biais de circonstances aggravantes d'infractions prévues dans le code pénal. S'agissant des discriminations, le premier alinéa de l'article 225-1 du code pénal inclut, dans le champ des discriminations, celles commises à raison de leur orientation sexuelle et ce, depuis la loi n°  2001-1066 du 16 novembre 2001. Dans le prolongement des attributions dévolues à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) instituée par la loi n°  2004-1486 du 30 décembre 2004, la loi organique n°  2011-33 du 29 mars 2011, portant création du Défenseur des droits, a transféré à cette autorité indépendante les attributions de la HALDE en matière de lutte contre les discriminations. En vertu de l'article 4 de la loi organique, le Défenseur des droits a ainsi notamment pour mission de lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que promouvoir l'égalité. Les discriminations à raison de l'orientation sexuelle en font bien évidemment partie. S'agissant du droit de la presse, la loi n°  2004-1486 du 30 décembre 2004 a pénalisé la diffamation publique, l'injure publique et la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence commises à raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap de la victime (articles 32, alinéa 3 ; 33, alinéa 4 et 24, alinéa 9 de la loi du 29 juillet 1881). Elle a introduit en outre un article 48-4 dans la loi du 29 juillet 1881, en vertu duquel les associations régulièrement déclarées depuis plus de cinq ans à la date des faits, qui se proposent par leurs statuts, de combattre les violences et les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou d'assister les victimes de ces discriminations, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile. Parmi ces droits, figure la possibilité d'engager des poursuites pénales à l'encontre de l'auteur supposé d'une provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination, d'une diffamation ou d'une injure publique, commise au préjudice d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur orientation sexuelle. Ce dispositif pénal a été complété par le décret n°  2005-284 du 25 mars 2005, réprimant la provocation non publique à la haine ou à la discrimination (contravention de 5ème classe) et la diffamation et l'injure non publiques (contraventions de quatrième classe) lorsque ces infractions sont commises à raison de l'orientation sexuelle de la victime. Enfin, la loi n°  2014-56 du 27 janvier 2014, visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 commises en raison du sexe, de l'orientation ou de l'identité sexuelle, ou du handicap, a modifié l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 pour prévoir que ces infractions se prescriront par un an, par dérogation au délai de droit commun de trois mois. La loi n°  2003-239 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure a créé la circonstance aggravante générale de commission d'un crime ou d'un délit à raison de l'orientation sexuelle de la victime, au visa de l'article 132-77 du code pénal. La circonstance aggravante est constituée « lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits,  utilisation d'images ou d'objets ou d'actes de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime, à raison de son orientation sexuelle vraie ou supposée ». Enfin, il doit être rappelé que la loi n°  2000-516 du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, a complété l'article 2-6 du code de procédure pénale afin de permettre aux associations de lutte contre les discriminations en raison du sexe ou des mœurs de la victime d'exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité physique de la personne ou en cas de dégradations de biens, lorsque ces faits ont été précisément commis à raison du sexe ou des mœurs de la victime. Une politique pénale volontariste en matière de lutte contre l'homophobie vient assurer la mise en œuvre de ces textes. Elle s'inscrit dans le domaine plus vaste de la lutte contre l'ensemble des discriminations. La dépêche du 11 juillet 2007, relative à la lutte contre les discriminations, a invité les parquets à mettre en place au sein de chaque tribunal de grande instance un pôle anti-discriminations. En outre, la dépêche du 5 mars 2009, relative à l'extension de la compétence des pôles anti-discriminations aux infractions commises à raison de l'appartenance de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou de son orientation sexuelle a demandé aux procureurs généraux d'étendre leur compétence à tous les actes commis à raison de l'appartenance de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou de son orientation sexuelle. À compter de cette dépêche, la lutte contre les infractions pénales commises avec un mobile homophobe s'inscrit donc pleinement dans le fonctionnement des pôles anti-discriminations qui ont vocation à être les interlocuteurs, au niveau local, des associations de lutte contre l'homophobie, tant afin de mener des actions d'information du public que pour recevoir des signalements relatifs à des suspicions d'infractions à caractère homophobe. Enfin, la dépêche du 23 juillet 2013, portant sur la réponse pénale aux violences et discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre appelait l'attention des parquets généraux, en conformité avec le programme d'actions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, sur la nécessité d'améliorer la réponse judiciaire et d'apporter une réponse pénale ferme et adaptée aux violences et discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. Enfin, une action de formation pluridisciplinaire ayant pour vocation de sensibiliser les acteurs à la lutte contre les violences homophobes à l'attention des policiers, gendarmes et magistrats, a été organisée les 3 et 4 juin 2013 à l'École nationale de la magistrature, dans le cadre de laquelle les magistrats référents en matière de discriminations ont été réunis. Au cours de cette première session de regroupement des magistrats référents il a été rappelé les textes (lois et circulaires) incriminant les actes et les propos racistes, antisémites, xénophobes et homophobes et l'effet destructeur du lien social des discriminations, contraires aux valeurs de la République. La lutte contre les discriminations en raison de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre apparaît ainsi d'ores et déjà prise en compte dans le cadre de ce programme d'actions. Afin de favoriser l'évolution des pratiques et des mentalités, il convient également d'agir pour faciliter le recours juridictionnel aux plans civil et administratif. À cette fin, le projet de loi relatif à la justice du XXIème siècle, en cours de discussion au Parlement, ouvre l'action de groupe en matière de lutte contre les discriminations dans le monde du travail comme dans les autres secteurs de la société. Cette nouvelle forme de recours collectif permettra à un groupe de personnes discriminées, par exemple au motif de leur orientation sexuelle, d'obtenir la cessation du manquement et la réparation de leur préjudice résultant d'un fait générateur en bénéficiant du régime de preuve partagée applicable en matière de discrimination.

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