Question de M. MARC François (Finistère - Socialiste et républicain) publiée le 05/11/2015

M. François Marc attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur la question des circuits d'évasion fiscale organisée.
La crise financière qui s'est déclenchée en 2007 et 2008 a fait d'énormes ravages dans l'économie mondiale et a eu des effets sociaux considérables.
Il a, ces dernières années, été rendu compte des nombreuses dérives du monde financier qui ont contribué à ce déclenchement : des interrogations se sont fait jour concernant la dérive de certaines pratiques spéculatives et les agissements de certains réseaux bancaires internationaux.
On peut se féliciter que des mesures significatives aient été prises ces dernières années en vue d'une meilleure régulation financière et bancaire. La réglementation a été renforcée et les conventions internationales ont évolué dans un sens souhaitable.
Des questions restent toutefois à ce jour posées. Elles concernent le développement considérable du « shadow banking », avec bien sûr toute l'opacité que cela laisse deviner quant aux méthodes et aux agissements spéculatifs des acteurs de la sphère financière.
Une autre question fondamentale porte sur la subsistance de circuits d'évasion fiscale organisée. Comme cela a été rapporté encore en septembre et octobre 2015 par les médias, certaines pratiques ont semble-t-il continué à prospérer depuis 2008.
La question se pose donc de savoir si des mesures suffisantes ont été prises pour prévenir et pour sanctionner ces circuits d'évasion fiscale organisée.
Un exemple a été évoqué en septembre et octobre 2015 dans les médias français avec le cas de la banque Pasche ayant son siège à Monaco et qui était filiale d'une banque française jusqu'à l'été 2015. D'anciens cadres de cet établissement ont publiquement dénoncé des pratiques frauduleuses ayant eu cours jusqu'à une période très récente.
Il souhaiterait donc savoir si des investigations poussées sont entreprises par les autorités de régulation bancaire françaises en vue d'apporter un éclairage approprié sur les pratiques déviantes des établissements bancaires et financiers. Il aimerait obtenir toutes informations utiles sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre les circuits d'évasion fiscale organisée.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 10/02/2016

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2016

M. François Marc. Je souhaite interroger le Gouvernement sur les circuits d'évasion fiscale organisée.

Nous savons tous les dégâts causés par la crise financière de 2007-2008. Les dérives du monde financier qui ont contribué au déclenchement de cette crise ont été mises à jour ces dernières années. Des interrogations ont notamment porté sur les pratiques bancaires spéculatives et sur des agissements à l'international qui n'étaient pas satisfaisants.

On peut dès lors se féliciter que des mesures significatives aient été prises ces dernières années, en vue d'une meilleure régulation financière et bancaire. La réglementation a été renforcée, et les conventions internationales ont évolué dans un sens souhaitable.

Cependant, des questions restent posées. Elles concernent notamment le développement considérable du shadow banking, la « finance de l'ombre », avec toute l'opacité que l'on peut deviner autour de méthodes et d'agissements spéculatifs des acteurs de la sphère financière.

L'autre question fondamentale porte sur la subsistance de circuits d'évasion fiscale organisée. Comme les médias l'ont rapporté en septembre et octobre 2015, certaines pratiques ont, semble-t-il, continué à prospérer. Citons par exemple le cas de la banque HSBC, dont on a beaucoup entendu parler, ou encore de la banque Pasche, qui, ayant son siège à Monaco, était une filiale d'une banque française jusqu'à l'été 2015 ! D'anciens cadres de cet établissement ont publiquement dénoncé des pratiques frauduleuses ayant eu cours jusqu'à une période très récente.

Je souhaite donc savoir si des investigations poussées sont entreprises par les autorités de régulation bancaire françaises en vue d'apporter un éclairage approprié sur les pratiques déviantes des établissements concernés. J'aimerais aussi obtenir toutes informations utiles sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre les circuits d'évasion fiscale organisée.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est de la plus haute importance. Vous faites référence à des agissements totalement inacceptables.

Je ne peux évidemment pas commenter directement les cas particuliers que vous avez mentionnés, même si vous avez sans doute pu observer que la banque HSBC, y compris la holding, avait été mise en examen récemment ; la justice fait son travail de manière rigoureuse. Le Gouvernement s'est porté partie civile dans cette procédure. Nous attendons avec une certaine impatience les conclusions d'une enquête qui sera forcément longue. À cet égard, je vous renvoie à un rapport qu'un député alors rapporteur général du budget avait fait en son temps sur le sujet. (Sourires.)

Depuis 2012, nous avons promu l'échange automatique d'informations et de renseignements relatifs aux comptes financiers des particuliers, ce qui s'est traduit par un accord entre les pays de l'OCDE au mois d'octobre 2014. À ce jour, cinquante-sept États se sont engagés à le mettre en œuvre pour 2017. Cet accord a été rendu obligatoire pour tous les pays européens par la directive du 9 décembre 2014, qui a été transposée par la France via la loi de finances rectificative pour 2015, qui a été adoptée voilà un peu plus d'un mois.

Les banques vont ainsi devoir identifier et transmettre automatiquement à l'administration fiscale les comptes détenus en France ou à l'étranger par les contribuables. Nous sommes actuellement en train de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires au sein non seulement de l'administration fiscale, mais aussi des banques, pour que ces échanges puissent commencer le plus rapidement possible, en tout cas en 2017 comme prévu.

Surtout, avant même l'entrée en vigueur de ces dispositions, nous assistons en ce moment à un mouvement massif de régularisation de ces avoirs, car les contribuables et les banques étrangères savent désormais que l'ère de l'opacité est derrière nous. Le service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, a déjà permis de recouvrer 1,9 milliard d'euros en 2014 et 2,65 milliards d'euros en 2015. Étant donné le très grand nombre de dossiers qui continuent d'affluer, nous anticipons encore 2,4 milliards d'euros de recettes pour l'année prochaine.

Ces nouvelles recettes nous ont permis de baisser l'impôt des contribuables les plus modestes. Nous avons ainsi une fiscalité plus juste, supportée par chacun en fonction de ses capacités contributives, et non pas de sa capacité à dissimuler son argent. Au total, sur la durée du quinquennat, nous aurons mis fin au secret bancaire.

Vous avez évoqué les agissements d'un certain nombre de banques. Vous n'êtes pas sans savoir que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l'ACPR, qui est une autorité administrative indépendante, prononce un certain nombre de sanctions pour assurer le contrôle du fonctionnement des banques françaises et des banques étrangères ayant une activité en France.

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse éclairante sur les évolutions récentes et sur les modifications qui viennent d'être introduites, notamment s'agissant des échanges d'informations entre tous les pays concernés.

Nous avons le sentiment que les choses avancent. Mais la finance progresse elle aussi dans ses pratiques, et ce dans un sens qui n'est pas toujours rassurant.

J'ai attiré votre attention voilà quelques instants sur le shadow banking, toutes ces opérations financières qui se déroulent en dehors du système contrôlé des banques. Il se dit que ces mouvements représenteraient aujourd'hui près de 40 % de l'ensemble des transactions financières intervenant dans le monde. Autrement dit, 40 % des transactions financières ne seraient donc actuellement pas régulées. Il faut donc s'interroger sur la manière dont on peut surveiller, contrôler et superviser toutes ces opérations.

M. Rameix, le président de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, qui a d'ailleurs émis récemment un avis sur le sujet, signalait en présentant ses vœux que les moyens actuels des organisations de contrôle et de suivi paraissaient modestes en comparaison de la capacité d'innovation dont font preuve les organismes financiers.

Il est donc nécessaire de consolider nos moyens de contrôle et d'accompagner avec des mesures appropriées l'ACPR et l'AMF dans l'accomplissement des missions qui leur sont aujourd'hui dévolues. Il y va de la protection de l'épargnant et de l'orientation de l'épargne vers les besoins des entreprises et le développement de l'économie, plus que vers la spéculation, qui a malheureusement eu tendance à prospérer ces dernières années !

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