Question de M. MOUILLER Philippe (Deux-Sèvres - Les Républicains) publiée le 24/03/2016

M. Philippe Mouiller attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la demande de mesure de sauvegarde, formulée par l'Afrique du Sud, en application de l'article 16 de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération, conclu en 2004 avec l'Union européenne.
Cette mesure de sauvegarde aurait pour principale conséquence l'introduction d'une taxe « anti-dumping » de 37 % sur les viandes de poulet européennes.
Cette demande intervient à la suite de la signature d'un accord bilatéral conclu entre l'Afrique du Sud et les États-Unis qui instaure un contingent à droit nul de 65 000 tonnes de poulet américain.
Cet accord a également abouti à une renégociation des conditions sanitaires appliquées à la viande de poulet provenant des États-Unis, très favorable à ces derniers. En effet, l'Afrique du Sud a réduit ses exigences concernant les tests relatifs aux salmonelles. De plus, la régionalisation a été acceptée pour l'influenza aviaire. Ce qui n'est pas le cas pour l'Europe, à qui l'Afrique du Sud souhaite imposer une compartimentation, mesure beaucoup plus contraignante pour les filières.
Cet accord bilatéral Afrique du Sud/ États-Unis place les exportateurs de poulet européens dans une position très difficile. Ces derniers sont soumis à une concurrence accrue, à des exigences sanitaires moins favorables par rapport à celles imposées à leurs concurrents américains.
Cette demande de mesure de sauvegarde émane des producteurs de poulet sud-africains représentés par la South Africa poultry association (SAPA) qui invoque pour motif l'augmentation des volumes importés depuis l'Union européenne sur la période 2011-2014, qui menacerait les entreprises locales.
Le marché sud-africain est un marché vital pour les entreprises européennes, déjà pénalisées par l'embargo russe.
En 2015, près de 18 000 tonnes de poulet français ont ainsi été exportées en Afrique du Sud, sur les 193 000 tonnes exportées par l'Europe vers cette destination.
La France se trouve, par ailleurs, dans une situation particulièrement difficile pour ses exportations vers les pays tiers, du fait de l'épisode actuel d'influenza aviaire.
La mesure de sauvegarde qui pénaliserait à long terme les exportations vers l'Afrique du Sud est un coup supplémentaire porté à une filière d'ores et déjà en difficulté.
Les représentants des industriels avicoles et des producteurs de volaille européens sont mobilisés pour contrer cette mesure de sauvegarde.
Il en va du maintien de la concurrence saine et loyale entre Union européenne et États-Unis et, par conséquent, du maintien de notre industrie avicole française.
Il lui demande de lui indiquer quelles démarches il a entrepris pour contrer la mise en place de cette mesure de sauvegarde.


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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification publiée le 01/07/2016

Réponse apportée en séance publique le 30/06/2016

M. Philippe Mouiller. Ma question porte sur la demande de mesure de sauvegarde formulée par l'Afrique du Sud, en application de l'article 16 de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération conclu en 2004 avec l'Union européenne.

Si elle venait à être appliquée, cette mesure de sauvegarde aurait pour principale conséquence l'introduction d'une taxe anti-dumping au taux de 37 % sur les viandes de poulet européennes.

Cette demande intervient à la suite de la signature d'un accord bilatéral conclu entre l'Afrique du Sud et les États-Unis, instaurant un contingent à droit nul de 65 000 tonnes de poulet américain.

Cet accord comprend également une clause de renégociation des conditions sanitaires appliquées à la viande de poulet provenant des États-Unis, dans un sens qui est très favorable à ces derniers. En effet, l'Afrique du Sud a réduit ses exigences concernant les tests relatifs aux salmonelles. En outre, la régionalisation du niveau de risque a été acceptée en matière d'influenza aviaire, ce qui n'est pas le cas pour l'Europe, à qui l'Afrique du Sud souhaite imposer une compartimentation, mesure beaucoup plus contraignante pour les filières.

Cet accord bilatéral signé entre l'Afrique du Sud et les États-Unis place les exportateurs de poulet européens, dont un certain nombre de représentants sont des exploitants de mon département, dans une position extrêmement difficile. Ces exportateurs sont soumis à une concurrence accrue et à des exigences sanitaires plus contraignantes que celles qui sont imposées à leurs concurrents américains.

Cette demande de mesure de sauvegarde émane des producteurs de poulet sud-africains représentés par la South African Poultry Association, la SAPA, qui invoque pour motif l'augmentation des volumes importés depuis l'Union européenne sur la période 2011-2014, hausse qui menacerait les entreprises locales.

Le marché sud-africain est vital pour les entreprises européennes, déjà pénalisées par l'embargo russe : en 2015, près de 18 000 tonnes de poulet français ont été exportées en Afrique du Sud, sur les 193 000 tonnes exportées par l'Union européenne vers cette destination.

Par ailleurs, et d'une manière générale, s'agissant de ses exportations vers les pays tiers, la France se trouve dans une situation particulièrement difficile. La mesure de sauvegarde, dont l'application, à long terme, pénaliserait les exportations vers l'Afrique du Sud, est donc un coup supplémentaire porté à une filière d'ores et déjà en difficulté.

L'International Trade Administration Commission, l'ITAC, devrait rendre un rapport sur ce sujet, le mois prochain, à M. Rob Davies, ministre du commerce et de l'industrie sud-africain. Je sais que le Gouvernement a interpellé la Commission européenne. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous dire où en est l'instruction de ce dossier et, éventuellement, quels éléments majeurs seront contenus dans le rapport de l'ITAC ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur Philippe Mouiller, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Stéphane Le Foll.

Vous appelez l'attention du Gouvernement sur la mesure de sauvegarde envisagée par l'Afrique du Sud concernant les importations de poulets en provenance de l'Union européenne.

Il convient tout d'abord de rappeler que l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud a permis l'élimination des droits de douane sur la volaille au 1er janvier 2012. La France a bénéficié, à partir de 2014, de la combinaison des mesures anti-dumping mises en place par l'Afrique du Sud sur les exportations de certains pays européens et de la suspension de certaines importations provenant d'autres pays européens, du fait de la grippe aviaire. Les exportations françaises de volailles vers l'Afrique du Sud sont ainsi passées de 1 651 tonnes en 2013 à 22 924 tonnes en 2015, soit une valorisation de plus de 23 millions d'euros.

L'activation de la clause de sauvegarde agricole prévue à l'article 16 de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud a été demandée par l'association majoritaire de producteurs de poulets d'Afrique du Sud qui a déposé un dossier en ce sens auprès de la Commission administrative pour le commerce international sud-africaine le 19 février dernier. Les producteurs sud-africains exigent la réintroduction d'un droit de douane à 37 % pour au moins cinq ans ou l'instauration d'un contingent pour les volailles européennes, en arguant de la forte augmentation des importations en provenance de l'Union européenne depuis 2011.

Les autorités françaises, comme la Commission européenne, considèrent que les conditions requises par l'article 16 de l'accord entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud pour l'activation d'une clause de sauvegarde ne sont pas remplies, et ne voient pas quelles circonstances exceptionnelles justifieraient la mise en place d'un droit de douane provisoire en attendant le résultat de la procédure d'enquête et son examen par le Conseil de coopération.

En effet, le préjudice lié à la hausse des exportations européennes pour la filière de la volaille sud-africaine dans son ensemble n'est pas démontré : les profits de la filière continuent d'augmenter et les difficultés des producteurs sud-africains ont pour causes d'autres facteurs, comme le coût de l'alimentation et la réglementation sanitaire nationale. Le marché sud-africain est par ailleurs structurellement importateur de volaille, et les importations en provenance de l'Union européenne se sont simplement substituées aux importations antérieures en provenance du Brésil.

Dans ce dossier est souvent évoqué, également, l'octroi par l'Afrique du Sud aux États-Unis d'un contingent de 65 000 tonnes de volailles. Contrairement aux exportations européennes, les exportations américaines qui entrent dans le cadre de ce contingent sont toutefois soumises au fameux droit de douane à 37 %, le reste des exportations en provenance des États-Unis étant soumis à un droit anti-dumping de 940 centimes par kilogramme. L'octroi de ce contingent ne doit cependant pas justifier l'activation par l'Afrique du Sud d'une clause de sauvegarde sur les exportations européennes.

Les autorités françaises ont fait valoir auprès de la Commission européenne, au début du mois de mars dernier, leurs préoccupations concernant l'activation possible de cette mesure de sauvegarde, et lui ont transmis leurs arguments afin d'étayer ceux de l'Union européenne. Le 21 mars dernier, la Commission européenne a déposé, dans le cadre de la procédure d'enquête, un dossier très complet auprès de la Commission administrative pour le commerce international sud-africaine.

L'ensemble du dossier est en cours d'instruction par cette commission, qui devrait rendre son rapport au mois de juillet prochain à M. Rob Davies, ministre du commerce et de l'industrie sud-africain. Une éventuelle proposition de mesure de sauvegarde sud-africaine devra ensuite être discutée au sein du Conseil de coopération entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud.

Je peux donc vous assurer, monsieur le sénateur, de la vigilance extrêmement attentive du Gouvernement sur ce dossier qui vous préoccupe particulièrement, vous et les excellents professionnels de votre beau département des Deux-Sèvres.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Je voudrais d'abord saluer la position du Gouvernement, qui relaie efficacement les préoccupations de la filière.

Bien entendu, nous demandons à être associés à l'analyse du rapport qui sera remis le mois prochain, afin que nous puissions prendre connaissance des orientations données. Je crains en effet, malheureusement, que tous les États membres de l'Union européenne ne défendent pas la même position ; le poids de la France sera donc déterminant pour que les décisions futures soient prises au bénéfice de cette filière importante pour notre pays.

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