Question de M. PIERRE Jackie (Vosges - Les Républicains) publiée le 14/04/2016

M. Jackie Pierre attire l'attention de Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat sur les difficultés rencontrées par les services publics de l'eau au titre du recouvrement des impayés des factures d'eau, à la suite des modifications législatives introduites par la loi n° 2013-312 (dite « loi Brottes ») du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes. Le décret n° 2014-274 du 27 février 2014 modifiant le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz de chaleur et d'eau a confirmé que, seule, l'interruption de fourniture mais non la réduction de fourniture, est autorisée en cas de facture impayée pour l'eau, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles qui précise que les fournisseurs d'eau ne peuvent procéder à l'interruption de la fourniture d'eau des résidences principales dans le cas de factures impayées. Il en résulte que sont interdites pour les résidences principales des abonnés qui ne paient pas leur facture à la fois les coupures d'eau (par la loi) et les réductions de débit (par décret). À la faveur d'un amendement (n° 146 rect.), présenté en février 2015 par des sénateurs (MM. Cambon, Revet, P. Leroy, Pierre et J. Gautier, Mme Procaccia et M. de Nicolay), dans le cadre de la discussion de ce qui est devenu la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le législateur avait tenté de remédier à la modification législative opérée qui a in fine conduit à interdire les coupures d'eau toute l'année pour l'ensemble des résidences principales, alors que cette interdiction était, jusque-là, réservée aux familles en difficulté bénéficiant ou ayant bénéficié du fonds de solidarité pour le logement (FSL) ». Les auteurs de l'amendement précité voulaient simplement qu'il soit possible d'établir une différence de traitement entre les familles en difficulté et les mauvais payeurs qui, ayant les moyens de payer s'y refusent, encourageant ainsi les comportements non-citoyens. La loi n° 2015-992 a été une occasion manquée d'aboutir à une clarification juridique sur cette question. Les défenseurs du droit à l'eau pour tous y ont vu une victoire pour les plus modestes qui s'avèrent être, en réalité, les premières victimes des effets pervers de la législation. En effet, les fournisseurs d'eau ne disposent pas d'outils juridiques efficaces leur permettant de contraindre les mauvais payeurs. La procédure de recouvrement forcé est un instrument trop coûteux et inadapté au regard du montant moyen des factures impayées. Les récentes jurisprudences démontrent que le problème reste entier, sur le plan de l'intérêt général et du nécessaire compromis qui doit être trouvé entre le financement durable des services publics de l'eau et la prise en compte des questions sociales. L'interdiction généralisée des réductions de débit ou coupures d'eau préoccupe de nombreux élus qui s'inquiètent de la viabilité économique des services de régie de l'eau qui reposent sur le principe selon lequel l'eau paye l'eau. En effet, l'explosion d'impayés ne permet pas de renouveler convenablement les réseaux d'eau potable, et les investissements, lourds et incontournables, sont de plus en plus différés. Enfin, les impayés impactent directement l'équilibre financier des fournisseurs d'eau, conduisant à une hausse du prix de l'eau, répercutée sur tous les foyers, y compris les plus modestes. Il lui demande par conséquent quelles mesures - aussi rapides que concrètes - le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette situation qui ne satisfait ni les gestionnaires de réseaux, ni les consommateurs.

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Transmise au Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat


Réponse du Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat publiée le 30/03/2017

L'article 19 de la loi n°  2013-312 du 15 mars 2013, a interdit les coupures d'eau toute l'année pour l'ensemble des résidences principales, sans condition de ressources, alors que cette interdiction était jusque-là réservée aux familles en difficultés bénéficiant ou ayant bénéficié du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Le décret d'application a été publié le 27 février 2014 (décret n°  2014-274 modifiant le décret n°  2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau). Ces dispositions ont été confirmées par le Conseil constitutionnel le 29 mai 2015, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par ailleurs, en l'état actuel des textes, la réduction de débit d'eau n'est pas non plus autorisée. Pour autant, l'interdiction de coupure d'eau n'emporte pas annulation de la dette. La facture impayée reste due par l'abonné. Le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, est conscient des difficultés que ce cadre législatif peut engendrer pour la gestion des services publics d'eau potable. Ce nouvel état de droit pourrait encourager des comportements non-citoyens et induire des impacts financiers importants, non seulement pour les services en raison de difficultés de recouvrement des paiements, mais également pour les usagers qui pourraient voir leur facture augmenter afin de compenser les pertes de recettes qui en découlent. C'est pourquoi le Gouvernement a commandé une expertise sur la formation du prix de l'eau et inscrit sa politique dans le sens de la durabilité des services publics d'eau et d'assainissement et du respect des droits fondamentaux d'accès à l'eau et à l'assainissement. Une des recommandations issue de l'expertise porte sur les solutions existantes pour améliorer le recouvrement des recettes par les services d'eau et d'assainissement. Celle-ci a été identifiée par le Comité national de l'eau comme prioritaire et devrait être mise en œuvre courant 2017, parallèlement à la poursuite du suivi des impacts de ces modifications législatives sur le taux d'impayés.

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