Question de M. MASCLET Patrick (Nord - Les Républicains) publiée le 03/03/2016

M. Patrick Masclet attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les problématiques rencontrées par les archives départementales.
En vertu de leurs missions légales, fixées par le code du patrimoine, les archives départementales sont tenues de conserver les archives définitives des services déconcentrés de l'État ayant leur siège dans le département, ainsi que les autres archives publiques définitives constituées dans leur ressort. Depuis 1986, date de la décentralisation des services d'archives départementaux, la charge de cette conservation, incluant la communication également obligatoire des archives au public, est assurée par les départements.
Or, ces dernières années, des textes de différentes valeurs juridiques sont venus augmenter considérablement cette charge. Ainsi, les décrets d'application de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives ont abaissé de cent à soixante-quinze ans le délai au-delà duquel les notaires doivent verser les minutes de leurs actes aux archives départementales, abaissement consécutif à celui du délai de libre communicabilité des mêmes documents. Dans le département du Nord, l'impact de cet abaissement de vingt-cinq ans est estimé à environ sept kilomètres d'archives notariales.
En outre, des circulaires interministérielles ont apporté des modifications ayant également un impact important sur la charge de conservation et de communication. Force est de constater l'effet cumulé de ces différents textes au travers de l'augmentation significative des versements d'archives publiques aux archives départementales du Nord : d'un kilomètre par an en moyenne au début des années 2000, on est passé à plus d'un kilomètre et demi par an depuis 2010.
L'application stricte de ces textes reviendrait à réduire de moitié l'espérance de vie des nouveaux magasins des archives départementales du Nord, sans justification suffisante au regard de la valeur ajoutée des documents supplémentaires collectés. Ce constat est partagé dans nombre d'autres départements dont les archives départementales voient leurs locaux se remplir nettement plus vite que prévu.
Si les dispositions issues de la loi de 2008 sur les archives s'imposent de plein droit aux départements, les circulaires interministérielles de tri n'ont pas la même valeur juridique. En outre, elles sont élaborées par les services centraux de l'État dans des instances où les départements ne sont en aucune manière représentés.
C'est pourquoi il lui demande de réviser au plus vite la circulaire interministérielle de 2009 sur le traitement des archives des juridictions de l'ordre judiciaire, et toute autre circulaire soulevant des problématiques du même type. Il lui propose également d'associer systématiquement des représentants des départements à l'élaboration des textes ayant une incidence sur la charge de conservation et de communication des archives. Il lui demande enfin de prendre acte, dans l'immédiat, que les archives départementales seront amenées à passer outre certaines dispositions excessives des circulaires interministérielles de tri.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 05/05/2016

En matière d'archives, il est impossible et inutile de tout conserver, et la sélection est l'étape indispensable à la compréhension des archives. Il est bien sûr fondamental que les décisions d'évaluation, matérialisées par les instructions interministérielles de sélection et de conservation des archives, soient le fait d'une réflexion collective, basée tant sur la connaissance des enjeux juridiques et historiques que sur une excellente connaissance des situations locales. C'est pourquoi l'élaboration de ces textes passe par des groupes de travail qui associent déjà systématiquement des représentants des archives départementales. Ceux-ci sont choisis pour leur expertise pointue du domaine à traiter et leur représentativité des départements concernés (de grande ou de petite taille, urbains ou ruraux, etc.). Comme le prévoit le code du patrimoine, les services, établissements et organismes à l'origine des documents sont également pleinement parties prenantes des décisions. L'administration des archives a d'ailleurs un souci constant d'amélioration des pratiques en matière d'évaluation et de sélection des archives devant être, du fait de leur intérêt juridique ou historique, conservées à titre définitif. Le comité interministériel aux archives de France a ainsi publié, en juillet 2014, un Cadre méthodique pour l'évaluation, la sélection et l'échantillonnage des archives publiques. Ce texte, issu d'un groupe de travail interministériel réunissant des représentants des archives départementales et nationales, ainsi que du ministère de la défense et de celui des affaires étrangères et du développement international, a donné lieu à une large concertation auprès des services d'archives territoriaux via des appels à commentaires qui ont permis à tous de participer à son élaboration. Face à des demandes contradictoires mais légitimes (volonté de transparence accrue avec l'open data, revendication du droit à l'oubli et à la protection des données personnelles, attachement des citoyens à pouvoir rechercher leurs origines…), l'évaluation des archives doit permettre de trouver un équilibre qui préserve la recherche future, tout en ayant un coût soutenable pour la société. Ce cadre formalise pour la première fois l'ensemble des critères justifiant la conservation historique d'un document et initie une période de reprise des décisions de conservation antérieures. Des priorités de travail ont donc été établies en tenant compte des demandes multiples des archivistes et des administrations, afin de disposer dans les meilleurs délais d'un corpus de textes à jour. Un des axes prioritaires porte sur l'évaluation et la sélection des dossiers sériels volumineux. Un groupe de travail est notamment en cours sur la sélection historique des dossiers de carrière, qui représentent des masses considérables. De plus, un important travail de recensement de l'ensemble des textes de ce type publiés par l'administration des archives de France depuis les années 1920, soit près de 500 textes, a été réalisé afin de préciser leur statut (en vigueur ou abrogé) et de faciliter leur application par le réseau des services d'archives territoriaux. Enfin, le ministère de la culture et de la communication participe financièrement à la construction des bâtiments d'archives des collectivités, afin d'accompagner celles-ci dans la préservation de ce qui constitue le patrimoine commun de la Nation.

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