Question de M. RAFFARIN Jean-Pierre (Vienne - Les Républicains) publiée le 27/01/2017

Question posée en séance publique le 26/01/2017

M. Jean-Pierre Raffarin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne la dégradation de la situation internationale, qui nous préoccupe tous.

Les foyers de crise se multiplient, le terrorisme frappe partout, les États puissants sont de retour, le désordre international s'installe. Partout, le monde s'arme ; partout, la paix recule ; partout, la force prévaut. Dans ce contexte dangereux, le président des États-Unis s'attaque brutalement aux valeurs de la diplomatie française.

Trois offensives de M. Trump sont inacceptables.

Il s'agit, d'abord, du retour à l'extrême protectionnisme et à l'isolationnisme. Les tensions qui vont ainsi se développer entre les grandes puissances, entre les États-Unis et la Chine, entre la Chine et la Russie, n'annoncent rien de bon. La remise en cause du multilatéralisme va à l'encontre de notre attachement au rôle de l'ONU et de son conseil de sécurité. L'accord de Paris et l'accord sur le nucléaire iranien, victoires du multilatéralisme, sont aujourd'hui remis en question.

La mise en œuvre de la stratégie de déconstruction de l'Union européenne se poursuit : le soutien américain au Brexit, la fragilisation de l'OTAN et la campagne permanente contre l'euro sont inacceptables.

Monsieur le Premier ministre, quels changements comptez-vous apporter à notre orientation diplomatique à l'égard des États-Unis ? Quelles initiatives les autorités françaises comptent-elles prendre, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 27/01/2017

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2017

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur Raffarin, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre question, à la fois précise et large, comme celle de M. Bourquin.

Quels que soient les propos parfois excessifs tenus en début de mandat par un responsable politique à la tête d'une grande puissance, l'histoire des derniers siècles montre que l'on ne peut rien contre la force de l'histoire, des valeurs et des liens construits dans le temps long de l'histoire, pour reprendre une notion chère à Fernand Braudel.

Que nous indique ce temps long de l'histoire ? Que nous sommes unis aux États-Unis, de façon irréversible, par des valeurs qui ont conduit les Américains à prendre leurs responsabilités devant l'histoire et à venir fouler le sol de notre pays pour que l'ensemble de l'Europe puisse recouvrer sa liberté. En tant qu'élu de Normandie, je n'oublie pas cette histoire glorieuse, puissante, qui unit nos deux pays. Nous partagions alors une même aspiration à la liberté, à la lutte contre le totalitarisme, une même conception de la tolérance et, surtout, du respect que les grandes nations se doivent les unes aux autres, sans lequel il n'y a pas de stabilité du monde.

Je crois que cette histoire-là est plus forte que tout. La première chose que nous avons à faire, dans le calme et la maîtrise, c'est de rappeler, en France et en Europe, l'indestructibilité de ces liens.

Par ailleurs, il nous faut agir, et vite, d'abord au sein de l'Union européenne, pour que, sur les trois sujets que vous avez évoqués, notre réponse soit claire et ferme.

S'agissant de l'environnement et de la COP 21, nous avons obtenu, sous l'autorité du Président de la République, avec Laurent Fabius et Ségolène Royal, ce grand accord parce que nous sommes parvenus à emporter l'assentiment d'autres grandes nations, qui n'étaient pas nécessairement, au départ, acquises à ce que nous proposions. Nous avons réussi parce que la voix de la France a porté et que l'Union européenne s'est exprimée avec elle pour faire en sorte que cet accord soit signé. Nous mettrons la même énergie, monsieur Raffarin, à le faire appliquer. L'Europe, dans son unité et au travers de son dialogue avec d'autres continents, notamment l'Afrique, agira pour que cet accord soit scrupuleusement mis en œuvre, conformément à son texte et à son esprit.

Concernant la déstabilisation du monde par le terrorisme, nous avons, là aussi, une responsabilité commune. Au sein de l'Union européenne, nous avons à faire la démonstration de notre puissance. J'évoquais tout à l'heure les chantiers ouverts : la réforme du code frontières Schengen, la montée en puissance de FRONTEX, la nécessité de mettre en œuvre des décisions que nous avons mis onze ans à prendre –je pense notamment au PNR, désormais adopté, que nous devons mettre en place rapidement, à l'interconnexion des fichiers, à la nécessité d'engager, sur la question migratoire, un dialogue renforcé, au niveau de l'Union européenne, avec le continent africain, notamment les pays de la bande sahélienne, de manière à enrayer, par la coopération et le développement, l'immigration économique.

Quant à l'accord sur le nucléaire iranien, pour lequel la diplomatie française, sous l'autorité de Laurent Fabius, s'était très fortement mobilisée, nous devons le préserver.

Dans cet esprit, nous mettrons à profit tous les rendez-vous internationaux et européens, dans le cadre d'une alliance approfondie avec l'Allemagne. En effet, quand l'essentiel est en cause, c'est l'axe franco-allemand qui doit affirmer les ambitions et indiquer clairement la direction à suivre, pour faire en sorte que les intérêts de l'Europe soient préservés et défendus.

Sur le plan de la défense européenne, il convient, en prenant les dispositions que j'indiquais tout à l'heure en matière de renforcement des politiques de défense, de réaliser les investissements nécessaires, de rassembler nos industries, de renforcer nos capacités de projection.

Nous devrons également défendre nos intérêts économiques et commerciaux, par la mise en place d'une politique européenne dépourvue de toute naïveté, visant à protéger nos filières d'excellence.

Voilà ce que nous ferons, en profitant de toutes les occasions pour promouvoir les politiques utiles, en faisant en sorte, pour répondre à la déstabilisation du monde, que les logiques multilatérales que vous avez évoquées l'emportent sur toutes les formes d'excès et d'outrance, afin que l'ordre du monde soit un ordre de paix, de tolérance, de respect et de liberté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Raffarin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le Premier ministre.

Notre diagnostic est plus grave que le vôtre. Nous pensons vraiment que nous devons renouer avec une politique étrangère de la France plus puissante, fondée sur une indépendance nationale s'appuyant elle-même sur une capacité militaire renforcée et sur la dissuasion. Il faut aussi une ambition européenne et la volonté de dialoguer avec tous.

J'ajoute que si, dans la situation troublée que nous connaissons, des efforts militaires sont nécessaires, c'est le développement, autant que la guerre, qui permettra de remédier aux malheurs du monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. À titre exceptionnel, je redonne la parole à M. le Premier ministre, pour quelques secondes. Le sujet est d'importance !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le président.

Bien entendu, les déclarations de fermeté sont importantes, mais les actes comptent davantage. Lorsque nous décidons de mettre fin à la diminution des effectifs au sein de la défense nationale, lorsque nous mettons scrupuleusement en œuvre la loi de programmation militaire, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé, pour assurer l'efficacité de notre dissuasion, nous répondons très précisément à votre demande.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Lorsque le Président de la République prend les initiatives nécessaires pour que notre diplomatie fasse entendre sa voix sur les sujets que vous avez évoqués, il le fait non pas pour vous faire plaisir, monsieur le Premier ministre Raffarin, mais pour que la France soit à la hauteur du message qu'elle porte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Louis Carrère. À droite, beaucoup avaient voté contre la loi de programmation militaire !

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