Question de M. BAILLY Gérard (Jura - Les Républicains) publiée le 04/08/2016

M. Gérard Bailly interroge Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat sur les actions conduites par la France pour réviser les dispositions ayant trait à la protection des loups dans la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 et entrée en application le 1er juin 1982.

S'il est exact qu'en 1979 le nombre de loups était très limité, force est de constater qu'il n'en va plus de même aujourd'hui puisqu'on estime le nombre de loups sur le sol français à environ 500. Au départ présent uniquement dans les Alpes du Sud, la présence du loup est désormais signalée dans tous les massifs français de l'est de la France jusqu'en Lorraine. Cette prolifération est particulièrement rapide et importante dans le Massif Central et tout particulièrement en Lozère et en Aveyron. Les plans loup n'ont pas permis d'enrayer le nombre de loups, ni le nombre de territoires concernés par la présence de l'animal. Conséquences : traumatismes, mécontentements et fortes inquiétudes des éleveurs d'ovins, de chèvres et même de jeunes bovins qui doivent faire face aux attaques répétées de leurs troupeaux par les loups. Il se demande si l'on veut complètement décourager nos éleveurs d'ovins, alors même qu'ils doivent déjà faire face à de nombreuses autres contraintes. De même, il se demande si l'on va encore longtemps considérer le loup comme une espèce protégée, laissant les éleveurs avec d'innombrables contraintes pour protéger leurs cheptels. Et enfin, alors que chacun d'entre nous a à cœur le bien-être animal, il souhaite savoir si l'on va encore longtemps tolérer que les loups déchiquètent les cheptels ovins et caprins, condamnant ainsi 9 000 de ces animaux à une mort atroce, alors même que les loups attaquent pour se nourrir mais aussi par instinct et parce qu'ils sont désormais intouchables.

Pour sa part, il pense qu'il y a une extrême urgence à revoir les dispositions de la convention de Berne concernant le loup. C'est pourquoi, il l'interroge pour savoir si le Gouvernement a demandé une révision de la convention de Berne au sujet du loup, et, si tel est le cas, savoir quand la question a été posée, quelles ont été les procédures suivies, et, bien sûr, quelle réponse lui a été donnée.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, chargé de la biodiversité publiée le 22/02/2017

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2017

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est non seulement en tant que président du groupe d'études de l'élevage, mais aussi en tant qu'éleveur, avec mes convictions et même mes tripes, que je voudrais interroger Mme la secrétaire d'État en charge de la biodiversité sur les actions conduites par la France pour réviser les dispositions ayant trait à la protection des loups dans la convention de Berne du 19 septembre 1979, laquelle est en application depuis le 1er juin 1982.

S'il est vrai qu'en 1979 le nombre de loups était très limité, force est de constater qu'il n'en va plus de même puisqu'on estime désormais à environ 500 le nombre de loups sur le sol français.

Au départ signalée uniquement dans les Alpes du Sud, la présence du loup est désormais avérée dans tous les massifs français de l'est de la France, jusqu'en Lorraine. Cette prolifération est également rapide et importante dans le Massif central, tout particulièrement en Lozère et en Aveyron. Les différents « plans loup » n'ont pas permis d'enrayer leur progression ni le nombre de territoires concernés par la présence de l'animal. Il en est résulté traumatismes, mécontentements et fortes inquiétudes des éleveurs d'ovins, de chèvres et même de jeunes bovins, qui doivent faire face aux attaques répétées de leurs troupeaux par les loups. À quand les humains ?

Veut-on complètement décourager nos éleveurs d'ovins, alors même qu'ils doivent déjà faire face à de nombreuses autres contraintes ? Va-t-on encore longtemps considérer le loup comme une espèce protégée, laissant les éleveurs face à d'innombrables contraintes pour protéger leurs cheptels ? Alors que l'on attend à juste titre des éleveurs qu'ils aient le souci du bien-être animal, va-t-on encore tolérer pendant longtemps que les loups déchiquètent de façon horrible plus de 9 000 ovins et caprins chaque année, mais aussi de jeunes bovins, les condamnant tous à une mort atroce ? J'ai ici des photos qui illustrent de façon crue ce que je viens de dénoncer.

Où est L.214 ? Étonnamment, on ne les entend pas sur le sujet…

Enfin, que comptez-vous faire pour les éleveurs, aujourd'hui pris en tenaille entre l'obligation de protéger leurs troupeaux des loups avec des chiens patous et les ennuis, voire les procès, que les agressions causées par ces chiens à des randonneurs peuvent leur valoir ?

Pour ma part, je pense qu'il est urgent de revoir les dispositions de la convention de Berne, d'autant que, selon le journal Le Progrès du 4 février 2017, que je tiens à votre disposition, nos voisins italiens ont recensé, dans les Alpes entre 100 et 150 loups et, dans les Apennins, entre 1 070 et 2 472 loups ! Au vu de tels chiffres, qui peut croire que le loup soit une espèce en voie de disparition ?

C'est pourquoi, madame la secrétaire d'État, je souhaite que vous indiquiez à la représentation nationale si le Gouvernement a fait une demande de révision de la convention de Berne au sujet du loup. Dans l'affirmative, nous aimerions savoir à quelle date elle a eu lieu, quelles ont été les procédures suivies, et bien sûr, quelle réponse lui a été donnée ?

Demain après-midi se tiendront à l'Assemblée nationale les rencontres parlementaires sur la prédation du loup, réunissant députés, sénateurs, élus locaux, scientifiques, juristes et représentants des organismes agricoles et agropastoraux. C'est vous dire, madame la secrétaire d'État, si votre réponse, que nous souhaitons la plus précise possible, est importante.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, la question du loup est un sujet très important, en termes tant de protection du patrimoine naturel que d'économie, à travers la sécurité des élevages et le maintien du pastoralisme, pratique à laquelle nous sommes, je le crois, tous très attachés.

Le loup est une espèce protégée au titre de la convention de Berne et de la directive européenne habitats-faune-flore. La France se doit de respecter strictement ses engagements internationaux et donc d'assurer la protection et le bon état de conservation d'une population estimée aujourd'hui à 300 loups sur l'ensemble du territoire. (M. Gérard Bailly fait une moue dubitative.)

Le retour naturel du loup dans notre pays n'est pas neutre : il marque une avancée majeure, dans un contexte général de perte de biodiversité, mais, vous avez raison, monsieur le sénateur, et il serait absurde de le nier, il est aussi synonyme de bouleversements profonds et parfois très douloureux dans la gestion des troupeaux dans les zones concernées.

Je suis déterminée à ce que le dossier loup ne soit plus traité seulement au coup par coup. Nous avons pris des mesures d'urgence pour éviter que les éleveurs ne se retrouvent seuls dans cette situation, mais nous avons besoin d'une stratégie claire sur le long terme, partagée par tout le monde.

C'est pourquoi j'ai lancé le 7 juillet dernier une démarche d'évaluation prospective du loup en France à l'horizon 2025-2030.

Elle comprend deux volets.

Il y a tout d'abord la réalisation de deux expertises collectives pour disposer des données scientifiques qui doivent rester la base de notre action : l'une sur la biologie de l'espèce et sur sa répartition sur le territoire ; l'autre sur les aspects sociologiques et les relations entre l'homme et le loup, car on sait que cet animal s'adapte et réagit aux mesures mises en place face à lui.

Ensuite, il y a l'élaboration d'une stratégie à l'horizon 2025-2030, en concertation avec tous les acteurs concernés. Bien évidemment, les éleveurs et les organisations agricoles sont autour de la table.

J'ai la conviction que la politique a un rôle à jouer sur la question du loup, comme pour d'autres espèces, et peut-être plus encore compte tenu du symbole que représente le loup.

Il faut bien avoir à l'esprit que, depuis près de cent ans, les éleveurs ont vécu sans le loup, et nous leur demandons de vivre de nouveau avec. Il s'agit donc de retrouver des pratiques d'élevage compatibles avec la présence du loup, de les adapter au monde d'aujourd'hui et de les diffuser. Tout cela ne se fait pas en un jour et demande du temps.

Monsieur le sénateur, en conclusion, je peux vous dire que l'État est aux côtés des éleveurs pour sauvegarder cette belle pratique du pastoralisme. Cette stratégie de long terme permettra d'agir concrètement, c'est-à-dire de regarder ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans ce qui est mis en place actuellement pour essayer de trouver ensemble les meilleures adaptations. La question des patous et de la formation des éleveurs se pose. Faut-il forcément utiliser ces chiens ou bien avoir recours à d'autres protections ? Bref, c'est un débat de long terme qu'il faut mener. En attendant que cette stratégie soit mise en place, nous perpétuons les mesures qui ont déjà été prises « en urgence ».

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Je remercie Mme la secrétaire d'État de sa réponse, mais j'ai posé une question beaucoup plus précise sur la convention de Berne.

À une question posée ici même par mon collègue Daniel Gremillet, le 9 juin 2016, vous répondiez que la ministre chargée de l'environnement avait adressé un courrier à la Commission européenne au sujet de cette convention le 27 juillet 2015, voilà donc dix-neuf mois. Qu'a-t-il été répondu à cette lettre ?

Madame la secrétaire d'État, dans la perspective des travaux qui vont se dérouler demain à l'Assemblée nationale, pouvez-vous nous renseigner sur ce point, qui pose un vrai problème ?

Par ailleurs, en cette période où l'argent public ne coule pas à flots, je veux rappeler les faits suivants : il a été dépensé 1,32 million d'euros pour la prévention en 2004, 12 millions d'euros en 2014, et 18,2 millions d'euros en 2015 ; en outre, une somme de 2,62 millions d'euros a été débloquée pour les éleveurs. Ces chiffres ne cessent d'augmenter, ce qui pose aussi problème.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je suis d'accord !

M. Gérard Bailly. Surtout, madame la secrétaire d'État, je suis bouleversé par le sort de ces quelque 10 000 animaux qui meurent dans des conditions atroces. Il faut mettre fin à cette hécatombe. Je vous le dis avec mes tripes d'éleveur : je préfère que l'on tue dix, cinquante ou cent loups !

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