Question de M. MARSEILLE Hervé (Hauts-de-Seine - UC) publiée le 03/08/2017

M. Hervé Marseille attire l'attention de M. le Premier ministre sur les redevances d'occupation du domaine dues à divers établissements publics placés sous la tutelle de différents ministères, suite au passage de canalisations d'eau potable dans leurs domaines publics.

Le Syndicat des eaux d'Île-de-France (SEDIF), desservant 150 communes et plus de 4,6 millions d'usagers, est actuellement sollicité pour le paiement de telles redevances dont les montants sont fortement en hausse.

Conformément à l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, il appartient à l'autorité chargée de la gestion du domaine concerné de déterminer le tarif des redevances, en tenant compte des avantages de toute nature que le permissionnaire est susceptible de retirer de l'occupation du domaine.

L'article R. 2333-121 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose à cet égard que la redevance due chaque année à une commune pour l'occupation du domaine public communal par les ouvrages des services de distribution d'eau ne peut excéder 30 € par kilomètre de réseau. Pour un réseau de 8 400 km tel que celui du SEDIF, le montant de ces redevances devrait en conséquence s'établir à 250 000 € environ par an.

Or, dans son rapport d'observations définitives du 9 mars 2017, la Chambre régionale des comptes d'Île-de-France relève que « trois établissements publics, dont le territoire est traversé par les canalisations du SEDIF et auxquels ces dispositions ne s'appliquent pas, fixent librement les tarifs de leurs redevances. […] Ainsi, l'ONF […] appliquait au SEDIF en 2014 […] le tarif de 263 € par kilomètre. Les contrats d'occupation devant être renouvelés, l'ONF demande aujourd'hui 3 150 € par kilomètre, soit 12 fois plus que dans le cadre du précédent contrat, un tarif 100 fois plus élevé que le plafond s'appliquant aux communes. […] Defacto […] a lui aussi fixé librement le tarif de la redevance […] à plus de 19 000 € par kilomètre, soit plus de 600 fois le plafond applicable aux communes. La SNCF, pour sa part, applique au SEDIF le référentiel qu'elle a établi au plan national […]. Ainsi, la redevance payée par le SEDIF à la SNCF […] s'élève en moyenne à 35 208 € par kilomètre, soit près de 1 200 fois plus que le plafond défini par le décret de 2009. […] Ces redevances au tarif exorbitant du droit commun […] pèsent donc sur le prix de l'eau pour l'usager. Au total, pour ces trois établissements, les sommes demandées représentent plus de 500 000 € par an […] ».

Dans le même sens, la Cour administrative d'appel de Marseille, dans un arrêt du 23 juin 2015
(n° 13MA02781), a légitimement reconnu que le montant plafonné fixé par le CGCT (également applicable à l'occupation du domaine de l'État en application du décret n° 2010-1703 du 30 décembre 2010) tient compte des avantages de toute nature procurés à l'occupant. En conséquence, en quoi la circonstance que les canalisations d'eau potable soient installées sur le domaine public d'établissements publics plutôt que sur celui d'une collectivité territoriale ou de l'État, procure-t-elle au SEDIF des avantages différents justifiant un rapport de 1 à 600 entre le montant de la redevance prévu par le CGCT et la redevance fixée par ces établissements ?

Il souhaite donc recueillir l'avis du Gouvernement sur ce sujet et savoir s'il pourrait être envisagé l'uniformisation de ce plafond, fixé par le CGCT, à toutes les occupations domaniales.

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Réponse du Premier ministre publiée le 08/03/2018

L'article R. 2333-121 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose, concernant le domaine des collectivités territoriales, que « la redevance due chaque année à une commune pour l'occupation du domaine public communal par les ouvrages des services de distribution d'eau et d'assainissement est déterminée par le conseil municipal dans la limite d'un plafond fixé au 1er janvier 2010 à 30 euros par kilomètre de réseau, hors les branchements, et à 2 euros par mètre carré d'emprise au sol pour les ouvrages bâtis non linéaires, hors les regards de réseaux d'assainissement […] ». L'article L. 2125-2 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), modifié par la loi n°  2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, prévoit lui, en ce qui concerne le domaine public de l'État, que « le régime des redevances susceptibles d'être perçues par l'État en raison de l'occupation de son domaine public par les canalisations ou ouvrages des services d'eau potable et d'assainissement exploités par les collectivités territoriales et leurs groupements est fixé par décret. ». L'article 1er du décret n°  2010-1703 du 30 décembre 2010, non codifié, pris pour l'application de l'article L. 2125-2 du CGPPP précité, a par ailleurs précisé que « le montant de la redevance due chaque année à l'État pour l'occupation de son domaine public par des canalisations ou ouvrages des services d'eau potable et d'assainissement exploités par les collectivités territoriales et leurs groupements est fixé dans la limite des plafonds définis à l'article R. 2333-121 du code général des collectivités territoriales. ». En conséquence, les redevances dues pour l'occupation, par des canalisations ou ouvrages des services d'eau potable et d'assainissement, du domaine public de l'État que celui-ci est susceptible de percevoir ou des collectivités territoriales, sont plafonnées à 30 euros par kilomètre de réseau. Les redevances dues pour l'utilisation des dépendances du domaine public dont les établissements publics sont propriétaires ne sont, pour leur part, pas encadrées par un plafond de même nature que celui précédemment décrit. Pour autant, il ne s'ensuit pas que le montant de ces redevances puisse être fixé librement. Le régime de ces redevances est déterminé par les dispositions générales relatives aux redevances figurant aux articles L. 2125-1 et suivants du CGPPP. Ainsi, selon l'article L. 2125-3 du CGPPP, la redevance doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. S'agissant des biens du domaine public de l'État mis à la disposition des établissements publics nationaux, les modalités de gestion de ces biens sont déterminées par leurs dispositions statutaires. Il convient par conséquent de se référer aux statuts de l'établissement qui prévoient en général que celui-ci est compétent pour délivrer le titre d'occupation, fixer le montant de la redevance et en assurer le recouvrement. Le juge vérifie que le montant des redevances réclamées n'est pas excessif compte tenu de l'avantage que le redevable était susceptible de tirer de l'occupation du domaine public (Conseil d'État, 11 octobre 2004, n°  254236). A cet égard, il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'État que pour qu'une redevance soit légale, il faut que l'autorité compétente justifie du mode de calcul de son montant (Conseil d'État, 21 mars 2003, Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux, n°  189191) Ainsi, en tout état de cause, les établissements publics doivent justifier le montant des redevances qu'ils perçoivent en raison de l'occupation du domaine public par les ouvrages des services de distribution d'eau. Par conséquent, en l'état de la réglementation, l'occupation par les ouvrages des services de distribution d'eau potable et d'assainissement d'emprises du domaine public appartenant aux établissements publics nationaux ou du domaine public que l'État leur a mis à disposition et pour lesquels ils sont compétents pour en fixer les conditions financières, ne sont pas soumis au plafond du tarif fixé par l'article R. 2333-121 du CGCT. Toutefois, ces redevances d'occupation ne peuvent être fixées librement et doivent, sous le contrôle du juge, être nécessairement établies par les établissements publics nationaux selon les principes fixés par l'article L. 2125-1 du CGPPP, en fonction des avantages de toute nature procurés aux occupants du domaine public.

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