Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 28/04/2016

M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur une conséquence grave de la mise en place des réseaux de soins par les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) en matière d'optique.
Des professionnels l'ont alerté sur une pratique qui les inquiète fortement, à savoir l'organisation d'un système de collecte des données de santé dans le cadre de ces réseaux. En effet, les complémentaires exigent d'eux la transmission des données de santé des assurés, et ce au mépris de la réglementation française en matière d'informatique et de libertés.
Ceci est d'autant plus choquant que, pour bénéficier d'une taxation minorée, les contrats d'assurances responsables et solidaires ne doivent justement pas être conditionnés à un questionnaire de santé. La collecte de données auprès des prestataires est pour les OCAM un moyen de contourner la réglementation. À son sens, ils se placent ainsi dans l'illégalité.
En outre, toutes les interrogations sont permises quant à la finalité de cette collecte : tarification différenciée selon le profil des assurés, sélection des personnes en fonction de leur état de santé ou de risque, refus d'assurance de certains, etc.
De fait, la question de la protection des données de santé prend aujourd'hui une acuité toute particulière, et doit faire l'objet de réponses urgentes et appropriées.
Il lui demande donc de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de mettre un terme à cette pratique pouvant être source de dérives, qui commence d'ailleurs à susciter de vives préoccupations chez les assurés.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 12/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2016

M. Jean-Claude Carle. Madame la secrétaire d'État, j'appelle votre attention sur une conséquence particulièrement grave de la création des réseaux de soins par les organismes complémentaires d'assurance maladie, les OCAM, pour ce qui concerne l'optique.

La constitution de ces réseaux de soins a été autorisée par la loi du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé.

Ce texte autorise également les OCAM à instaurer des différences dans le niveau des prestations servies à leurs adhérents.

Lors de l'examen de ce texte par la Haute Assemblée, mes collègues de l'actuelle majorité sénatoriale et moi-même avions pourtant mis en garde le Gouvernement contre ses conséquences et ses éventuels dérapages.

Des professionnels de santé m'ont précisément alerté au sujet d'une pratique qui les inquiète fortement : la mise en place d'un système organisé de collecte des données de santé dans le cadre de ces réseaux. En effet, les complémentaires exigent d'eux la transmission des données de santé des assurés, et ce au mépris le plus évident de notre réglementation « informatique et libertés ».

Ces procédés sont d'autant plus choquants que, pour bénéficier d'une taxation minorée, les contrats d'assurance responsables et solidaires ne doivent justement pas être conditionnés à un questionnaire de santé. La collecte de données auprès des prestataires est, pour les OCAM, un moyen de contourner la réglementation.

Associée au refus de toute prise en charge en dehors du réseau de professionnels constitué par les organismes, opposé en totale violation du libre choix du professionnel de santé, cette pratique est réellement préoccupante.

En outre, des interrogations sont permises quant à la finalité de cette collecte : tarification différenciée selon le profil des assurés ? Sélection des personnes en fonction de leur état de santé ou de risque ? Refus de prise en charge de certains ? La liste est longue !

La question de la protection des données de santé prend aujourd'hui une acuité toute particulière. Il est urgent de lui apporter des réponses appropriées.

Madame la secrétaire d'État, je vous demande donc de m'indiquer les mesures que le Gouvernement a prises ou entend déployer afin de mettre un terme à cette pratique, source de dérives, qui commence du reste à susciter de fortes inquiétudes chez les assurés eux-mêmes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la collecte des données de santé par les organismes complémentaires d'assurance maladie dans le cadre des réseaux de soins, et sur l'inquiétude des professionnels de santé qui s'alarment de cette pratique.

La loi du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé, également appelée « loi Le Roux », a étendu aux mutuelles la faculté de créer des réseaux de soins.

Cette possibilité était auparavant réservée aux organismes assureurs et aux instituts de prévoyance.

Il s'agit là d'un outil d'amélioration d'accès aux soins permettant de diminuer le reste à charge pour les patients.

Dans le cadre de cette loi, il est prévu qu'un rapport soit remis au Parlement afin d'établir un bilan et une évaluation des conventions instituant des réseaux de soins et, bien sûr, de préciser les garanties et prestations que ces conventions comportent. Nous pourrons ainsi évaluer leur impact sur les tarifs et les prix pratiqués par les professionnels et les établissements.

Avant l'été, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a missionné l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, pour la rédaction de ce rapport.

Ainsi, il y a déjà plusieurs mois, Mme la ministre a mobilisé les moyens appropriés pour répondre à l'ensemble des questions découlant de cette extension aux mutuelles de la possibilité de création de réseaux de soins. Il va de soi que la sécurité des données de santé collectées et le respect de la légalité dans ce domaine feront l'objet d'une vigilance particulière.

Des éléments de réponses concrets pourront donc être apportés sur la base des recommandations énoncées par l'IGAS, dans son rapport, d'ici à la fin de l'année.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter. J'ai noté que Mme la ministre de la santé avait d'ores et déjà demandé la rédaction d'un rapport sur ce sujet.

Pour ma part, je serai toutefois extrêmement vigilant face aux risques de dérapage que j'ai signalés : il ne faudrait pas que ce dispositif se développe au détriment des professionnels de santé et des patients.

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