Question de M. MARC François (Finistère - Socialiste et républicain) publiée le 22/12/2016

M. François Marc attire l'attention de Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat sur le programme de « quantitative easing » (QE) lancé début 2015 par la Banque centrale européenne (BCE). Ce programme d'« assouplissement quantitatif » avait pour objectif de contrer la spéculation sur les dettes souveraines et conjurer le spectre de la déflation. Jusqu'à présent, le dispositif consistait principalement à racheter des obligations souveraines et à prêter de l'argent à bas prix aux grandes banques du continent.
Depuis juin 2016, la BCE s'est également lancée (via six banques centrales nationales dont la Banque de France) dans le rachat d'obligations d'entreprises. Dans la liste des bénéficiaires de ce programme de rachat d'obligations d'entreprises initié en juin 2016 par la BCE, figurent l'industrie pétrolière, les industries de l'automobile et des autoroutes, celle du luxe, celle de l'armement et enfin celle des casinos.
Selon les analyses de certains observateurs, la BCE aurait, en définitive, investi plusieurs dizaines de milliards d'euros dans le rachat d'obligations d'entreprises des secteurs économiques (pétrole, gaz, autoroutes et automobile) connus pour être néfastes pour le climat (onze opérations d'achats d'obligations de Shell, seize pour la compagnie pétrolière Eni, six pour Repsol, sept pour Total, quinze opérations pour Daimler et BMW respectivement, sept pour Volkswagen, trois pour Renault…). Selon les calculs de ces mêmes observateurs, à la date du 25 novembre 2016, 46 milliards d'euros auraient déjà été injectés dans ce programme, et la somme pourrait atteindre 125 milliards d'ici septembre 2017.
Ces chiffres ne peuvent manquer d'inquiéter tous ceux qui attachent la plus grande importance aux engagements de réorientation de l'économie pris lors de la COP21. L'action de la BCE ne peut en la matière s'extraire de la démarche de gouvernance publique qu'il nous incombe de mener en urgence.
À travers la présente question, il souhaiterait par conséquent connaître les exigences qu'il est envisageable de formuler à la BCE pour que le programme de « QE » mis en œuvre soit davantage en phase avec les engagements sur le climat.

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Réponse du Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat publiée le 23/03/2017

Les enjeux pour le secteur financier liés au changement climatique sont une dimension importante de l'action du Gouvernement. Le défi climatique nécessite une réorientation des investissements dans les années à venir que le secteur financier dans son ensemble devrait accompagner. Les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer dans cette perspective. Les politiques publiques doivent notamment contribuer à la bonne connaissance par les institutions financières des engagements et de la stratégie des pouvoirs publics sur le long terme pour la transition énergétique (paquet énergie climat 2030, loi de transition énergétique, définition d'une trajectoire de taxe carbone) et, plus globalement des risques et opportunités que représentent la transition énergétique. Le Gouvernement a ainsi œuvré pour favoriser une réorientation des flux financiers cohérente avec l'objectif d'une limitation de la hausse des températures de 2°C à l'instar de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), qui vise à encourager une meilleure intégration des aspects environnementaux par les agents économiques. Son article 173 comprend notamment des dispositions touchant les entreprises de tous secteurs (et en particulier du secteur financier) pour accroître leur appropriation des enjeux climatiques. Le décret du 19 août 2016 pris en application de l'article 173-IV a notamment renforcé les obligations en matière de reporting climat des entreprises en leur demandant de publier des informations sur les conséquences sur le changement climatique de leurs activités et de l'usage des biens et services qu'elles produisent. Ce reporting pourra ainsi fournir la matière nécessaire aux institutions financières pour qu'elles puissent prendre des décisions en toute connaissance de cause sur les risques et opportunités liés au climat comme les y invitent l'article 173-VI et son décret d'application. Au plan international, le Gouvernement a également œuvré pour que ces questions soient prises en compte par les autorités en charge du secteur financier (G20, Conseil de stabilité financière). Plus récemment, la Commission européenne a aussi engagé une réflexion d'ensemble sur ce sujet. Le Gouvernement soutient également le développement d'instruments financiers qui peuvent faciliter la mobilisation des capitaux privés pour la transition énergétique. C'est notamment le cas des obligations vertes. La France a ainsi émis, le 24 janvier 2017, la première obligation verte souveraine de l'État français. Elle réalise ainsi l'émission la plus importante en taille et la plus longue en maturité jamais observée sur le marché des « green bonds ». Au cours de cette transaction inaugurale, la France a emprunté 7 milliards d'euros pour financer la transition énergétique avec une maturité de 22 ans. La question de l'interaction de ces considérations avec la politique de la Banque centrale européenne (BCE) relève d'une réflexion analogue, mais appelle quelques précisions. Le Gouvernement souhaite rappeler que l'indépendance de la BCE est un pilier fondateur de l'Union économique et monétaire et à ce titre, il ne saurait vouloir interférer dans les politiques mises en œuvre par cette institution indépendante. On peut cependant noter que la politique de gestion des risques de la BCE lui permet de prendre en compte l'ensemble des risques présentant une dimension financière matérielle. À ce titre, les conséquences du changement climatique et de la lutte contre celui-ci qui ont in fine une traduction en termes de risques financiers sont dans le champ de son analyse.

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