Question de M. LEMOYNE Jean-Baptiste (Yonne - Les Républicains-A) publiée le 02/06/2016

M. Jean-Baptiste Lemoyne attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur la nécessité d'apporter un soutien à la filière viticole bourguignonne fortement touchée par des aléas climatiques hors normes par leur intensité et leur couverture géographique. La pérennité des entreprises et des emplois du secteur est menacée. En effet, et notamment dans l'Yonne, les épisodes de gel des 25, 26 et 27 avril 2016 et la grêle des 13 avril et 13 et 27 mai 2016 ont sévèrement endommagé 50 % du vignoble bourguignon. Les exploitations font face à de grosses difficultés financières. Aussi, face à cela, il conviendrait de mettre en place des mesures d'aides à la reconstitution des stocks en permettant notamment la mise en bouteille du volume complémentaire individuel pour les appellations blanches et en autorisant des rendements supérieurs, jusqu'à 10 % du rendement butoir dans le cadre d'une récolte qualitative et pour une durée maximale de trois ans, pour les appellations rouges. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire part de ses intentions en la matière.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger publiée le 16/11/2016

Réponse apportée en séance publique le 15/11/2016

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le secrétaire d'État, l'agriculture française, dans toutes ses composantes, souffre ; les femmes et les hommes qui s'y consacrent avec passion également.

Cette année est « la pire depuis la Seconde Guerre mondiale », pour reprendre les mots de Xavier Beulin, président de la FNSEA. Des aléas climatiques à répétition se sont souvent ajoutés à des cours mondiaux faibles.

Dès le 31 mai dernier, j'alertais le ministre de l'agriculture sur l'urgence qu'il y avait à apporter un soutien à la filière viticole bourguignonne, fortement touchée par des aléas climatiques d'une intensité hors norme.

En l'espace de quelques minutes – j'en ai été le témoin oculaire à Préhy, près de Chablis –, la grêle réduisait à néant des semaines, des mois de travail. En Bourgogne, c'est près de 50 % du vignoble qui a été touché. M. le secrétaire d'État ne l'ignore pas, puisqu'il a eu l'occasion de rencontrer des viticulteurs dans l'Yonne.

Les inondations ont, pour leur part, touché de nombreux agriculteurs. La « ferme Yonne » paie un lourd tribut à ces aléas. Ainsi, la chambre d'agriculture de l'Yonne estime à 320 millions d'euros les pertes agricoles, dont 150 millions d'euros pour le colza, le blé et l'orge, et 150 millions d'euros pour la viticulture.

Certes, le Gouvernement a annoncé, le 4 octobre dernier, un plan d'urgence prévoyant des garanties pour permettre aux agriculteurs d'emprunter, des exonérations de taxe sur le foncier non bâti, des aides à la reconversion ou au remplacement, mais nous devons aujourd'hui aller plus loin. La France reste pénalisée par un certain nombre de surtranspositions de directives européennes, par le poids des charges sociales et fiscales. Si certains en viennent à choisir de mettre un terme à leur vie, c'est que l'heure est grave !

Devant cette situation, le Gouvernement doit œuvrer à mettre en place un véritable pacte avec le monde agricole et vitivinicole. Pour faire face aux fluctuations de bénéfices et de revenus, allez-vous augmenter le plafond de la dotation pour aléas, la DPA, et simplifier cet outil ? Allez-vous lisser l'imposition sur le revenu sur cinq ans ? Pour la viticulture, quid de la provision pour perte de récolte et de la mise en place d'une aide à la reconstitution des stocks ? Quelles mesures allez-vous prendre pour favoriser l'amélioration du taux de couverture assurantielle ? Ce dernier point est crucial.

Monsieur le secrétaire d'État, le monde agricole et vitivinicole attend des réponses à ces questions concrètes et pressantes.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur Lemoyne, vous interrogez le ministre de l'agriculture sur la situation des agriculteurs, notamment celle des viticulteurs bourguignons. Stéphane Le Foll m'a demandé de vous répondre, étant retenu ce jour à Bruxelles par le conseil des ministres européens de l'agriculture.

En premier lieu, je tiens à rappeler les éléments fondamentaux du pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles annoncé le 4 octobre. Celui-ci apporte des réponses aux besoins de financement, à des conditions jamais mises en œuvre auparavant et à la hauteur des terribles aléas survenus cette année. Comme vous l'avez indiqué, mon déplacement dans l'Yonne, sur l'invitation du conseiller départemental Nicolas Soret, a été pour moi l'occasion de rencontrer des viticulteurs.

Il s'agit d'abord de dégrèvements d'office de taxe sur le foncier non bâti sans aucune démarche à effectuer par les agriculteurs. Pour l'Yonne, cela représente 50 % ou 35 % de dégrevés d'office selon les zones. Les agriculteurs qui ont connu des pertes supérieures à la moyenne départementale peuvent aussi demander des dégrèvements supplémentaires.

Il s'agit ensuite de la mise en place, pour la première fois à de telles conditions, d'une garantie publique qui permettra à tous les agriculteurs, qu'ils soient en difficulté ou non, de bénéficier des mêmes taux d'intérêt d'emprunt.

Le ministre de l'agriculture fera le point en fin de semaine sur la mise en œuvre précise et effective de l'ensemble de ces mesures.

Concernant l'amélioration de l'assurance, les crédits publics de soutien à l'assurance récolte étaient de 10 millions d'euros en 2005. Ils sont d'environ 120 millions d'euros cette année. L'État garantira une prise en charge à hauteur de 65 % en 2017, quel que soit le nombre de souscriptions.

Le ministre de l'agriculture, après avoir mis en œuvre le contrat socle, est aujourd'hui à Bruxelles pour défendre la mise en place d'un système mutualisé de gestion des risques. L'objectif est de rendre les aides européennes plus efficaces en cas de coup dur.

En ce qui concerne la DPA, ce gouvernement l'a réformée à plusieurs reprises. Récemment, il a supprimé les intérêts de retard en cas de non-utilisation. Nous avons aussi permis une reconnaissance de l'aléa économique plus souple, qui autorise à y recourir pour des aléas moindres cumulés sur deux années. Cette mesure répondait à une demande forte.

Cet outil a été deux fois plus utilisé en 2016 qu'en 2014. Vous demandez au Gouvernement de le déplafonner. Les chiffres de la Mutualité sociale agricole, la MSA, indiquent que 30 % des agriculteurs dégagent un revenu inférieur ou égal à 4 000 euros annuels. Or le plafond est aujourd'hui fixé à 27 500 euros annuels de mise en réserve possible ; il ne sera donc jamais atteint par ceux qui rencontrent des difficultés… Cela représente en effet deux SMIC annuels de revenus non fiscalisés. C'est pour cela que des aides conjoncturelles sont mises en œuvre. Le Gouvernement ne souhaite donc pas toucher à ce plafond. Une telle modification conduirait simplement à permettre à un petit nombre d'agriculteurs qui dégagent de très hauts revenus de se servir de ce dispositif comme d'un outil d'optimisation fiscale.

Quant à la baisse de charges sociales que vous demandez, je vous rappelle que le Gouvernement a permis 2,3 milliards d'euros d'allégements en 2017, soit 1,2 milliard d'euros de cotisations en moins par rapport à 2012. Désormais, l'employeur d'un salarié payé au SMIC ne verse aucune cotisation de sécurité sociale. En ce qui concerne les cotisations personnelles, l'assiette minimale est supprimée, ce qui aide les exploitants à très faibles revenus. Depuis 2015, les cotisations individuelles des agriculteurs ont été allégées de dix points, soit d'environ 25 %.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement et les services de l'État répondent présents depuis 2012 chaque fois qu'une crise agricole émerge, tout en apportant également des réponses aux difficultés structurelles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le secrétaire d'État, de par vos fonctions, vous savez combien il est important de soutenir la « ferme France » pour que nos échanges avec le monde soient denses et fructueux. Il est essentiel de conforter le monde agricole, qui, après les décisions ponctuelles prises au début du mois d'octobre, attend un certain nombre de mesures complémentaires.

Une clause de revoyure jouera dans quelques semaines. À cette occasion, il faudra prendre toute la mesure du problème et ne pas opposer les « petits » aux « gros » agriculteurs, car tous « trinquent » !

Nous avons besoin d'une agriculture véritablement productive et compétitive. Or nous courons parfois, dans la compétition internationale, avec des sabots de plomb !

En ce qui concerne l'assurance récolte, j'ai bien noté les précisions apportées par M. le secrétaire d'État. Il est important de donner une certaine visibilité et d'apporter de la stabilité au dispositif, car la subvention peut varier d'une année à l'autre, ce qui a une incidence sur les comportements. Pourquoi ne pas inciter, peut-être fiscalement, chacun à s'assurer ? Il convient d'améliorer le taux de couverture, qui n'est actuellement que de 30 %. Ainsi, nous pourrons pallier les aléas climatiques et peut-être, demain, la volatilité des prix.

Ma question et celle de M. Le Scouarnec montrent que, sur toutes les travées, nous nous sentons très concernés par la situation de l'agriculture française. Il importe de prendre, dans un esprit bien compris d'union nationale, les mesures importantes qui sont attendues.

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