Question de M. RAPIN Jean-François (Pas-de-Calais - Les Républicains) publiée le 27/10/2016

M. Jean-François Rapin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur l'indemnisation des vétérinaires ayant exercé des missions de prophylaxie collective, sous mandat de l'État, avant le 1er janvier 1990.

Le Conseil d'État a reconnu la responsabilité de l'État et l'a condamné à réparer le préjudice subi, suite au défaut d'affiliation des vétérinaires concernés aux organismes sociaux durant l'exercice de leur mandat sanitaire. Selon le ministère, la procédure de traitement des demandes d'indemnisation des vétérinaires sanitaires est opérationnelle depuis le dernier trimestre 2012.

Toutefois, il s'avère que les vétérinaires ayant pris leur retraite plus de quatre ans avant de demander une indemnisation ont vu leur dossier rejeté pour cause de prescription quadriennale (article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968).

N'ayant eu connaissance qu'en 2011 qu'ils pouvaient prétendre à une indemnisation, certains vétérinaires dont la pension était déjà liquidée à cette date, se retrouvent aujourd'hui démunis, face à une situation peu logique, invoquant légitimement le fait qu'ils ne pouvaient avoir connaissance du préjudice subi avant la décision du Conseil d'État.

Sachant que l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968 prévoit la possibilité de lever cette prescription, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur ce dossier et demande si le ministère a la possibilité de renoncer à l'application de la prescription quadriennale pour les vétérinaires qui ont exercé des mandats sanitaires.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 01/12/2016

L'État a tiré toutes les conséquences des deux décisions du Conseil d'État du 14 novembre 2011. Il a mis en place, dès 2012, une procédure harmonisée de traitement des demandes d'indemnisation du préjudice subi par les vétérinaires du fait de leur défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale au titre des activités exercées avant 1990 dans le cadre du mandat sanitaire. Cette procédure s'appuie sur la reconstitution des rémunérations perçues annuellement par chaque vétérinaire sur la période d'exercice de son mandat sanitaire. L'activité sanitaire des vétérinaires s'avère, en effet, avoir été très variable et ce indépendamment du département d'exercice. Si le traitement des demandes d'indemnisation peut apparaître long, il convient de souligner que la procédure amiable concerne un pré-contentieux de masse, qu'elle est lourde, car composée d'une analyse de chaque dossier selon des règles harmonisées, et de plusieurs étapes requérant l'implication non seulement du ministère chargé de l'agriculture mais aussi d'un ensemble de partenaires extérieurs. Cette procédure est ouverte aux vétérinaires retraités comme aux vétérinaires actifs. À ce jour, 1 273 dossiers recevables sont parvenus au ministère. 1 067 ont été complètement instruits. Cette instruction est effectuée au cas par cas, l'activité sanitaire des vétérinaires étant très variable d'un vétérinaire à l'autre et ceci quel que soit le département d'exercice. Priorité a été accordée, dans le traitement des demandes, aux vétérinaires en retraite qui subissent d'ores et déjà un préjudice. Trois séries de protocoles ont ainsi été envoyées en 2014, 2015 et 2016. Au 1er novembre 2016, 496 protocoles ont été signés. Près de 80 % des vétérinaires en retraite ayant accepté la proposition d'assiette qui leur a été faite ont ainsi été indemnisés, ce qui montre la pertinence de la procédure retenue. Ce processus se poursuivra en 2017. Certains dossiers présentent néanmoins des difficultés particulières. Les modalités techniques du règlement des dossiers des conjoints survivants sont en cours de finalisation. Elles sont complexes, compte tenu de la législation en vigueur. C'est néanmoins une priorité pour les mois qui viennent. Le recours à l'assiette forfaitaire prévue par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, qui est demandé par certains professionnels, n'est pas adapté aux vétérinaires sanitaires. Ceux-ci étaient avant tout des praticiens libéraux ayant exercé une activité d'agent public de manière partielle et fractionnée, en complément de leur activité principale libérale. L'article 1er de la loi n°  68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que « sont prescrites au profit de l'État… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Le Conseil d'État a confirmé, dans ses décisions n°  388198 et 388199 du 27 juillet 2016, que le délai de prescription de la demande d'indemnisation courrait à partir du 1er janvier suivant le jour de la liquidation de la retraite. Il a aussi souligné que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établies par ses décisions du 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974 qui ont donné lieu à diffusion et à retranscription dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. Ce n'était qu'à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre du mandat sanitaire avaient été « assimilées », pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ainsi le Conseil d'État a-t-il jugé que les vétérinaires ne pouvaient être légitimement regardés comme ignorants de leur créance au moment où ils ont liquidé leur droit à pension. Le Conseil d'État, dans une décision du 10 janvier 2007 (Mme Martinez, n°  280217), a en outre jugé que l'erreur de l'administration était sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l'administration opposait la prescription quadriennale à la réclamation d'un administré. L'article 6 de la loi précitée dispose que « les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ». Si l'article 6 de la loi n°  68-1250 du 31 décembre 1968 prévoit aussi que les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription, ce n'est qu'en raison de circonstances particulières, notamment de la situation du créancier. Cette possibilité ne peut être qu'exceptionnelle, au risque, dans le cas contraire si cela était généralisé, de remettre en cause toute sécurité juridique et toute égalité des citoyens devant la loi.

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