Question de M. MANABLE Christian (Somme - Socialiste et républicain) publiée le 27/05/2016

Question posée en séance publique le 26/05/2016

M. Christian Manable. Ma question, qui s'adresse à M. le garde des sceaux, porte sur l'avenir de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, la CNITAAT, institution judiciaire importante, mais méconnue du grand public, voire des élus eux-mêmes.

Cette instance a été créée à Amiens en 1994. Le projet de loi relatif à l'organisation judiciaire prévoyait son éclatement dans les trente-six cours d'appel des tribunaux de grande instance de France. Il semble que les récents débats à l'Assemblée nationale aboutissent à une configuration différente.

Ces évolutions pourraient susciter un problème local, mais aussi national.

En effet, avec plus de 7 000 dossiers traités en 2014, la Cour présente aujourd'hui des chiffres flatteurs quant au volume et à la qualité des décisions rendues, dont seulement 0,35 % font l'objet de cassation. Ce bilan témoigne du haut niveau de technicité et de la qualification très pointue acquis par l'ensemble des personnels de la CNITAAT, soit soixante-quatorze agents au total, magistrats ou agents de la sécurité sociale. Comment imaginer de répartir ces compétences sur tout le territoire ?

De plus, le maintien d'une seule cour nationale assure au justiciable une homogénéité et une cohérence de la jurisprudence dans le contentieux, souvent très technique, de la sécurité sociale.

Enfin, la disparition de la CNITAAT porterait un nouveau coup à l'attractivité d'Amiens, ville déjà marquée par la perte du statut de capitale régionale et par le redéploiement de ses services à Lille, alors qu'Amiens et la Picardie ont plus que jamais besoin de solidarité nationale.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous apporter des informations nouvelles sur le maintien ou l'évolution de la CNITAAT à Amiens ?

- page 8729


Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2016

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, la question que vous posez sur la CNITAAT, dossier que vous connaissez bien en tant que parlementaire de la région concernée, est importante. J'espère dissiper les inquiétudes nées après le débat à l'Assemblée nationale.

Cette juridiction a une technicité tout à fait reconnue sur la justice du quotidien : l'incapacité au travail, l'état et le degré d'invalidité, etc. Selon les chiffres dont je dispose, elle emploie soixante-trois personnes.

Comme toutes les juridictions françaises, quel que soit le domaine de spécialité, elle est perfectible. Vous avez évoqué quelques éléments valorisants. Mais il y a aussi plus de deux ans d'attente devant la Cour. Si elle devait ses activités maintenant, il nous faudrait deux ans avant d'écluser le stock de plus de 15 000 dossiers. Or elle exerce une justice du quotidien, pour laquelle il est nécessaire d'agir vite. Ses délais d'audience sont également considérables : vingt mois en 2014, voire trente et un mois sur les questions d'aptitude.

Il faut avancer. La décision a été prise de créer dans chaque tribunal de grande instance un pôle social, ce qui permettra d'aller plus vite. Toutefois, parce qu'il faut reconnaître la compétence des personnels d'Amiens et leur technicité, que personne ne met en cause, nous avons pris deux dispositions qui vont maintenant être discutées avec les personnels.

Tout d'abord, vous l'avez justement rappelé, il y a trente-six cours d'appel. Comme je n'envisage pas d'en supprimer une, il me semble intéressant de les spécialiser. Nous allons donc proposer à la cour d'appel d'Amiens de se spécialiser dans le contentieux de la tarification. Cela lui permettra de récupérer une activité spécifique qui la confortera.

Ensuite, nous allons préparer un plan d'accompagnement pour permettre aux personnels ne relevant pas du ministère de la justice de l'intégrer par une passerelle ou de regagner leur administration d'origine. Nous tiendrons compte de toutes les situations individuelles dans ce processus.

Je compte sur votre appui, et je reste à votre disposition.

- page 8729

Page mise à jour le