Question de M. MILON Alain (Vaucluse - Les Républicains) publiée le 25/02/2016

M. Alain Milon attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la situation inquiétante des producteurs de cerises.
Depuis longtemps la mouche de la cerise est le principal ravageur problématique de la cerise, mais aussi d'autres fruits rouges comme la fraise, ou encore la framboise, les mûres...
La « drosophile Suzikii », espèce d'insectes diptères ayant pour particularité de pondre dans les fruits charnus et dont la larve s'en nourrit, cause des pertes conséquentes de productions pour les arboriculteurs.
C'est d'autant plus inquiétant pour toute la filière régionale de la production de cerises que ce ravageur invasif progresse rapidement puisqu'il est aujourd'hui présent dans toute la partie ouest de l'Europe.
Deuxième fruit le plus cultivé en France en nombre d'exploitations, la cerise a pour principal bassin historique de production la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
L'apparition du ravageur et sa prolifération en verger corrélé à une insuffisance de moyens de luttes efficaces génèrent des pertes de productions importantes et des déséquilibres du tissu économique local.
La filière, depuis plusieurs mois, tente de s'organiser.
Des travaux d'expérimentation ont redoublé afin de trouver des moyens de lutte efficaces et durables pour protéger les productions de fruits ; de nombreuses techniques sont à l'étude actuellement au sein de l'INRA (Institut national de la recherche agronomique), du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), du centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et des stations d'expérimentation, mais aux regards des avancées actuelles, rien ne sera opérationnel avant plusieurs années.
Aujourd'hui les producteurs de cerises sont très inquiets. Ils travaillent depuis un an environ à la construction d'un plan collectif volontaire dont la finalité est de maîtriser le développement du ravageur au niveau du territoire, par le renforcement de la surveillance et la veille sanitaire contre ce ravageur, via l'appropriation et le développement de mesures prophylactiques, l'identification de nouveaux moyens de lutte et la mise en place en synergie des moyens de lutte existants.
Il souhaiterait savoir quelles mesures urgentes entend prendre le Gouvernement afin de venir en aide à ces producteurs, et s'il envisage de poursuivre activement et d'encourager l'expérimentation dans l'ensemble des travaux de recherche et de mise au point de technique de lutte contre la drosophile Suzukii ?

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 25/08/2016

Au niveau européen, la substance active insecticide diméthoate a été inscrite sur la liste des substances autorisées dans des produits phytosanitaires le 1er octobre 2007 pour dix ans. Cette décision a été prolongée jusqu'au 31 juillet 2018. Dans ce cadre, l'entreprise à l'origine de la demande d'inscription devait fournir des données relatives à certains métabolites préoccupants, destinées à confirmer l'évaluation des risques toxicologiques pour le consommateur. En 2013, sur la base de l'ensemble des données fournies par l'entreprise, l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu que les données disponibles ne permettaient pas de confirmer formellement, au niveau européen, que l'utilisation de la substance active diméthoate ne présentait pas de risque inacceptable pour le consommateur. L'absence de conclusion européenne a renvoyé aux États membres la responsabilité de statuer, produit par produit et usage par usage, sur le niveau de risque pour le consommateur lié à l'utilisation de produits à base de diméthoate. L'entreprise commercialisant en France les produits à base de diméthoate a sollicité le renouvellement des autorisations de mise sur le marché de ses produits, qui allaient arriver à échéance. Elle n'a pas sollicité le renouvellement de l'autorisation pour l'usage sur cerisiers. En l'absence de données sur les résidus, quels que soient les usages revendiqués, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a été conduite à retirer l'autorisation en France des produits à base de diméthoate en février 2016, sans aucune observation de la part de l'entreprise les commercialisant lors de la procédure contradictoire. L'examen des autorisations délivrées par d'autres États membres pour des produits identiques, notamment au titre de l'article 53 du règlement (CE) n°  1107/2009 (« dérogations 120 jours ») avait par ailleurs conduit la France à solliciter auprès du pétitionnaire les données d'évaluation du risque pour le consommateur qui auraient pu être fournies dans d'autres États membres. Le détenteur a répondu que l'ensemble de ses données avaient été transmises dans le cadre de la demande de ré-approbation de la substance active, actuellement en cours d'examen par l'Italie, État membre rapporteur. L'usage sur cerises n'est toutefois pas défendu dans le cadre du dossier de ré-approbation de la substance active. Aucune pratique agricole sur la cerise ni aucune étude de résidus sur cette culture ne sont donc disponibles dans le dossier actuellement en cours d'examen. En l'absence de données complémentaires permettant d'envisager une dérogation, la France a demandé le 29 mars dernier à la Commission européenne de mettre en place des mesures d'interdiction immédiate de l'utilisation du diméthoate dans toute l'Union européenne sur les fruits et légumes et des mesures d'interdiction d'importation de cerises provenant de pays dans lesquels la substance serait autorisée. La Commission européenne a saisi l'EFSA, qui a rendu un avis, en urgence, le 11 avril, sur la base des données disponibles. L'avis de l'EFSA constate le manque de données pour ce produit, en particulier dans le traitement des cerises, et conclut que les risques aigus et à long terme de l'utilisation du diméthoate sur la santé des consommateurs ne peuvent pas être exclus. Une intoxication au diméthoate peut provoquer notamment des tremblements, une hypersalivation et, dans les cas graves, une détresse respiratoire. Dans le cadre des utilisations revendiquées antérieurement pour l'usage du diméthoate, la pratique agricole visant à assurer un niveau suffisant d'efficacité contre les mouches attaquant les cultures est très proche de la dose qui présente un risque pour le consommateur. Ce constat a d'ailleurs conduit, au niveau européen, à inscrire en 2015 le diméthoate sur la liste des substances actives dont les États membres doivent envisager la substitution par d'autres produits ou alternatives agronomiques. Pour être certain de protéger les consommateurs, mais également les agriculteurs français d'une concurrence déloyale, et en l'absence d'interdiction au niveau européen, le Gouvernement a pris une clause de sauvegarde le 21 avril 2016 qui interdit l'importation et la commercialisation en France de cerises fraîches provenant de pays autorisant le diméthoate. Il est à noter que la majorité des pays de l'Union européenne se sont engagés à ne pas délivrer en 2016 d'autorisation de mise sur le marché dérogatoire pour l'usage de diméthoate sur cerisiers voire même ont retiré cet usage avant le début de la campagne. Pour les producteurs français, la priorité est de limiter les dégâts de Drosophila suzukii en s'appuyant sur les préparations insecticides alternatives autorisées sur cerises ainsi que sur les solutions non chimiques de protection des cerisiers, qui présentent des niveaux d'efficacité variables mais apportent des solutions, seules ou en combinaison, pour lutter contre les mouches. Dans le cadre des échanges réguliers avec les professionnels agricoles concernés dans ce dossier, le ministre de l'agriculture a indiqué que les pertes de récoltes qui résulteraient cette année des dégâts générés par la mouche Drosophila suzukii pourraient être indemnisées à condition que les producteurs de cerises s'engagent dans un plan de prévention et de lutte durable contre cet insecte nuisible. De façon plus générale, les agriculteurs doivent, avec l'appui technique et financier décidé par le Gouvernement dans le cadre du plan Écophyto 2, construire des stratégies de lutte et de prévention collectives pour mieux se prémunir contre les ennemis des cultures.

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