Question de M. BOCQUET Éric (Nord - Communiste républicain et citoyen) publiée le 12/02/2016

Question posée en séance publique le 11/02/2016

M. Éric Bocquet. Depuis le 1er janvier, le nouveau dispositif dit de « prime d'activité » est en place ; c'est le produit de la fusion de la prime pour l'emploi et du revenu de solidarité active.

L'idée de cette prime est de soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs modestes. En creux, elle souligne, de manière éclatante et dramatique à la fois, le faible niveau des salaires dans notre pays. En effet, d'année en année se confirme en France, grande puissance économique du monde, le constat de l'accroissement de la pauvreté et des inégalités. Plus que jamais, la question du partage des richesses produites se pose avec force.

Oui, la pauvreté progresse en France ! Selon le rapport de décembre 2015 de l'Observatoire des inégalités, entre 2004 et 2013, si l'on prend en compte le seuil de 60 % du revenu médian – 1 772 euros par mois –, le nombre de personnes pauvres atteint le total considérable de 8,5 millions. Sur la même période, dans le même pays, les inégalités de patrimoine ont augmenté de 30 %. Aujourd'hui, 10 % de nos concitoyens détiennent 50 % de la richesse globale. Cette donnée fait écho aux 62 personnes les plus riches du monde, qui possèdent autant de richesses que le reste de l'humanité.

M. Alain Fouché. Quelle solution ?

M. Éric Bocquet. La prime d'activité, selon les premières indications, semble être plus sollicitée que ne l'était le RSA activité.

Ma question est double.

Sur la forme, d'abord, la Cour des comptes vient de pointer le risque d'un sous-financement du dispositif. Souvenons-nous pourtant des débats en commission des finances et ici même, dans l'hémicycle, au cours desquels les uns et les autres spéculaient sur la persistance d'un taux de non-recours faible. La réalité de la précarité croissante vous rattrape. Quelles dispositions prendrez-vous pour assurer le financement de la prime d'activité afin d'éviter la double peine pour d'éventuels candidats au dispositif ?

Sur le fond, ensuite, n'est-il pas urgent de s'attaquer résolument à la pauvreté et aux inégalités en mettant en œuvre une politique ambitieuse visant à donner aux salariés de ce pays les moyens d'une vie décente ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 12/02/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/02/2016

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous demande tout d'abord de bien vouloir excuser Marisol Touraine, qui participe en ce moment même à la grande conférence de santé.

Vous soulignez, et je veux vous en remercier, le succès du dispositif de la prime d'activité, qui, effectivement, dès le premier mois de son existence, concerne déjà 2 millions de personnes en France. Personne n'aurait parié sur ce chiffre !

Mme Annie David. C'est beaucoup trop !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Chacun reconnaîtra que ce taux de recours est satisfaisant. Cela montre que le dispositif mis en place est accessible.

Comme vous le savez probablement, le Gouvernement fait de la lutte contre le non-recours aux droits une de ses priorités. Ainsi, c'est l'une des priorités du plan pauvreté, que vous n'avez pas évoqué dans votre question.

Cependant, si la prime d'activité est d'ores et déjà une réussite, le taux de recours à ce dispositif peut et doit encore progresser. D'ailleurs, si celui-ci devait dépasser nos prévisions initiales, ce serait une excellente nouvelle.

M. Albéric de Montgolfier. Pas sur le plan budgétaire !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Cela voudrait dire que le dispositif fonctionne.

Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer complètement : nous ne modifierons pas les règles du jeu en cours d'année. L'enveloppe de 4 milliards d'euros a été établie sur la base d'une prévision, qui, en tant que telle - surtout lorsqu'il s'agit de la première année de mise en place d'un dispositif -, peut s'avérer inexacte. Nous ajusterons son montant si nécessaire.

Sachez aussi que cette enveloppe reposait sur un taux de recours, en masse financière, de 66 %. Nous en sommes encore relativement loin ! Imaginons tout de même que ce taux surpasse nos anticipations pour grimper jusqu'à 75 %, ce qui, je veux le souligner, serait totalement inédit pour une prestation de ce type. Le dépassement budgétaire risquerait alors de s'élever à 300 millions d'euros. Eh bien, sachez que ce risque, nous l'assumons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.

M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d'État, vous semblez vouloir nous rassurer avec la « réussite » de la prime d'activité, mais, au fond, ce « succès » est d'abord et avant tout l'aveu cinglant de l'échec des politiques d'austérité menées dans notre pays alternativement par les uns et par les autres. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mesdames, messieurs les ministres, en changeant le casting du Gouvernement, pensez également à en réécrire le scénario ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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