Question de Mme BENBASSA Esther (Val-de-Marne - Écologiste) publiée le 27/05/2016

Question posée en séance publique le 26/05/2016

Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

C'est dans une indifférence quasi générale que l'évacuation par les forces de police du camp improvisé d'Idomeni, réunissant 8 400 migrants et réfugiés, dont 40 % de mineurs, à la frontière gréco-macédonienne, a débuté ce mardi 24 mai.

Les organisations non gouvernementales, les ONG, et les médias, à deux exceptions près, n'ont pas été autorisés à entrer dans le camp. L'entassement a commencé au début du mois de mars dernier, après la fermeture de la frontière macédonienne, et à la suite du verrouillage qu'a subi la route des Balkans.

C'est dans une nasse que des milliers de réfugiés et de migrants se sont trouvés piégés. On a parlé, pour les évacuer, de « camps de rétention ». On parle aujourd'hui de « camps d'accueil ». Leurs conditions de vie étaient scandaleuses à Idomeni. Quelles seront-elles à l'avenir ?

Idomeni et son évacuation constituent un symptôme de la catastrophe humanitaire qu'induit une gestion européenne calamiteuse de la crise des migrants. Pour reprendre un mot de l'Oxfam, ces derniers sont traités comme des pions dans un jeu d'échecs.

L'accord entre l'Union européenne et la Turquie ne fonctionne pas. Et quand bien même fonctionnerait-il, il ne suffirait pas à mettre un terme à la tragédie à laquelle nous, citoyens et citoyennes, assistons impuissants.

Selon l'Organisation internationale pour les migrations, ou IOM, depuis le mois de janvier dernier, 190 000 migrants sont entrés en Europe par la mer, et 1 359 sont morts pendant leur périple !

Le 22 mars dernier, en répondant à ma précédente question sur le sujet, M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, a voulu se montrer rassurant. Or, rassurés, nous ne le sommes pas ! La constitution comme l'évacuation du camp d'Idomeni nous interdisent de l'être.

Monsieur le secrétaire d'État, la France parle, mais que compte-t-elle faire concrètement ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur les travées du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère des affaires étrangères et du développement international publiée le 27/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2016

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la sénatrice, vous m'interrogez à juste titre sur les conséquences humanitaires dramatiques de l'afflux massif de réfugiés auquel l'Europe a dû faire face au cours des derniers mois. Que s'est-il passé précisément en Grèce ?

Vous le savez, la Grèce est un pays de transit. Mais elle s'est transformée en impasse lorsque la route des Balkans a été fermée en Macédoine. C'est bien ainsi que s'est constitué le camp d'Idomeni, à la frontière entre la Grèce et ce pays.

La situation est devenue dramatique. Elle s'est aggravée de jour en jour. Cela ne pouvait pas durer.

La Grèce a lancé un appel à l'Union européenne pour mobiliser l'action humanitaire. C'était la première urgence. La France a apporté son soutien concret à la Grèce. Elle a répondu aux demandes. Et l'Union européenne a mobilisé son dispositif Euro éco, avec un crédit de 300 millions d'euros dès cette année.

Voilà pour les mesures d'urgence ! Bien sûr, il fallait également agir plus au fond. En particulier, il fallait éviter que des milliers de personnes, placées dans les conditions épouvantables que vous avez décrites, ne restent bloquées à Idomeni.

Cette solution, difficile à trouver et surtout à mettre en œuvre, passe par des décisions de l'Union européenne. Seule une détermination des pays solidaires réunis en son sein peut répondre concrètement à un tel drame.

Tout d'abord, il convient d'accueillir les réfugiés au titre du mécanisme européen dit « de relocalisation ». En la matière, la France est volontaire. Elle prend sa part de l'effort. Des personnes qui sont réfugiées en Grèce peuvent venir en France. Ce dispositif est activé et les moyens sont déployés pour assurer l'accueil. (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.)

Ensuite, un accord, auquel vous avez fait allusion, a été conclu entre l'Union européenne et la Turquie. Vous doutez de son efficacité. Il est vrai que cet accord est difficile à mettre en œuvre, mais il commence à entrer en application. Du reste, il constitue la seule voie possible face à la situation dramatique que nous connaissons.

Nous avons veillé à ce que le droit international sur l'asile - vous avez eu raison d'y faire référence - soit bel et bien respecté. Les cas doivent être traités individuellement, et non collectivement.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Parallèlement, il doit y avoir des possibilités de recours.

Voilà les actions que nous menons. Bien entendu, nous traitons également le problème à la racine, en œuvrant pour la paix en Syrie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Nous comptons sur votre bonne foi. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Didier Guillaume. Elle est grande !

Mme Esther Benbassa. Et nous attendons des résultats tangibles ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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