Question de M. ALLIZARD Pascal (Calvados - Les Républicains) publiée le 04/11/2016

Question posée en séance publique le 03/11/2016

M. Pascal Allizard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis la publication d'un livre journalistique d'entretiens avec le Président de la République, nos compatriotes découvrent chaque jour un peu plus les propos étonnants qu'il y tient, et je pèse mes mots !

Un président ne devrait pas dire ça, tout est dans le titre, et pourtant il l'a dit. Et pas par faiblesse passagère ! Il s'agit bien d'une démarche volontaire, car on ne se confie pas par erreur pendant plus de soixante entretiens à deux journalistes dûment sélectionnés.

Les Français attendent de leur chef de l'État qu'il incarne véritablement sa fonction avec un minimum de hauteur et de dignité. Ce n'est, hélas, pas ce qu'ils constatent aujourd'hui !

Au rebours des convictions de M. Hollande, le Président de la Ve République est tout sauf un « homme normal ». Dès lors, il n'a pas été élu pour livrer ses confidences, ses vagues à l'âme et surtout pas pour évoquer le mode opératoire des services secrets. Tous ces « accrocs » dans l'exercice de la fonction présidentielle ne font que saper les institutions et mettre à mal l'autorité de l'État.

Monsieur le Premier ministre, au-delà de nos différences politiques, je sais que vous n'approuvez pas ces dérapages. De nombreux responsables politiques, de la majorité comme de l'opposition, partagent votre colère et votre honte. Ma question est donc simple : le couple exécutif est-il encore capable de diriger la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)


M. Ladislas Poniatowski. Très bien !

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Réponse du Premier ministre publiée le 04/11/2016

Réponse apportée en séance publique le 03/11/2016

M. Manuel Valls, Premier ministre. On peut passer des semaines entières à commenter des commentaires de commentaires. Pour ma part, je me suis déjà exprimé sur le sujet, et vous le savez, monsieur le sénateur.

M. Jean-Louis Carrère. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les Français attendent hauteur et responsabilité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) dans ces moments particuliers où nous devons faire face aux défis du terrorisme, affronter les défis de la planète, de l'Europe et éviter le danger du populisme.

Ma responsabilité, comme celle de tous ceux qui ont en charge l'avenir du pays, est de me consacrer à l'essentiel. Dans le débat politique, l'essentiel, c'est de défendre – il est indispensable de le faire – ce que nous avons réalisé au cours de cette législature. Nous sommes en effet fiers – c'est légitime – d'avoir créé 60 000 postes supplémentaires dans l'éducation nationale et revalorisé le salaire des enseignants ; nous sommes fiers d'avoir créé le compte pénibilité et institué le départ à la retraite à soixante ans pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes ; nous sommes fiers d'avoir généralisé le tiers payant et mis en place la prime d'activité ; nous sommes fiers d'avoir redressé les comptes publics et relancé la compétitivité de nos entreprises, pour qu'elles puissent investir et embaucher – les chiffres du chômage depuis le début de l'année le prouvent (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) ; nous sommes fiers d'avoir accordé des moyens supplémentaires à la défense, à la justice et aux forces de l'ordre ; nous sommes fiers d'être intervenus au Mali et au Levant pour combattre le djihadisme.

M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Alain Gournac. C'est formidable…

M. Manuel Valls, Premier ministre. Voilà l'essentiel, monsieur le sénateur.

Dans le débat qui s'engage – je le regarde avec beaucoup de respect –, il serait bon de savoir ce que l'opposition, la droite républicaine, souhaite proposer au pays. Pour le moment, les Français n'y voient pas très clair : comptez-vous supprimer 200 000, 300 000, 500 000, 700 000, voire 1 million de postes de fonctionnaires ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Vasselle. Ce n'est pas la question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Voulez-vous remettre en cause le statut de la fonction publique ?

M. Alain Gournac. Répondez à la question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les Français voudraient également savoir si votre position est celle du président par intérim des Républicains, qui pétitionne contre l'accueil des réfugiés, ou celle des maires qui se conforment aux valeurs de la France, que Laurence Rossignol rappelait il y a un instant.

M. François Grosdidier. Vous répondez à tout sauf à la question !

M. Claude Malhuret. Vous bottez en touche !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, nous sommes dans un moment déterminant pour notre pays ! Ma responsabilité, en tant que chef du Gouvernement, c'est de gouverner, c'est de tenir la baraque,…

M. Gérard Longuet. Elle s'écroule, la baraque !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … c'est de faire respecter l'État de droit, l'autorité, la République et ses valeurs.

À mon sens, ce qui manque le plus au pays…

M. Albéric de Montgolfier. C'est un Président de la République !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … – parce qu'il n'y a pas non plus d'appétence chez les Français pour les propositions de l'opposition –, c'est l'espérance.

À la place que j'occupe, je veux tout simplement faire en sorte que, au-delà de nos divergences politiques, il y ait davantage de fierté, davantage de regards positifs sur notre pays, comme on le constate quand on parcourt le monde.

Ma conviction, c'est qu'il n'y a pas de fatalité : pas de fatalité au conservatisme, pas de fatalité à la montée de l'extrême droite. « La fatalité triomphe dès que l'on croit en elle », disait joliment Simone de Beauvoir. Il faut donc nous y opposer de toutes nos forces, être fiers de ce que nous sommes : des hommes et des femmes de gauche réformiste, des républicains, des Français ! Là est ma seule tâche : servir mon pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.

M. Pascal Allizard. Durant ces cinq années, les Français ont vécu une déconstruction méthodique de la fonction présidentielle. Désormais, ce sont les petites confidences populistes… Tout cela n'est à la hauteur ni de la fonction ni de la situation.

Alors que le pays décroche en matière économique, alors qu'il doit affronter les désordres du monde, le chef de l'État devrait être pleinement mobilisé par cette tâche…

M. Didier Guillaume. Il l'est !

M. Pascal Allizard. … au lieu de perdre son temps à tenir des propos de café du commerce.

M. Jean-Louis Carrère. Comment va le couple Juppé-Sarkozy ?

M. Pascal Allizard. Lorsque la République est faible, lorsqu'elle n'est plus dirigée, elle encourt les plus grands dangers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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